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Balkans

Le Kosovo retient son souffle

Alors que personne ne connaît exactement le contenu du «paquet» présenté aux pays du Groupe de contact par l’émissaire des Nations unies, Martti Ahtisaari, la presse et les responsables politiques se livrent au jeu des suppositions et des hypothèses. La population voudrait surtout sortir du statu quo dans lequel se débat le Kosovo depuis 1999.

 

Le mouvement Vetëvendosje (Autodétermination) poursuit sa campagne pour l'indépendance et proteste par avance contre le plan onusien de Martti Ahtisaari. (Photo : AFP)
Le mouvement Vetëvendosje (Autodétermination) poursuit sa campagne pour l'indépendance et proteste par avance contre le plan onusien de Martti Ahtisaari.
(Photo : AFP)

De notre envoyé spécial à Prizren

La grande question est de savoir si les propositions du médiateur pourront satisfaire les Albanais, qui n’envisagent, a priori, pas d’autre solution qu’une indépendance complète et immédiate. Même si les dirigeants politiques albanais admettent désormais que le document proposé par Martti Ahtisaari ne contient pas le mot indépendance, ils estiment cependant que les propositions internationales «vont dans le bon sens», selon les mots du président du Parlement Kolë Berisha. Le gouvernement de l’Albanie voisine assure aussi que «jamais le Kosovo n’a été aussi proche de l’indépendance».

Le porte-parole de l’équipe unitaire albanaise de négociations, Skender Hyseni, affiche le même optimisme. Cette équipe inclut des représentants des partis d’opposition – le Parti démocratique du Kosovo (PDK), qui réunit la plupart des anciens guérilleros de l’UCK, et le mouvement ORA du journaliste Veton Surroi. Une responsabilité politique essentielle lui revient, alors que le gouvernement du Kosovo n’a plus de majorité au Parlement. En effet, il y a quinze jours, la Ligue démocratique du Kosovo de feu Ibrahim Rugova a éclaté en deux branches rivales. Les dissidents, forts du soutien de six ou sept députés, se sont rangés dans l’opposition, et entendent bien trouver leur place au soleil de la politique kosovare en jouant la carte de la surenchère nationaliste.

En réalité, les négociateurs albanais risquent de se retrouver dans une position très délicate, s’ils doivent engager des discussions sur une indépendance partielle, limitée et progressive. Les diplomates occidentaux comptent sur eux pour maintenir le calme et prévenir d’éventuelles violences, alors que les courants radicaux les accusent par avance d’être sur le point de trahir les intérêts nationaux.

«Tout le monde veut sortir du statu quo actuel»

À Prizren, la grande ville du sud du Kosovo, les murs sont recouverts d’affiches et de graffitis du mouvement Vetëvendosje (Autodétermination), qui poursuit sa campagne contre toute forme d’autonomie territoriale pour les Serbes et les autres minorités (Turcs, Bosniaques, Gorani, etc.), assimilée à une «partition» du Kosovo.

«Nos politiciens sont dans une impasse», estime le journaliste Kujtim Pacaku. «Durant des années, ils ont expliqué qu’il n’y avait pas d’autre solution que l’indépendance. Or, ils risquent de devoir accepter quelque chose qui ne sera pas la pleine indépendance, et ils seront obligés de le faire, car ils n’oseront pas prendre le risque d’un affrontement direct avec la communauté internationale. Tout le monde veut sortir du statu quo actuel, mais en réalité, les gens en ont surtout assez de l’éternel discours voulant selon lequel tout ira mieux après l’indépendance. Pour ma part, je ne suis pas du tout certain que le Kosovo sera indépendant au printemps, et je pense que nous n’avons pas fini d’entendre parler de cette indépendance que l’on nous fait miroiter sans que nous puissions jamais en goûter les fruits».

Une bombe sociale à retardement

La ville de Prizren a été relativement épargnée par les combats de 1999, mais tout le vieux quartier serbe de Potkaljaja, niché sur les contreforts de la citadelle qui domine la ville, a été détruit lors des émeutes de mars 1999, ainsi que les très vieilles églises orthodoxes. Aujourd’hui, plus un seul Serbe ne vit à Prizren, mais la ville compte toujours d’importantes communautés bosniaque, turque, et rom.

Ces minorités nationales attendent aussi, avec impatience, la résolution du statut du Kosovo, craignant d’être les victimes d’une nouvelle vague de violence. Naser, un ami de Kujtim, prospère petit commerçant rom de matériel informatique, assure ainsi que les émeutes de 2004 ont été perpétrées par des éléments radicaux extérieurs à la ville. «Prizren a une vieille tradition de tolérance, nous avons toujours vécu ensemble, mais la ville compte maintenant au moins 200 000 habitants. Les jeunes des villages viennent en ville dans l’espoir d’une vie un peu meilleure. Comme ils ne tardent pas être déçus, ils forment une proie facile pour les mouvements radicaux». Le Kosovo, dont 60% de la population a moins de 25 ans, constitue en effet une bombe sociale à retardement.

Naser résume la situation à sa manière : «Si cela doit être l’indépendance, qu’on nous la donne tout de suite, si cela ne doit pas être l’indépendance, que nos politiciens arrêtent de nous mentir, et commencent enfin à s’occuper des problèmes du pays, de la situation économique qui ne cesse de se dégrader, du chômage, de la corruption, de l’absence de perspective pour les jeunes». Pendant la conversation, le courant s’éteint. Naser court allumer le générateur, et conclut : «Voici la réalité sociale du Kosovo après huit de protectorat des Nations unies, les riches ont un générateur, et les pauvres restent dans le noir. Comme toujours».

par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 29/01/2007 Dernière mise à jour le 29/01/2007 à 10:28 TU