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Russie

L’âme russe des poupées de Khokhloma

Sous l’Union soviétique, jusqu’à 3 000 personnes ont travaillé dans l'usine de Khokhloma à la fabrication d’objets traditionnels russes, de la cuillère en bois jusqu'à la célèbre matrioshka, en passant par des vases, des tasses ou des assiettes, non loin de Nijni-Novgorod, à 400 kilomètres environ à l’est de Moscou. Avec les privatisations du début des années 90, les effectifs ont diminué de moitié. Mais l’entreprise continue à faire vivre des milliers de personnes avec ses objets appréciés dans le monde entier.

Dans l'atelier de peinture, «<em>il n’y a ni pochoirs, ni patrons</em>», les motifs sont dessinés d'un<em>&nbsp;</em>«<em>seul trait et chaque pièce est unique</em>». &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo : Agathe Fardel)
Dans l'atelier de peinture, «il n’y a ni pochoirs, ni patrons», les motifs sont dessinés d'un «seul trait et chaque pièce est unique».
(Photo : Agathe Fardel)

De notre envoyée spéciale

Il est à peine huit heures dans le village de Semionov, il fait encore nuit et pourtant la vie est en pleine ébullition. Les 1500 ouvriers et ouvrières de la fabrique d’objets d’art de Khokhloma, «l’âme de la Russie» comme il est écrit sur le portail d’entrée, convergent du même pas pressé  vers les ateliers. Dans quelques minutes, machines à bois, fours et pinceaux, vont entamer un ballet effréné qui fait toute la fierté de la région : c’est en effet là, à deux heures de voiture de Nijni-Novgorod, que sont fabriqués toutes sortes de «souvenirs» typiquement russes, de la millénaire cuillère en bois aux tasses, vases, pots, ou encore aux  rimbambelles de  matrioshkas (poupées) tous peints selon une technique vieille de 300 ans.

<p>Les <em>matrioshkas </em>ont fait le tour du monde. Aujourd'hui, elles sont également de plus en plus prisées de Russes pour qui acheter à Khokhloma est devenu un «<em>acte patriotique</em>».</p> &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo : Agathe Fardel)

Les matrioshkas ont fait le tour du monde. Aujourd'hui, elles sont également de plus en plus prisées de Russes pour qui acheter à Khokhloma est devenu un «acte patriotique».


(Photo : Agathe Fardel)

Les copeaux fusent dans l’atelier des tourneurs sur bois. C’est là que Victor, qui travaille ici depuis 12 ans, dans le bruit des scies et une agréable odeur de bois, façonne chaque jour 700 matrioshkas pour 4 000 roubles par mois (115 euros). «Tout a commencé par une légende» entame Irina, guide de l’usine qui fronce les sourcils en voyant les visiteurs converser avec les ouvriers. «Il y a bien longtemps, le paysan Semion tentait de vivre ici du travail de la terre, mais elle est si peu fertile qu’il s’est tourné vers le bois. Il s’est d’abord construit une izba [petite maison en bois], puis des meubles et des cuillères». La cuillère en bois, utilisée depuis pour manger le chi (soupe de choux), le borsh (soupe de betterave) ou l’oukha (soupe de poisson), était née.

En 1999, pour fêter son millénaire, une statue du paysan Semion a été inaugurée dans le parc de l’usine. Mais ce complexe, fort de plusieurs bâtiments, doit son apparition à un autre homme, Matveev Georgui Petrovitch, qui en 1916 a ouvert une école de peinture et de travail du bois dans le village. Située à deux pâtés de maisons de l’usine, c’est encore là que les futurs employés de la fabrique sont formés.

Des techniques uniques

Ici, à l’usine de Khokhloma, les objets fabriqués sont en bois de tilleul, un bois «mou», facile à travailler. Une fois façonnés,  tasses, boîtes, pots, vases, assiettes et cuillères sont couverts d’argile, d’huile de lin, puis frottés avec de la poudre d’aluminium. C’est sur cet aspect métallique que les «peintres» passent à l’action. «Ici, il n’y a ni pochoirs, ni patrons», explique Irina dans une salle où des dizaines de femmes en tablier fleuri, pinceaux à la main, dessinent des feuilles, des fruits des bois et des fleurs sur une montagnes d’objets de toutes formes et de toutes tailles. «Nos peintres dessinent tout d’un seul trait et chaque pièce est unique.»

Une fois façonnés, les objets en bois de tilleul sont couverts d’argile, d’huile de lin, puis frottés avec de la poudre d’aluminium. C’est sur cet aspect métallique que les «peintres» passent à l’action.  &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo : Agathe Fardel)
Une fois façonnés, les objets en bois de tilleul sont couverts d’argile, d’huile de lin, puis frottés avec de la poudre d’aluminium. C’est sur cet aspect métallique que les «peintres» passent à l’action.
(Photo : Agathe Fardel)

Selon une méthode inventée par de vieux croyants orthodoxes, l’objet est ensuite recouvert d’un vernis jaune, qui lui donne un aspect doré. Mais ce qui fait la fierté et l’originalité de Semionov, c'est la touche finale : une fois peints, les objets sont passés au four, à une température de 120 degrés, ce qui les rend parfaitement hermétiques et permet, selon notre guide, «une utilisation de cette vaisselle dans la vie de tous les jours, comme on utilise de la belle porcelaine».

Le renouveau patriotique

Serguei Miasnikov, responsable de la production de la fabrique, reçoit dans un bureau dont les murs sont bardés de diplômes certifiant la qualité des produits de l’usine. Il est très fier de montrer une salle spécialement aménagée avec des tables et des chaises peintes selon la technique de Khokhloma. C’est que l’entreprise a une image à entretenir. «Ce qu’on connaît de la Russie à l’étranger, ce sont les ours, les matrioshkas et les cuillères, explique ce responsable. C’est presque notre marque de fabrique.» Mais les objets produits ici intéressent également de plus en plus une clientèle russe.

Des chanteurs célèbres ainsi que des membres du gouvernement, mais aussi le Kremlin, n’ont-ils pas montré l’exemple en passant commande ? «Le niveau de vie de la population s’est amélioré, explique Serguei Miasnikov, les besoins vitaux sont désormais assurés, alors les gens commencent à acheter des souvenirs, à se faire des cadeaux... Notre production a de plus en plus de succès dans le pays car elle est typiquement russe. C’est devenu un acte patriotique d’acheter chez nous



par Virginie  Pironon

Article publié le 24/12/2006 Dernière mise à jour le 24/12/2006 à 16:51 TU