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Peinture

Maurice Denis : un grand peintre de l'amour au musée d’Orsay

<i>Les arbres verts ou La procession sous les arbres</i> (1893), huile sur toile, Paris, musée d'Orsay.  

		(Photo: RMN, Hervé Lewandowski, ADAGP, Paris 2006)
Les arbres verts ou La procession sous les arbres (1893), huile sur toile, Paris, musée d'Orsay.
(Photo: RMN, Hervé Lewandowski, ADAGP, Paris 2006)
Si le nom de Maurice Denis reste attaché au groupe des Nabis, dont il fut l’un des fondateurs et le théoricien à la fin du XIXe siècle, son œuvre ne se limite pas à ce mouvement qui entendait renouveler et réconcilier la peinture et les arts décoratifs. La centaine d’œuvres rassemblées par le musée d’Orsay pour cette exposition en apporte la démonstration.

Curieux nom pour un mouvement artistique que celui de Nabi… Si le mot « nabi », vient de l’hébreu nevi qui signifie « prophète » ou « voyant », il  exprimait surtout l’ambition esthétique d’un groupe de jeunes artistes qui, à la fin des années 1880, voulaient en découdre avec l’art établi, qu’ils jugeaient trop réaliste, académique. Ils lui opposent une nouvelle forme de peinture qui serait à la fois décorative et symboliste, et s’engagent dans une recherche artistique sur la couleur et la composition – fortement influencée par Gauguin -  et que Maurice Denis résumait alors ainsi : «Une peinture, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées».

Un peintre chrétien (et amoureux)

Les Nabis ont aussi de grandes ambitions intellectuelles et spirituelles, souvent plus proches des philosophies orientales et ésotériques que du christianisme. Ce n’est pas le cas de Maurice Denis. Dès l’adolescence, quand il a souhaité être peintre, il a voulu être un peintre chrétien. Sa peinture comporte beaucoup de sujets religieux, «ce qui a malheureusement nui par la suite à sa réputation de peintre», comme le souligne Sylvie Patry, commissaire de l’exposition, «mais ces thèmes religieux sont constamment réinterprétés, parce que Maurice Denis les réactualise, les situe dans un monde contemporain, et surtout il les relie à sa vie personnelle, intellectuelle et amoureuse, ce qui leur donne une dimension plus vaste que la stricte dimension dogmatique ou catholique». L’autre thème privilégié par Maurice Denis, et étroitement lié à celui de la religion, c’est l’amour, celui qu’il éprouve pour sa fiancée puis son épouse, Marthe, qui est au cœur de son œuvre.

Amour, symbolisme et décoration

Entre leur rencontre en 1891 et leur mariage en 1893, Marthe Meunier lui inspire des tableaux très poétiques. A cet égard, Les Muses, chef-d’œuvre du peintre et exposé à deux reprises seulement de son vivant, est emblématique de cette époque.

<i>Les Muses</i> (1893), huile sur toile, Paris, musée d'Orsay. &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo: RMN, Hervé Lewandowski, ADAGP, Paris 2006)
Les Muses (1893), huile sur toile, Paris, musée d'Orsay.
(Photo: RMN, Hervé Lewandowski, ADAGP, Paris 2006)

Sylvie Patry

Conservateur au musée d'Orsay, un des commissaires de l'exposition

«"Les Muses" est l'un des plus beaux tableaux de Maurice Denis.»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour Maurice Denis, c’est par l’amour que la jeune fille devient femme, et c’est par la maternité que celle-ci s’accomplit, Marthe aura sept enfants. Ces étapes, le peintre les évoque dans une série de quatre tableaux qui sont en fait des « Panneaux pour une chambre de jeune fille ». Au programme des Nabis, il y avait l’abolition des frontières entre peinture de chevalet et peinture décorative, et plus généralement, le renouvellement de la décoration. Cet ensemble, répond parfaitement à ce souci d’allier dans l’œuvre le sens symbolique – les saisons sont autant d’étapes du chemin qui mène de la jeune fille à la femme -  et la composition ornementale. Le même souci d’allier réflexion spirituelle et recherche formelle se retrouve dans Procession pascale (sous les arbres),  peint en 1892 :

<i>Procession pascale sous les arbres</i> (1892), huile sur toile, collection particulière. &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo: ADAGP, Paris 2006)
Procession pascale sous les arbres (1892), huile sur toile, collection particulière.
(Photo: ADAGP, Paris 2006)

Sylvie Patry

Conservateur au musée d'Orsay, un des commissaires de l'exposition

«Ce tableau reprend un thème cher à Denis, la procession des jeunes filles symbolisant l'avancée des âmes vers leur destin.»

