Russie
Moscou, capitale de l’art contemporain
Une ancienne fabrique à vin, des entrepôts, des chantiers, comme celui du prestigieux magasin Tsoum à proximité du théâtre du Bolchoï ou encore celui de la Tour de la Fédération, gigantesque projet dans le nouveau quartier des affaires de Moscou... Dans le cadre de cette deuxième Biennale, l’art contemporain s’immisce dans les lieux les plus inattendus. Depuis quelques années, le monde de l’art en Russie est en pleine effervescence : une dizaine de fondations viennent d’ouvrir, se superposant aux lieux plus «historiques», comme la pionnière Galerie Guelman, fondée au début des années 90. Même les «businessmen» s’y mettent, à l’image du millionnaire Vladimir Semenikhin, propriétaire d’une importante entreprise de construction, Stroiteks. L’homme d’affaire vient tout juste d’inaugurer son propre musée, où il expose sa collection...
«Une carte de visite»
(Autorisqation de Regina Gallery)
Dans une capitale russe où l’argent coule à flots, l’art contemporain suscite de plus en plus l’intérêt des millionnaires. «On sent aujourd’hui une mobilisation des gens qui, il y a cinq ans, s’occupaient d’acheter leurs villas à Saint-Tropez, leurs appartements à Londres ou à Paris - explique Pierre-Christian Brochet, fondateur du club des collectionneurs de Russie - Ils commencent à se dire que pour être dans le coup, il n’est pas mal d’avoir un statut qui soit lié à l’art contemporain, c’est devenu une mode». Le Français, qui a fait de la Russie son pays d’adoption, poursuit : «Aujourd’hui, être propriétaire d’objets d’art définit un statut social. On ne parle plus de telle ou telle personne en désignant sa profession, mais en disant : ‘le collectionneur d’art !’ » Tant et si bien qu’en cinq ans, date de la création du club des collectionneurs, le nombre de membres a été multiplié par cinq, passant d’une dizaine à une cinquantaine de personnes.
Les jeunes artistes ne profitent pas tous de cet engouement
Mais les pétrodollars, qui coulent à flot aujourd’hui à Moscou, profitent-ils à tous ? Pas forcément. A Moscou comme ailleurs, les premiers pas des jeunes artistes restent difficiles. «L’argent va pour l’instant aux artistes les plus reconnus - confie Ilona Orel, qui dirige la galerie Orel Art à Paris et n’expose que des artistes russes - En Russie, le système est encore loin d’être développé comme en France, où les artistes peuvent obtenir un atelier, une bourse, etc...Les jeunes artistes russes ont souvent du mal à développer leurs projets. Mais il suffit qu’ils commencent à être connus, et là, ça peut aller très vite !» La Biennale, qui a emprunté son nom à celle de Venise, est un moyen d’élever la Russie dans le monde de l’art contemporain.
«Affaire de prestige» pour le pouvoir en place
Pour certains observateurs, c’est aussi, pour le Kremlin, un moyen de se faire connaître sous un autre jour sur la scène internationale... L’évènement est financé à la fois par l’Etat (l’agence fédérale pour la Culture et le cinéma a «injecté» dans le projet 52 millions de roubles, soit environ 2 millions de dollars) et par de nombreuses entreprises privées ou publiques, comme Gazprom, Interros, Alfa Bank, ou encore Mirax Group, qui se trouve derrière le projet de la Tour de la Fédération.
(Photo : Pierre et Gilles / Galerie Jérôme de Noirmont)
Alors... gigantesque opération séduction ou intérêt réel porté à l’art, de la part du gouvernement ? Les artistes n’en ont cure. En tout cas, comme le souligne l’artiste Oleg Koulik, qui chapeaute la très optimiste exposition «Je crois» à la Winzavod, une ancienne fabrique de vin transformée en centre d’art contemporain, Moscou n’a désormais plus rien à envier aux grandes capitales occidentales. L’artiste, qui s’est fait connaître dans les années 90 en faisant le chien lors des expositions, en est persuadé : «Moscou, quand on s’intéresse à l’art contemporain, c’est l’endroit où il faut être. Il y a ici tellement d’énergie ! »
par Virginie Pironon
Article publié le 11/03/2007 Dernière mise à jour le 11/03/2007 à 18:09 TU