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Bande dessinée

Angoulême 2007, une année test

(Affiche : Trondheim)
(Affiche : Trondheim)

Un président atypique – le scénariste-dessinateur Lewis Trondheim –, une réorganisation géographie d’importance – tous les éditeurs sont regroupés au pied du «plateau» d’Angoulême : avant même d’avoir débuté, cette 34ème édition du Festival International de la Bande Dessinée marque un tournant.


Angoulême, mais en contrebas

Adieu centre-ville, bienvenue Site de Montauzier : nous sommes à Angoulême, mais plus tout à fait, en bas du «plateau» sur lequel est perchée la ville. Le site est gigantesque, 10 000 mètres carrés, il les fallait pour accueillir les dizaines d’éditeurs et leurs milliers de volumes. Les organisateurs peuvent parler fièrement de la «plus grande bibliothèque du monde», qui regroupe au même endroit et pour la première fois depuis le début du Festival tous les éditeurs, du plus humble (comme le modeste imprimeur de Fanzine) au plus gros ; seront présents, aussi, les bouquinistes et les spécialistes du produit dérivé – entre autres.

On se souvient que déjà, l’an dernier, le Festival avait dû quitter son site habituel, le Champs de Mars, en travaux. Même histoire cette année : le terrain de jeu du Dieu de la Guerre est toujours «occupé», et les éditeurs ont fait comprendre, nettement, que la solution de remplacement 2006 ne pouvait pas être reconduite – les «bulles» abritant les éditeurs ayant été multipliées et dispersées, certains «petits» n’avaient pu bénéficier du pouvoir attractif des «gros». Deux sites ont été proposés par la ville d’Angoulême : l’un sur les bords de la Charente ayant semblé difficilement aménageable aux organisateurs, c’est le second qui a été adopté, Montauzier.

DR Dargaud
DR Dargaud

Un site qu’il va falloir «tester», explique-t-on du côté du Festival. Car si l’idée est séduisante, elle implique de nombreux changements : la mise en place de navettes, entre autres, puisque Montauzier, à pied, c’est quand même 15 à 25 minutes de marche pour rejoindre le centre-ville –comme les années précédentes, c'est à Angoulême même que se déroulent toutes les animations (il ne s’agit pas de «déshabiller» la ville expliquent les organisateurs).

Mais, évidemment, une partie des commerçants se sont émus : certains, furieux, voient déjà s’éloigner la manne de visiteurs qui se cantonneraient à leurs séances de dédicaces, bien au chaud à Montauzier ; les autres estiment pouvoir faire confiance à ces micro-touristes, certes désireux d’avoir leurs petits dessins personnalisés mais avides aussi d’animations, d’expositions et de vie au grand air – et c’est vrai que le programme 2007 est particulièrement complet.

Autre inconnue : la météo qui, l’an dernier, avait fait des siennes, neige à tous les étages et fréquentation du Festival en chute libre… D’où un déficit qui rend le succès de cette nouvelle édition d’autant plus cruciale. Et là, malheur, dans la nuit de mercredi à jeudi, jour de lancement du Festival, il neige ! Mais à en croire Météo-France, aucun flocon ne devrait maintenant gâcher ces quatre jours de visites, certes ce ne sera pas le grand beau temps non plus, mais pas de quoi s’affoler. Et histoire de rassurer les visiteurs hésitants, le site du festival propose des prévisions météo sur trois jours !

Un président, mais Lewis Trondheim

DR
DR

En recevant son Grand Prix, l’an dernier, qui faisait de lui, ipso facto, le président de l’édition suivante, Lewis Trondheim avait prévenu : «Il va y avoir du changement…» Pour tout dire, avant de recevoir son prix, il hésitait même à faire participer sa maison d’édition, L’Association, à ce qui allait devenir – mais il ne le savait pas encore, « son » édition 2007. Une des raisons de son ire : le système des prix tel qu’il était ne lui convenait pas, il trouvait ridicule de diviser un volume en deux prix, scénariste d’un côté, dessinateur de l’autre ; pour lui, une bande dessinée est un tout indivisible – il pratique évidemment les deux disciplines.

