Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Balkans

Législatives anticipées : une Serbie plus divisée que jamais

Des sympathisants du  Parti radical (SRS) célèbrent, dans les rues de Belgrade, leur victoire aux élections législatives anticipées. 

		(Photo : AFP)
Des sympathisants du Parti radical (SRS) célèbrent, dans les rues de Belgrade, leur victoire aux élections législatives anticipées.
(Photo : AFP)

Au lendemain des élections législatives anticipées en Serbie, l’extrême droite nationaliste caracole en tête, avec 29% des suffrages. Le Parti démocratique de Boris Tadic est talonné par la coalition populiste de Vojislav Kostunica. Faute de majorité claire, la Serbie risque de plonger dans une nouvelle période d’incertitudes et de tractations politiciennes, alors que les échéances vont se précipiter sur le dossier du Kosovo.


De notre correspondant à Belgrade

Avec 22,9 % des suffrages, le Parti démocratique (DS) obtient le meilleur score de son histoire ; aux élections de 2003, la formation créée par Zoran Djindjic n’avait en effet obtenu que 11 %. De même, les Radicaux n’obtiennent «que» 28,7 % des suffrages, mais la baisse de leur pourcentage s’explique par la forte participation : par rapport au dernier scrutin, ils gagnent encore plus de 100 000 voix. Les chefs respectifs de ces deux partis, Boris Tadic et Tomislav Nikolic, n’ont pas manqué de souligner ces victoires «historiques». Pourtant, dimanche soir, l’ambiance était morose, aussi bien à Zemun, au siège du Parti radical, que rue Krunska, à Belgrade, siège des Démocrates.

L’atmosphère n’était pas plus détendue à la Maison de la Jeunesse de Belgrade, où s’étaient réunis les partisans de la coalition conduite par Cedomir Jovanovic, qui parvient pourtant à entrer au Parlement avec 5,3 % des suffrages. Certains ténors de la coalition, comme Vesna Pesic, parlaient en effet de malversations, en estimant que leur résultat réel aurait été minimisé.

Seul Vojislav Kostunica apparaissait beaucoup plus serein, alors que son Parti démocratique de Serbie (DSS), avec 16,8 % des voix et 47 sièges dans le futur Parlement, enregistre une chute sensible par rapport à son résultat de 2003. Les libéraux du G17+, qui obtiennent 6,8 % et 19 sièges, n’avaient pas non plus de quoi réellement pavoiser, d’autant plus que leur campagne a probablement été l’une des plus coûteuses de l’histoire politique de la Serbie.

Finalement, seul le Parti socialiste de Serbie (SPS) de feu Slobodan Milosevic, que beaucoup de sondages plaçait en dessous de la barre de 5 % des voix avait réellement de quoi se réjouir. Avec 5,9 % et 16 députés, il fait mieux que sauver l’honneur. D’une certaine manière, le Mouvement serbe du renouveau (SPO) de Vuk Draskovic, avec un résultat inattendu de 4,5 %, sauve également l’honneur, à défaut de sauver sa représentation parlementaire.

Tractations difficiles en vue

Au bout du compte, c’est une Serbie plus divisée que jamais qui émerge de ce scrutin, alors que des échéances cruciales vont se précipiter, notamment à propos du Kosovo.

En théorie, deux scénarios sont envisageables. Sur le papier, une coalition «démocratique» du DS de Boris Tadic, du DSS de Vojislav Kostunica et du G17+ de Mladjan Dinkic pourrait disposer d’une majorité suffisante au Parlement. L’Union européenne, dont les ministres des Affaires étrangères sont réunis ce lundi à Bruxelles, ne manquera pas de soutenir cette option. Cependant, encore faudra-t-il que ces différents partis parviennent à surmonter leurs différents idéologique et les rancoeurs personnelles qui opposent leurs dirigeants. La partie est loin d’être gagnée. On sait que Vojislav Kostunica entend tout faire pour conserver son poste de Premier ministre, alors que le DS estime que cette charge doit lui revenir et qu’il a proposé la candidature de l’ancien ministre des Finances Bozidar Djelic. L’écart relativement faible qui sépare les deux partis ne pourra que renforcer la détermination de Vojislav Kostunica, qui ne renoncera sûrement pas à jouer de l’animosité de Mladjan Dinkic, le leader du G17+, envers Bozidar Djelic.

Dimanche soir, Vojislav Kostunica a encore une fois refusé de se prononcer sur le type d’alliance qu’il entendait privilégier. En effet, une autre majorité théoriquement possible, réunissant le DSS, les Radicaux et le SPS. A priori, on sait que le Parti radical serbe n’a guère envie de participer au gouvernement et préfère se cantonner dans une posture plus confortable d’opposition. Dimanche soir, Tomislav Nikolic a regretté que son parti n’ait pas obtenu la majorité absolue qu’il escomptait et a écarté toute perspective d’alliance avec d’autres formations. Peut-être Vojislav Kostunica réussira-t-il néanmoins à se rallier les Radicaux au nom de la défense des «intérêts nationaux» de la Serbie au Kosovo…

Pas d'accord sur les grands dossiers

Les partis des minorités nationales pourraient aussi jouer un rôle d’appoint dans les différents scénarios. Les Hongrois de Voïvodine ont obtenu entre trois et quatre mandats parlementaires, et les Bosniaques du Sandjak de Novi Pazar deux, tout comme les partis roms. Par contre, il semble que la liste des Albanais de la Vallée de Presevo, au sud de la Serbie, n’ait pas obtenu assez de voix pour obtenir un seul mandat : cet échec ne contribuera pas à la stabilisation de cette région.

La formation d’une coalition entre les partisans de Boris Tadic et ceux de Vojislav Kostunica sera d’autant plus difficile que sur tous les grands dossiers - la coopération avec le TPI, les relations avec l’Union européenne, la gestion du dossier du Kosovo, les réformes économiques et sociales - ces deux formations ont bien peu de choses en commun. En réalité, sur tous les grands dossiers, aucune option ne l’a véritablement emporté, et la Serbie pourrait même plonger dans les délices douteux d’interminables tractations politiciennes. Si aucun gouvernement ne parvenait à être formé dans les quatre prochains mois, les électeurs n’auraient plus qu’à retourner aux urnes.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 22/01/2007 Dernière mise à jour le 22/01/2007 à 11:28 TU