Rupture (esthétique)

En  janvier 1898, Maurice Denis se rend à Rome où il rencontre André Gide. Si le premier contact avec la ville l’a déçu, ses conversations avec l’écrivain l’amènent à porter un regard nouveau sur l’art classique et ses maîtres, comme Raphaël et Poussin, dont il retient qu’il faut sacrifier l’agrément, pour atteindre au style. La rupture esthétique est consommée avec Bonnard et Vuillard qui étaient avec lui à l’origine du mouvement des Nabis mais à qui il conservera amitié et admiration. Les Nabis exposent collectivement pour la dernière fois en 1900, l’année où Maurice Denis achève son Hommage à Cézanne, œuvre étonnante qui reproduit une nature morte de Cézanne (qui a appartenu à Gauguin), qu’entoure un aréopage de messieurs en costumes sombres, véritable manifeste de ce tournant dans sa peinture.

<i>Hommage à Cézanne</i>, 1900, huile sur toile, Paris, musée d'Orsay. &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo: RMN, Hervé Lewandowski, ADAGP, Paris 2006)
Hommage à Cézanne, 1900, huile sur toile, Paris, musée d'Orsay.
(Photo: RMN, Hervé Lewandowski, ADAGP, Paris 2006)

Sylvie Patry

Conservateur au musée d'Orsay, un des commissaires de l'exposition

«Maurice Denis a rassemblé les principaux nabis pour un hommage à Cézanne...»

Ce qui n’empêche pas Maurice Denis de réaliser d’imposantes œuvres décoratives, à l’instar des grands classiques italiens qui ont orné de leurs peintures et fresques églises et palais. L’exposition du musée d’Orsay se referme sur la reconstitution de l’ensemble monumental qui avait été commandé au peintre par l’industriel russe Ivan Morosov pour décorer le salon de musique de son hôtel particulier de Moscou. Le sujet choisi, l’histoire de Psyché, mêle mythologie et réflexion sur la chair et l’esprit. Présenté pour partie en 1908 et 1909 à Paris avant d’être installé à Moscou, l’ensemble, qui est conservé au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, n’avait plus été revu en France.

Sur la centaine d’œuvres exposées à Orsay, figurent de nombreuses œuvres inédites où jamais exposées en France et qui révèlent des aspects moins connus de sa production, comme son travail de paysagiste, et notamment les tableaux de plage, peints en Bretagne, qui, pour Sylvie Patry, «constituent un des ensembles les plus importants de sa carrière». Sans oublier le dernier tableau achevé du peintre, peint  l’année même de la mort de Maurice Denis, en 1943, La Chartreuse  du Reposoir, vue des sommets.

<i>La Chartreuse du reposoir, vue des Sommets</i> (1943), huile sur carton, collection particulière. &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo: ADAGP, Paris 2006)
La Chartreuse du reposoir, vue des Sommets (1943), huile sur carton, collection particulière.
(Photo: ADAGP, Paris 2006)

Sylvie Patry

Conservateur au musée d'Orsay, un des commissaires de l'exposition

«"La Chartreuse du reposoir, vue des Sommets" est le dernier tableau achevé du peintre.»

 

 

 

 

 

 

 

 

Maurice Denis avait promis de décorer la chapelle Saint-Louis, attenante à sa demeure, « Le Prieuré », si la guérison était accordée à son épouse, gravement malade. «Ce soir, Marthe ne peut articuler deux mots, et je songe avec effroi à mon vœu, à cette grande chapelle que je ne peux plus ne pas peindre, même si elle ne guérit pas». Marthe meurt en 1919, et Maurice Denis réalise un de ses décors les plus réussis. « Le Prieuré », à Saint-Germain-en-Laye dans la région parisienne,  est devenu le musée départemental Maurice Denis



par Danielle  Birck

Article publié le 30/11/2006 Dernière mise à jour le 30/11/2006 à 11:28 TU