Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Etats-Unis

Le Congrès s’attaque au lobbying

Le Congrès américain a adopté, jeudi 18 janvier, un projet de loi visant à réduire l’influence excessive des lobbies sur certains parlementaires. 

		(Photo : AFP)
Le Congrès américain a adopté, jeudi 18 janvier, un projet de loi visant à réduire l’influence excessive des lobbies sur certains parlementaires.
(Photo : AFP)
Dès sa séance inaugurale, jeudi, au Capitole, le nouveau Congrès à majorité démocrate a annoncé la couleur. A savoir, restaurer en priorité plus d’éthique dans la vie politique. Compte tenu des scandales a répétition qui ont émaillé la vie politique au cours des deux dernières décennies, la totalité des sénateurs, moins quatre voix, a proposé un texte de loi visant à réformer les relations entre certains parlementaires et des groupes de pression, dont l’influence est jugée excessive.

La lutte contre la corruption a été l’un des thèmes les plus porteurs des démocrates lors de la campagne électorale qui leur a permis, en novembre dernier, de battre le Parti républicain du président George W. Bush, à l’issue du scrutin de mi-mandat. Fidèles à leurs engagements, l’ordre du jour prioritaire de la session inaugurale du Congrès a été de «faire adopter la réforme de l’éthique la plus stricte de l’histoire», selon Nancy Pelosi. La nouvelle présidente de la Chambre a déjà fait approuver un train de mesures visant à restreindre l’emprise des grands groupes de pression américains sur les parlementaires. Son homologue au Sénat, Harry Reid, qui souhaite, lui aussi, davantage de transparence dans le fonctionnement du Congrès, lui emboîte le pas. 96 sénateurs sur cent ont voté le texte qui bénéficie également d’un grand soutien populaire. «La Maison du Peuple ne doit pas être une salle des ventes, où les lois sont vendues au plus offrant», s’est exclamé la présidente de la Chambre. 

«C’est un vote historique, nous devons être fiers de ce texte»

C’est en ces termes que le chef de la majorité démocrate a salué l’adoption du projet de loi visant à moraliser la vie parlementaire. Pour sa part, Nancy Pelosi a promis que la loi sur l’éthique parlementaire en préparation permettrait de «rompre le lien entre les lobbyistes et l’élaboration des lois, qui a permis aux intérêts particuliers de dicter les leurs». Selon Robert Borosage, expert politique marqué à gauche, «l’opposition démocrate s’est imposée pour avoir su tirer profit du lien qu’elle avait souligné entre la corruption et les difficultés économiques, accusant les républicains sortants d’être à la solde des grands du pétrole et de ne rien faire pour les prix de l’essence, ou à la solde des laboratoires pharmaceutiques et de ne rien faire contre la hausse des médicaments». Le mélange inextricable entre l’argent, la vie politique  et le pouvoir judiciaire, fait du clientélisme une des traditions les mieux enracinées dans l’histoire de l’Amérique. Nulle part mieux qu’aux Etats-Unis, l’institution du système du lobbying n’est aussi répandue.

Le projet de loi prévoit donc d’interdire aux groupes de pression d’offrir des voyages, repas et autres cadeaux prestigieux aux responsables politiques, forme de prévarication qui, en échange, permet «d’obtenir un accord pour accomplir certains actes officiels». Quant aux élus sortants, ils devront respecter un délai de deux ans avant d’être autorisés à faire partie d’un lobby. Ce texte est censé mettre fin à des pratiques douteuses qui ont culminé, dans les années 1990, avec le scandale de l’affaire Abramoff.

Le syndrome Abramoff

Jack Abramoff est à l’origine du plus gros scandale qui a éclaboussé Washington. L’homme au chapeau noir, lobbyiste influent a été mêlé, de près ou de loin, à la plupart des scandales politiques républicains, depuis un quart de siècle. Corrompu invétéré, il a acheté des journalistes, créé des organisations pour apporter de l’argent à des campagnes politiques et utilisé des fonds d’œuvres charitables pour financer des conflits. Il fait partie de cette génération entrée au Parti républicain au début de l’ère reaganienne.

Le quotidien français Le Monde relate dans son édition du 7 novembre 2006 quelques hauts faits du lobbyiste, dont le parcours illustre cette pratique très développée outre-Atlantique, que les démocrates souhaitent éradiquer.

Lorsque les républicains contrôlent le Congrès en 1994, il fait du lobbying pour la firme Preston Gates & Ellis. En 1997, avec Tom DeLay, alors tout-puissant représentant républicain du Texas, contraint, en 2006, à la démission pour corruption, ils concluent un accord avec les dirigeants du groupe pétrolier russe Naftasib qui leur versent sous le manteau 3,4 millions de dollars. Un million transite par le cabinet d’avocats anglais James and Sarch et finit dans l’agence de lobbying Alexander Strategy Group qui emploie la femme de Tom DeLay et est dirigée par l’ancien chef de cabinet du parlementaire. L’argent russe permet à l’élu d’acheter une maison à Washington, et à Abramoff de louer, à l’année, une loge dans le stade de football de la capitale fédérale. En échange, en 1998, Tom DeLay appuie de tout son poids politique un prêt de 18 milliards de dollars du Fonds monétaire international à la Russie.

En 2001, avec l’arrivée de George W. Bush au pouvoir, Jack Abramoff poursuit son ascension. Selon un rapport de la Commission des réformes gouvernementales de la Chambre des représentants, il a, dans les trois années suivantes, 485 contacts avec la Maison Blanche, dont dix avec Karl Rove, le stratège politique du président. Le lobbyiste est également impliqué dans l’affaire concernant de riches tribus indiennes inquiètes pour leur lucrative industrie du jeu. Celles-ci lui auraient versé 85 millions de dollars, dont environ 4,5 millions se sont retrouvés dans les poches de près de 200 parlementaires pour l’essentiel républicains. Les aveux d’Abramoff, en janvier 2006, éclaboussent le Tout-Washington. Le lobbyiste a été condamné à 5 ans et 10 mois de prison et 21 millions de dollars d’amendes.



par Françoise  Dentinger

Article publié le 19/01/2007 Dernière mise à jour le 19/01/2007 à 19:26 TU