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Serbie-Bosnie

La Serbie en partie disculpée

Devant les grilles du palais de la Paix à La Haye, une centaine de victimes de Srebrenica scande son désarroi face au verdict prononcé par la Cour internationale de la justice. 

		(Photo : AFP)
Devant les grilles du palais de la Paix à La Haye, une centaine de victimes de Srebrenica scande son désarroi face au verdict prononcé par la Cour internationale de la justice.
(Photo : AFP)
La Cour internationale de justice estime qu’un génocide a été perpétré à Srebrenica, mais exonère l’Etat serbe de sa responsabilité. Cependant, et faute d’avoir prévenu le crime des crimes, la plus haute instance judiciaire des Nations unies demande à Belgrade de livrer les fugitifs inculpés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et de reconnaître publiquement qu’un génocide a été perpétré à Srebrenica.

De notre correspondante à La Haye

Devant les grilles du palais de la Paix à La Haye, une centaine de victimes de Srebrenica exprime son désarroi. «Nos fils sont morts, mais leurs mères sont vivantes. Nous lutterons jusqu’au bout pour que la justice passe». Quelques minutes plus tôt, les juges de la Cour internationale de Justice (CIJ) prononçaient leur arrêt : si un génocide a bien eu lieu à Srebrenica, la Serbie n’en est pas l’auteur et n’a pas commis de génocide en Bosnie-Herzégovine. La Cour avait été saisie de cette affaire en mars 1993, au plus fort de la guerre en Bosnie. Sarajevo espérait notamment faire lever l’embargo sur les armes. Depuis, l’affaire rythme des relations tendues entre les deux Etats.

Les actes commis à Srebrenica relèvent du génocide

Dans leur arrêt, les juges de la CIJ font l’inventaire des crimes commis par les Serbes de Bosnie. Les déportations, les assassinats, les viols, les camps de détention implantés aux quatre coins du territoire, ont bien existé, mais ils ne relèvent pas du génocide, estiment-ils. Seul le massacre de Srebrenica est reconnu comme tel par les juges de la Cour internationale, juridiction onusienne chargée de régler les différends entre Etats. «Ces actes étaient des actes de génocide», écrivent les juges. En trois jours de juillet 1995, les forces des Serbes de Bosnie avaient assassiné près de 8000 hommes, tous musulmans. Déclarée zone de sécurité par les Nations unies, l’enclave aurait du être protégée par un bataillon de casques bleus néerlandais. Séparés des femmes, des enfants et des vieillards, les hommes, tous musulmans, avaient été conduits sur différents sites et froidement exécutés.

Les Serbes de Bosnie responsables

Mais pour les juges, la responsabilité de ces actes ne revient pas à l’Etat serbe mais aux séparatistes serbes de Bosnie et à leur armée, conduite alors par le général Ratko Mladic. Ils soulignent que l’armée des Serbes de Bosnie était soutenue et financée par Belgrade, mais selon les juges, ce soutien ne visait pas à commettre un génocide. Pour être clair, la présidente de la Cour, Rosalyn Higgins, s’est largement étendue sur la définition juridique du terme, qui implique que son auteur ait été animé d’une intention spécifique : celle de détruire un groupe en tant que tel. Belgrade a donc bien conduit une guerre, soutenu des forces en Bosnie, mais n’a pas eu l’intention de commettre un génocide.

La Cour appelle la Serbie à livrer Ratko Mladic

En exonérant l’Etat de Serbie, la Cour se base notamment sur les rapports des autorités néerlandaises, des Nations unies et de la CIA. Ces rapports établissent ainsi que si Slobodan Milosevic a eu beaucoup d’influence sur les Serbes de Bosnie, il ne les a pas contrôlés. Dès lors, ces textes exonèrent Belgrade de toute participation au génocide, précisant que : «Si la Serbie a bien financé, soutenu et payé les officiers des Serbes de Bosnie, elle n’a pas ordonné le génocide à Srebrenica». Au terme de la Convention sur le génocide, établie en 1948, elle rappelle que les Etats sont tenus de prévenir de tels actes et pointe, cette fois, la responsabilité de Belgrade. La Cour rappelle ensuite que «les auteurs de ce génocide sont toujours en fuite». Belgrade «a violé la Convention sur le génocide» en «ne transférant par Ratko Mladic, accusé de génocide et de complicité de génocide, au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie», chargé, lui, de juger individuellement les responsables de crimes. Sarajevo avait demandé réparation et chiffré le préjudice à quelques 2 milliards de dollars, mais avec prudence, les juges suggèrent que la Serbie reconnaisse qu’elle n’a «pas prévenu le crime de génocide» perpétré à Srebrenica. Et dès lors, qu’elle reconnaisse qu’un génocide a bien été perpétré, ce qui, à Belgrade, continue d’être un tabou. Suite à l’arrêt rendu par les juges, le président de Serbie, Boris Tadic, a invité le Parlement à adopter une déclaration condamnant «les crimes de Srebrenica».



par Stéphanie  Maupas

Article publié le 26/02/2007 Dernière mise à jour le 26/02/2007 à 18:19 TU