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Droits de l’homme

Les disparitions forcées sont criminalisées

La Convention internationale contre les disparitions forcées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 décembre dernier, a été signée à Paris, mardi, en présence des représentants d’une soixantaine de pays. Ce texte «pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées» qui est l’aboutissement de plusieurs années d’efforts, aura une valeur contraignante dès que 20 pays l’auront ratifié.

En Argentine, les Mères de la place de Mai se sont battues pour que l'Etat argentin se penche sur le cas des 30 000 disparus sous la dictature, entre 1976 et 1983.  

		(Photo: AFP)
En Argentine, les «Mères de la place de Mai» se sont battues pour que l'Etat argentin se penche sur le cas des 30 000 disparus sous la dictature, entre 1976 et 1983.
(Photo: AFP)

La nouvelle convention signée ce mardi au ministère des Affaires étrangères, à Paris, obligera les Etats signataires à sanctionner pénalement la détention ou la séquestration ou «quelque autre forme de privation de liberté perpétrée» par des fonctionnaires ou des «groupes liés à l’Etat». Ce texte permettra aussi d’interdire «les lieux de détention secrets, ainsi que de justice, en reconnaissant aux victimes et à leurs proches, un droit à réparation ainsi qu’à la vérité». «Ce texte vient combler un vide juridique, en érigeant en crime, en temps de paix comme en temps de guerre, les disparitions forcées, c’est-à-dire le fait pour un Etat d’enlever, directement ou indirectement, une personne, sans que jamais ses proches ne soient informés de son sort», a expliqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi. Un comité composé de 10 experts, nommés pour quatre ans, veillera au respect des obligations instaurées par la convention et sera habilité à prendre des mesures, dans certains cas. 

Une avancée considérable

Ce sont la France et l’Argentine qui ont impulsé le groupe de travail qui devait aboutir à l’élaboration de cette convention contre les disparitions forcées. Il aura fallu un quart de siècle d’efforts pour y parvenir et quatre ans pour rédiger et faire adopter ce traité complexe par les Nations unies. Pour Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), «C’est une avancée considérable. C’est le premier texte international spécifique et complet sur les disparitions forcées» s’est-il félicité, le rapprochant de la Convention contre la torture de 1984. Quant à ses chances d’être appliqué, Patrick Baudouin estime avoir des raisons d’être optimiste, en constatant que des pays comme la République démocratique du Congo sont signataires, alors même qu’ils risquent d’être «concernés» par les disparitions.

La cérémonie de signature s’est tenue en présence du Haut commissaire de l’Onu aux droits de l’homme, Louise Arbour, du procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo et de la présidente des «Mères de la place de mai», Martha Vazquez Ocampo. Plusieurs dizaines de ministres, venus d’une soixantaine de pays des cinq continents, étaient présents au ministère français des Affaires étrangères ainsi que des dizaines d’organisations non gouvernementales (ONG). Dans un message adressé aux participants, le président français, Jacques Chirac, a appelé «tous les Etats à ratifier le texte dans le meilleur délai, de façon à permettre au secrétaire général des Nations unies de réunir si possible, avant la fin de l'année, la conférence des parties qui mettra en place le comité d'experts prévu par la convention. Cette convention exprime la volonté des Etats d'en finir avec la pratique odieuse fondée sur la terreur, le mensonge et l'oubli», a ajouté le président.   

535 disparitions forcées en 2005

Depuis 1981, 41 000 cas de disparitions forcées dans quelque 90 pays, n’ont jamais été élucidés. Parmi ces disparitions, nombreuses sont celles qui se sont produites en Argentine, entre 1976 et 1983, alors que le pays était sous la férule des militaires. Selon les organisations de défense des droits de l’homme locales, ce sont quelque 30 000 personnes qui ont disparu, pour la plupart assassinées, ainsi que 400 bébés qui ont été «volés» pour être ensuite confiés à des familles de militaires. Aujourd’hui, l’Argentine qui a déclaré en 2005 inconstitutionnelles les lois d’amnistie des années 80 qui protégeaient les tortionnaires de la dictature, ouvre la voie à de nombreux procès. Elle compte sur la nouvelle convention qui «prévoit d’enquêter et d’identifier les enfants enlevés pour les rendre à leur famille d’origine». L’association des «Grand-Mères de la place de Mai» a déjà identifié plus de 80 de ces enfants volés à leurs parents. L’instauration du traité devrait leur donner plus de moyens pour les retrouver et leur rendre leur véritable identité.

En Asie, les disparitions forcées sont également monnaie courante. Aux Philippines, 1 760 cas ont été signalés l’année dernière comme en Thaïlande, où sévit une rébellion dans le sud musulman. Quant au Sri Lanka, on y dénombre quelque 60 000 cas de disparitions forcées, en raison de la rébellion tamoule. Sûrement, le chiffre le plus élevé au monde. En Chine, on estime que 3 000 à 4 000 personnes ont disparu lors du massacre de la place Tienanmen, en 1989. On est toujours sans nouvelles d’elles, depuis, et la justice fait la sourde oreille à toute velléité d’enquête. En Europe, la Russie est également montrée du doigt dans des affaires de disparitions. Elle est actuellement visée devant la Cour européenne des droits de l’homme dans 200 requêtes concernant la Tchétchénie, notamment dans des affaires de mauvais traitements, de meurtres et de disparitions forcées.

par Claire  Arsenault

Article publié le 06/02/2007 Dernière mise à jour le 06/02/2007 à 08:59 TU

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Jean-Louis Buchet

Correspondant de RFI en Argentine

«En Argentine, des centaines d'enfants ont été volés afin d'être adoptés dans les familles des militaires.»

[06/02/2007]