Liban
Moscou en médiateur
(Photo : AFP)
«Nous sommes pour la régularisation des relations avec la Syrie. Je pense que la Russie peut exercer une certaine pression dans cette direction», a déclaré le Premier ministre libanais Fouad Siniora à son arrivée à Moscou pour une visite de travail de deux jours, la première dans la capitale russe depuis sa nomination en juillet 2005. Pour le chef du gouvernement libanais, la Russie a un rôle clef à jouer «non seulement parce qu'elle soutient le Liban, mais également tout le monde arabe». Pour sa part, le président russe Vladimir Poutine lui a promis de faire «tout [son] possible pour soutenir le peuple libanais».
Poutine joue les médiateurs
La Russie dispose d’un avantage par rapport aux Occidentaux. En effet, Moscou entretient des relations privilégiées avec l’Iran, la Syrie et Israël, ce qui lui permet aujourd’hui de jouer les médiateurs. D’autant plus que cette visite du chef du gouvernement libanais à Moscou intervient juste avant celle du président syrien Bacher al-Assad, prévue du 18 au 20 décembre.
A l’opposé des Etats-Unis qui ont inclus le Hezbollah libanais et le mouvement palestinien Hamas dans la liste des organisations terroristes, la Russie se distingue dans sa diplomatie par les contacts maintenus avec le Hezbollah libanais et le mouvement palestinien Hamas, reçu en mars dernier à Moscou après sa victoire aux élections palestiniennes de janvier 2006. Dans ce contexte, la Russie peut jouer un rôle déterminant dans le dossier complexe et délicat du Moyen-Orient.
La question du tribunal à caractère international
La question de la formation d’un «tribunal à caractère international» pour juger les coupables présumés de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, devrait être au entre des discussions entre le chef du gouvernement libanais et le président russe. Cette question a fait l’objet d’un «vif échange» à Damas entre le sénateur démocrate américain Bill Nelson membre de la puissante commission des relations Extérieures et le président syrien qui ne soutient pas le gouvernement Siniora et qui considère «précipitée» la création d'un tel tribunal.
La majorité anti-syrienne au pouvoir au Liban a fait de la création de ce tribunal une de ses priorités. La polémique a exacerbé les tensions au Liban. Avant son arrivée dans la capitale russe, le Premier ministre libanais s’est efforcé de minimiser l’impact du mouvement de contestation auquel il est confronté actuellement, soulignant que les manifestations ne «mèneront à rien» et que «ceux qui soutiennent le gouvernement sont plus nombreux» que ceux qui demandent sa démission. Néanmoins Fouad Siniora est arrivé à Moscou particulièrement affaibli par la crise politique qui secoue son pays.
En effet, le Liban semble être plongé aujourd’hui dans la plus grave crise depuis la fin de la guerre civile en 1990. L’opposition libanaise menée par le Hezbollah a organisé, dans la nuit du 1er au 2 décembre dernier, une manifestation gigantesque dans le centre de Beyrouth. Il exige la formation d’un gouvernement d’union nationale et menace le gouvernement de Fouad Siniora avec un mouvement illimité de protestation.
Fort de la légitimité qui lui a accordé la victoire contre les troupes israéliennes (juillet-août 2006), soutenu par la Syrie et par l’Iran, le mouvement chiite Hezbollah réclame la démission du gouvernement de Siniora qu’il accuse d’être un auxiliaire fantoche des Etats-Unis.
L’Union européenne dénonce l’ingérence syrienne au Liban
Pour sa part, le président français Jacques Chirac a exprimé son soutien au gouvernement de Fouad Siniora en dénonçant ce vendredi, lors du sommet de Bruxelles, «une véritable offensive de déstabilisation» contre le gouvernement «légitime». Le président Chirac prône «l’équité, avec la mise en place du tribunal spécial, l’efficacité du gouvernement et l’unité des Libanais». Paris qui s’apprête à accueillir en janvier prochain une conférence de donateurs sur la reconstruction du Liban se montre intransigeant estimant inutile tout contact avec la Syrie tant qu’elle ne changera pas de comportement.
Ce vendredi, à Bruxelles, les 25 Etats membres ont appelé la Syrie à «mettre fin à toutes les ingérences dans les affaires intérieures du Liban» et à participer activement à la stabilisation de ce pays et de la région. Ils ont par ailleurs aussi critiqué l'Iran dénonçant «l’incidence négative» de ses politiques «sur la stabilité et la sécurité au Moyen-Orient».
par Elisa Drago
Article publié le 15/12/2006 Dernière mise à jour le 15/12/2006 à 18:04 TU