Gastronomie
Anne-Sophie Pic : Une femme trois étoiles
(Photo : D.S.)
(Photo : Philippe Schaff)
Cuisinière à Valence
Pour Anne-Sophie Pic, cette troisième étoile est donc aussi une reconquête «Au nom du père». C’est d’ailleurs ainsi que s’intitule l’ouvrage qu’elle a publié en 2004 aux éditions Glénat et où elle retrace son parcours personnel dans la lignée familiale des Pic. Elle partage alors avec la Parisienne Hélène Darroze le privilège d'être les deux seules femmes aux deux étoiles. Car c’est un milieu encore essentiellement masculin que celui de la haute gastronomie, et celle qui préfère le mot cuisinière à celui de chef, en sait quelque chose. Lorqu’elle évoque ce matin de septembre 1995, où elle a décidé de «se présenter en veste blanche à l’entrée de la cuisine, sa cuisine», elle précise qu’en se levant «elle avait pensé aux toréadors». Cela n’a pas été facile. Celle qui est déjà la patronne de la Maison Pic va devoir faire ses preuves en cuisine où elle arrive en apprentie. Si elle est revenue en 1992 dans la maison paternelle, peu de temps avant la mort de son père, c’est avec un diplôme de gestion en poche et cette autodidacte en cuisine devra s’imposer à l’équipe en place, en duo avec son frère Alain d’abord, puis en solo, après le départ de celui-ci en 1997. Ce qui ne se fera pas sans frictions: une procédure judiciaire pour discrimination syndicale engagée contre elle par un des salariés historiques, se conclura par une relaxe. Progressivement elle réorganise et rajeunit l’équipe, qui compte désormais onze femmes, un fait rarissime dans la profession. «Il m’a fallu dix ans pour prendre ma place», dit elle. Dix ans où elle est épaulée par son mari, David Sinapian, directeur-général de la Maison Pic. La Maison Pic, c’est 80 employés, un hôtel (4 étoiles) et un restaurant (désormais 3 étoiles) entièrement rénové, auquel il faut ajouter un troisième établissement le «7 par Anne-Sophie Pic», un bistrot, lui aussi sur le bord de la nationale, plus abordable que la table gastronomique du restaurant.
Et dans l’assiette ?
(Photo : Philippe Schaff)
Car c’est quand même là que se gagnent les étoiles… Laissons parler l’expert: «Elle a hérité de son père ce souci de perfection qu’elle manifeste au quotidien» dit le grand chef Paul Bocuse… Elle-même reconnaît aussi l’influence de son père dans le «visuel» de l’assiette, extrêmement élaboré. Mais aujourd’hui son pigeon en croûte de noix – le premier plat qui lui a permis de s’émanciper, dit-elle - rivalise sur la carte avec le loup au caviar paternel. Sont venus ensuite la langoustine marinée puis rôtie à la plancha avec son coulant aux petits pois et à la réglisse mentholée, et le turbot à la rhubarbe, deux plats dans lesquels elle se reconnaît le plus pour «leur douceur et leur équilibre». Sans oublier un autre fleuron de sa nouvelle carte où le thon cru est associé au foie gras, avec une gaufrette au sésame et un sorbet à la moutarde de Chine. Elle dit chercher «l’originalité dans les associations de saveurs», tout en donnant la priorité au produit, qu’elle travaille «en le respectant, sans le déstructurer». Et si de son père elle a gardé «sa prédilection pour le poisson», elle ne le cuisine pas du tout comme lui, car «ses gratins d’écrevisse, ses chaussons de truffe, sont inoubliables, mais démodés» ose-t-elle affirmer.
La troisième étoile, c’est bien Anne-Sophie qui l’a gagnée….
par Danielle Birck
Article publié le 24/02/2007 Dernière mise à jour le 24/02/2007 à 13:37 TU