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Sénégal

L’abbé Diamacoune est mort

Le chef emblématique du séparatisme en Casamance, Augustin Diamacoune Senghor, lors de la signature du traité de paix avec le gouvernement sénégalais en décembre 2004. 

		(Photo : AFP)
Le chef emblématique du séparatisme en Casamance, Augustin Diamacoune Senghor, lors de la signature du traité de paix avec le gouvernement sénégalais en décembre 2004.
(Photo : AFP)
Le chef emblématique du mouvement séparatiste en Casamance (sud du Sénégal), l’abbé Augustin Diamacoune Senghor est décédé à l’âge de 78 ans, à l’hôpital militaire du Val de Grâce, à Paris. Malade depuis le mois d’octobre dernier, l’abbé Diamacoune avait été évacué, dans un premier temps vers un hôpital de Dakar, le 11 octobre, avant d’être transporté en France, le 20 octobre, en raison de la dégradation de son état de santé. Sa disparition risque d’accentuer les divisions au sein du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) et ouvre une période d’incertitude pour le processus de paix en Casamance.

Né le 4 avril 1928 à Senghalène, au sud-ouest de Ziguinchor, principale ville de Casamance, ordonné prêtre en avril 1956, l’abbé Diamacoune Senghor a épousé la cause nationaliste dès la première heure. En effet, dès décembre 1980, à plusieurs reprises il a réclamé l’indépendance de la Casamance dans des lettres envoyées en 1980 et 1981 au président de l’époque, Léopold Sédar Senghor, puis en 1982 au président Abdou Diouf.

Créé en 1947, le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), qui conteste l'appartenance de la région au Sénégal, est réapparu au début des années 80, après une longue période d'absence. Ses militants dénoncent également les avantages accordés, selon eux, par les autorités sénégalaises aux «Nordistes» qui venaient s’installer dans la région, au détriment des autochtones.

L’année 1982 marque un tournant dans l’histoire du mouvement séparatiste casamançais. En effet, le 26 décembre 1982, lors d’une marche à Zinguinchor, les manifestants, dans un geste symbolique, ont cherché à descendre le drapeau sénégalais du palais du gouverneur pour hisser un drapeau blanc. Cette marche s’est terminée tragiquement par la mort de plusieurs personnes et des arrestations. C’est le début de la répression, mais aussi le passage des indépendantistes à la lutte armée. En 1984, Sidy Badji crée dans le maquis Atika («la flèche» en Diola), la branche armée du MFDC.

L’abbé Diamacoune Senghor était alors en prison, il avait été arrêté trois jours avant la marche de 1982. Figure charismatique des indépendantistes, ses prises de positions lui avaient en effet valu de devenir la principale cible des autorités sénégalaises. Condamné à cinq ans de prison pour atteinte à l’intégrité de l’Etat, il sera libéré en 1987, puis de nouveau arrêté pour quelques mois en 1990. Cette même année, dans une nouvelle lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU, l’abbé Diamacoune Senghor réaffirmait militer pour l’indépendance de la Casamance mais «par la voie pacifique».

De 1995 à la signature de l'accord de paix, fin 2004, il est en résidence surveillée à la Direction diocésaine des oeuvres catholiques de Ziguinchor.

Le processus de paix menacé ?

Figure charismatique, l’abbé Diamacoune Senghor s’est imposé naturellement comme le leader historique du mouvement séparatiste. Et, malgré les scissions apparues dès 1992, celui que les Ziguinchorois appelent affectueusement «papa Koulimpi» restera la figure incontestée du MFDC. Sa disparition ouvre une période d’incertitude pour le fragile processus de paix en Casamance.

L’abbé Diamacoune Senghor, secrétaire général du MFDC à partir de 1991 et président depuis 2001 - «simple président d'honneur» selon certains au sein du mouvement - , avait signé avec les autorités de Dakar, le 30 décembre 2004, un «accord général de paix» devant mettre fin au conflit indépendantiste en Casamance. Des négociations, prévues par cet accord, avaient été reportées à deux reprises, fin 2005 et début 2006. Malgré la fin officielle de la rébellion, des combats sporadiques ont été signalés à la mi-août entre l’armée sénégalaise et les dissidents du MFDC, notamment près de la frontière gambienne. Récemment, l’abbé Diamacoune avait appelé à «continuer à travailler pour une paix définitive en Casamance».

Avec qui le gouvernement sénégalais va-t-il maintenant négocier ? Le président Wade avait récemment annoncé une nouvelle méthode pour parvenir à la paix, consistant à négocier avec des sages casamançais qui pourraient avoir une influence sur les maquisards. Le Collectif des cadres casamançais, association créée pour œuvrer à la promotion de la paix en Casamance, plaide quant à lui pour la tenue d’assises du MFDC, pour clarifier l’avenir du mouvement.

En novembre dernier, un mois après l’hospitalisation à Paris de l’abbé, Mamadou Nkrumah Sané, exilé en France, représentant à l’extérieur du mouvement et qui se considère comme le numéro deux du mouvement, s’est autoproclamé secrétaire général par intérim, alors que c’est officiellement toujours Jean-Marie Biagui qui occupe ce poste depuis sa désignation par l’abbé Diamacoune. Va-t-il y avoir une lutte de succession au sein du MFDC ? La disparition de son leader historique risque d’accentuer les divisions déjà profondes.



par Elisa  Drago

Article publié le 14/01/2007 Dernière mise à jour le 14/01/2007 à 22:00 TU

Audio

Abbé Augustin Diamacoune Senghor

Extrait de la dernière interview, par des journalistes de la radio Sud FM en décembre 2006

«Une paix ne se bâtit pas sur l'irréalisme et l'arbitraire, pas de paix sans la justice, pas de justice sans la vérité...»

[14/01/2007]

Jean-Marie Biagui

Secrétaire général du MFDC, joint par Laurent Correau

«Une perte énorme pour la Casamance, l'abbé était un monument. J'espère que ce monument en s'écroulant, n'emportera pas les espoirs de paix définitive.»

[14/01/2007]