Du coup, exit les récompenses honnies, remplacées par un unique Prix du meilleur album complété par six prix ex-aequo baptisés «les Essentiels d’Angoulême», l’un bénificiera même d'un label «Révélation». Des prix remis ce dimanche : on imagine que les libraires ont déjà reçu tous ces précieux bandeaux à apposer dès lundi sur les exemplaires primés en stock, en attendant de recevoir leurs petits frères commandés le matin même… Un côté commercial de la manifestation qui, s'il semblait quelque peu agacer Lewis Trondheim, n'est pas près de s’arrêter…

Les prix de la Jeunesse, du Public et du Patrimoine sont, eux, toujours là, auxquels s’ajoute celui de la Bande dessinée alternative. Et, bien sûr, logiquement, le Grand Prix de la ville d’Angoulême qui vient récompenser une carrière ou un début de carrière (le jeune Zep, le créateur de Titeuf, l’a déjà reçu), puisque c’est de cette manière qu’est choisi le président de l’édition suivante.

Alors question : un des auteurs de l’Association (la maison d’édition de Lewis Trondheim, qu'il a par ailleurs quittée en octobre dernier) peut-il hériter de ce Grand Prix ? On se souvient que, pendant plusieurs années, ce sont des auteurs de la mouvance Fluide Glacial qui étaient récompensés. Mais puisque Lewis Trondheim est rarement là où on l’attend... Il a refusé, d’ailleurs, la traditionnelle exposition consacrée chaque année au Grand Prix, la remplaçant par une expo-gag dans les rues d’Angoulême, pastiche de grands auteurs de la bande dessinée. Mais Grande Exposition il y aura, l’américain Jim Woodring en hérite, un auteur publié en France par l’Association. Ah, tiens…

Mais jouons plutôt au jeu – totalement inutile – des pronostics, et risquons un nom : Manu Larcenet, un pied dans l’Association (il dessine régulièrement la série Donjon scénarisée par Sfar et Trondheim, publiée certes chez Dargaud), tout en restant indépendant, inclassable. Et puis, comment dire… On dénote chez lui un certain talent.

Des animations, mais beaucoup

(Pochette d'album : Cabine/ Polydor)
(Pochette d'album : Cabine/ Polydor)

Pour continuer sur le chapitre des expositions et autres animations proposées, le programme est donc large.

D'abord, l'idée des concerts de dessins a été reprise : des musiciens jouent, un dessinateur improvise sur sa planche, et son travail est projeté en temps réel sur scène. Avec, en point d’orgue le concert de Brigitte Fontaine, et c’est Blutch, dont le livre La Volupté est en sélection officielle cette année, qui sort ses pinceaux. Rappelons que la couverture du dernier CD de Brigitte Fontaine, «Libido», est un superbe dessin de la belle. Au rayon expositions, «les mécanismes de la création chez Hergé» et «le monde de Kid Paddle» – moins classiquement «ligne claire», mais qui devrait draîner moult gamins avec, nous promet-on, une vraie prison en trois dimensions des Blorks, ces immondes bébêtes que Kid affronte habituellement en version pixellisée dans ses jeux vidéo…

Egalement, le lancement d’un rendez-vous attendu depuis déjà plusieurs années : l’Exposition universelle de bandes dessinées, qui se veut la vitrine de toutes les innovations artistiques dans le monde entreprises dans le domaine BD. A découvrir, donc, les scènes portugaise, indienne, scandinave, australienne, italienne, chinoise ou sud-africaine – l’Afrique déjà représentée l’an dernier à l’occasion d’une belle exposition. Quatre volets sont déjà programmés, avec pour fil rouge la ville : thème de l’Exposition universelle de la bande dessinée de Shangaï en 2010, c'est d'ailleurs dans son cadre que les organisateurs d’Angoulême espèrent boucler leur propre exposition dans quatre ans.

Enfin, à noter les Rencontres internationales, l’occasion de croiser les auteurs les plus connus ou les plus notables, de France ou d’ailleurs, présents sur le festival : l’américain Charles Burns, dont le Black Hole est en compétion, Christin et Mézière qui viennent de sortir leur vingtième épisode de Valérian (un film projeté à Angoulême est consacré au scénariste Christin), l’immense auteur de comics, l’Américain Tim Sale et, bien sûr, Trondheim…

 

* Pour retrouver une sélection d'albums en compétition à Angoulême, choisis et commentés par Christophe Paget, cliquez ici.

** Et pour retrouver toute la sélection officielle des albums en compétition, cliquez ici.



par Christophe  Paget

Article publié le 24/01/2007 Dernière mise à jour le 24/01/2007 à 16:14 TU

Audio

Festival de la BD à Angoulême

Chronique culture signée Sophie Torlotin

«L'édition 2007 sera riche en performance de dessinateurs avec, en plus, un concert de Brigitte Fontaine.»

[25/01/2007]