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Etats-Unis

Nouvelle tempête autour de la Maison Blanche

Pour la première fois depuis le Contragate, scandale lié à des ventes d’armes à l'Iran qui remonte aux années Reagan, c'est à dire aux années 80, un membre important de l'équipe présidentielle vient d'être reconnu coupable par la justice américaine. L'ancien directeur de cabinet du vice-président, Dick Cheney, Lewis Libby, surnommé «Scooter» par ses amis, a été reconnu coupable de quatre chefs d'inculpation sur cinq. Il lui est essentiellement reproché d'avoir menti au FBI, alors que les policiers enquêtaient pour trouver l'origine de la fuite ayant permis à la presse américaine de divulguer le nom d'un agent de la CIA, Valerie Plame.
Lewis «Scooter» Libby, ancien chef de cabinet du vice-président américain Dick Cheney, a été reconnu coupable d'avoir menti à la justice dans une affaire touchant à la légitimité controversée de la guerre en Irak. 

		(Photo : Reuters)
Lewis «Scooter» Libby, ancien chef de cabinet du vice-président américain Dick Cheney, a été reconnu coupable d'avoir menti à la justice dans une affaire touchant à la légitimité controversée de la guerre en Irak.
(Photo : Reuters)

Lewis Libby a systématiquement nié avoir su que Valerie Plame faisait partie de la Centrale Intelligence Agency, les services secrets américains. Or, il est prouvé qu'à neuf reprises, Lewis Libby a évoqué le nom de Plame avec huit interlocuteurs différents. Son mensonge pourrait lui valoir jusqu'à vingt-cinq ans de prison. Mais le tribunal fédéral de Washington ne divulguera la peine à laquelle il sera condamné que le 5 juin prochain.

Dans l'entourage du président Bush, la nouvelle a été accueillie comme une douche glacée. Libby est, en effet, reconnu comme ayant été un haut fonctionnaire d'une parfaite correction et fidélité à ses supérieurs. Aux yeux de beaucoup, en particulier de l'opposition démocrate, il apparaît dans cette affaire comme un simple bouc-émissaire. D'ailleurs, après la proclamation du verdict, l'un des jurés a pris la parole devant les micros des médias audiovisuels qui étaient massés au tribunal et s'est demandé où étaient passés «les autres». Les «autres», ce sont, évidemment, les auteurs des fuites dans l'affaire Plame.

Crime fédéral

Valéry Plame, agent de la CIA, est l'épouse du diplomate Joseph Wilson. Expédié au Niger pour établir la réalité des livraisons d'uranium, produit localement, aux Irakiens, Wilson revient bredouille. Ses conclusions sont négatives. Mais, lors du discours sur l'état de l'Union du président Bush, en janvier 2003, pour justifier l'attaque contre le régime de Saddam Hussein, c'est une version contraire qui est présentée. Selon l'administration républicaine, le Niger aurait réellement livré de l'uranium à Bagdad, ce qui aurait permis aux Irakiens de travailler à la préparation d'une bombe atomique.

Joseph Wilson réagit très violemment à la falsification des résultats de sa mission. En juillet 2003, il confie son rapport et ses conclusions négatives au New York Times, qui le publie. L'affaire est, bien sûr, éminemment embarrassante pour la Maison Blanche et pour la conduite de la guerre en Irak. Quelques jours plus tard, la presse américaine divulgue le nom et la qualité de l'épouse de Joseph Wilson. Il s'agit, naturellement, d'une atteinte grave à la sécurité du couple. C'est si vrai que les lois américaines considèrent la divulgation de l'identité d'un agent de la CIA comme un crime fédéral. Un procureur fédéral est alors nommé et l'enquête est lancée. Judith Miller, journaliste au New York Times, est emprisonnée près de trois mois car elle refuse de divulguer ses sources. Elle le fera le lendemain de sa libération. Elle livre le nom de Lewis Libby.

Un atout supplémentaire pour le Parti démocrate

Aucun autre hiérarque de la Maison Blanche n'a, pour l'instant, été inquiété. Mais, pour tout le monde, il ne fait pas de doute que la principale victime de ce procès, victime politique, est le vice-président, Dick Cheney. Bien que ce dernier soit considéré comme le vice-président le plus puissant qu'ait jamais connu le système politique américain, Dick Cheney est désormais, plus que jamais, sur la sellette. Les auditions préalables à la condamnation de Lewis Libby ont, en effet, mis en lumière les pratiques très obscures du vice-président, au service d'une obsession : défendre la politique américaine en Irak. Dick Cheney ne recule devant aucune des facilités que lui confère l'accès à l'appareil d'Etat américain pour déconsidérer les adversaires de la politique irakienne qu'il promeut depuis son accession à la Maison Blanche, il y a six ans.

Au delà du cas de Lewis Libby et du vice-président, cette condamnation vient affecter plus encore le bilan que laissera l'administration Bush. Non seulement, l'opération irakienne est un fiasco, non seulement, des contre-vérités ont été utilisées pour justifier l'offensive de mars 2003, mais en plus, la Maison Blanche a eu recours a des méthodes illégales. C'est un atout supplémentaire pour le Parti démocrate, majoritaire au Congrès, pour forcer au retrait des troupes américaines en Irak.

par Jean-Pierre  Boris

Article publié le 07/03/2007 Dernière mise à jour le 07/03/2007 à 16:31 TU