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Russie

Ramzan Kadyrov président de Tchétchénie

Ramzan Kadyrov, 30 ans, fils de l'ancien leader religieux des rebelles Akhmad Kadyrov, devient le président de la Tchétchénie par intérim. 

		(Photo : AFP)
Ramzan Kadyrov, 30 ans, fils de l'ancien leader religieux des rebelles Akhmad Kadyrov, devient le président de la Tchétchénie par intérim.
(Photo : AFP)
Dans le rapport de force qui l’opposait au jeune Kadyrov, Alou Alkhanov a perdu. Le président de Tchétchénie a été «libéré de ses fonctions» par Vladimir Poutine, le 15 février, avant d’être nommé vice-ministre russe de la Justice. Ramzan Kadyrov, homme fort de Tchétchénie, Premier ministre de la petite République du Caucase du Nord depuis moins d’un an, a été nommé président par intérim. Le fils d’Akhmad Kadyrov (premier président pro-russe de Tchétchénie, mort dans un attentat en mai 2004) est le protégé de Vladimir Poutine, malgré les méthodes barbares employées par ses hommes.

De notre correspondante à Moscou

En Russie, la nouvelle ne surprend personne. Pour les observateurs, cette nomination était devenue inévitable depuis que Ramzan Kadyrov a atteint l’âge fixé par la Constitution tchétchène pour occuper le poste de président, soit 30 ans, anniversaire dont il a soufflé les bougies l’année dernière. Officiellement, Alou Alkhanov a été libéré de ses fonctions «à sa demande», mais dans les cercles du pouvoir, tout le monde sait que l’homme a subi des pressions de la part de son rival, au caractère imprévisible.

«Un homme complètement fou»
 
«C’est une histoire vieille comme la Russie», avait écrit la journaliste Anna Politkovskaïa (spécialiste de la Tchétchénie à la Novaïa Gazeta, assassinée en octobre 2006) dans son livre Douloureuse Russie, journal d’une femme en colère : «Le Kremlin a élevé un petit dragon et doit maintenant le nourrir régulièrement pour qu’il ne crache pas du feu».
 
Fils de l'ancien président et grand mufti Akhmad Kadyrov, mort dans un attentat à Grozny le 9 mai 2004, Ramzan Kadyrov a pris la tête du service de sécurité de son père au début de l’année 2003. Fortement ébranlé par cette mort, il avait fait son ennemi personnel de Chamil Bassaïev, chef de guerre radical, mort officiellement en juillet 2006 au cours d’une opération spéciale du FSB, les services secrets russes.
 
Ramzan Kadyrov est décrit par Anna Politkovskaïa, qui l’avait rencontré dans son village de Tsentoroï où il vit reclu, comme «un homme complètement fou», imprévisible, ne sachant pas tenir une conversation cohérente : «Il se conduit comme un enfant gâté : il éclate régulièrement de rire, se gratte, puis demande à ses gardes du corps de lui frotter le dos, ce qu’ils s’empressent de faire
 
Mais pour le Kremlin, ses miliciens surnommés «Kadyrovtsi» ont été les seuls capables de ramener une relative stabilité dans la République. Le pouvoir central, qui lui a trop délégué, ne peut plus se passer de lui, et Ramzan Kadyrov, dont le portrait apparaît sur de larges affiches dans les rues de Grozny, a «carte blanche» pour opérer comme bon lui semble. Les chaînes de télévision russe se font le relai de la «normalisation» de la Tchétchénie, montrant par exemple des travaux effectués dans la ville de Grozny, où les principaux bâtiments administratifs défoncés par des années de guerre sont peu a peu remis en état.
 
Hier, l’homme fort de Grozny était à peine nommé que déjà, ses partisans chantaient ses louanges. Pour le président de l’Assemblée provinciale, Doukvakha Abdourakhmanov, Ramzan Kadyrov est «le symbole de la stabilisation en Tchétchénie et de la défense des droits des malheureux».
 
Pillages et tortures
 
Quoi qu’en disent les autorités, dans cette petite République du Caucase, les «Kadyrovtsi», aux méthodes brutales sinon barbares, sont la terreur de la population. Ils sont régulièrement accusés d’actes de torture et sont responsables de dizaines de disparitions. Dans un rapport au mois de mai, la Fédération internationale d’Helsinki pour les droits de l’homme a dénoncé la pratique d’enlèvements de membres des familles de rebelles, dont certains seraient retenus dans une des deux prisons privées de Kadyrov. Objectif : forcer les indépendantistes à se rendre. 
 
«Rien n’est réglé en Tchétchénie, l’arbitraire et la corruption y sont omniprésents», nous confiait récemment à Moscou un chauffeur de taxi tchétchène, arrivé récemment dans la capitale russe pour nourrir sa famille, réfugiée au Daguestan. «En vérité, écrivait Anna Politkovkaïa, [Ramzan Kadyrov] ne combat nullement les terroristes. Il est bien trop occupé à piller le pays. Et c’est ce pillage qu’il camoufle en lutte contre le terrorisme.» Si la journaliste était encore en vie, elle ajouterait certainement que cette nomination, attendue, n’augure rien de bon pour la Tchétchénie et son peuple. 


par Virginie  Pironon

Article publié le 16/02/2007 Dernière mise à jour le 16/02/2007 à 14:38 TU