Présidentielle 2007
Un ministère qui fait polémique
(Photo : AFP)
Nicolas Sarkozy persiste et signe. Il estime qu’il n’y a rien de choquant à former un ministère chargé de gérer la double thématique de l’immigration et de l’identité nationale. Cette proposition qu’il a lancée dans l’émission «A vous de juger», sur la chaîne de télévision publique France 2, la semaine dernière, a pourtant immédiatement déclenché un tollé dans la classe politique. Mais du point de vue de Nicolas Sarkozy, tout ce brouhaha n’est pas justifié.
Le candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) a donné les raisons pour lesquelles il pense nécessaire de lier les deux problématiques. Il s’agit, selon lui, de faire en sorte d’avoir les moyens de réussir l’intégration des générations d’immigrés qui vont arriver sur le sol français dans les trente prochaines années. Il a déclaré : «Je veux clairement lier l’immigration qui va venir et l’identité qui est la nôtre pour dire à ceux qui vont venir qu’ils doivent adhérer à des valeurs qu’ils vont enrichir de leur propre identité et sur lesquelles nous ne sommes pas prêts à transiger».
Un risque de ségrégation
Nicolas Sarkozy a donné quelques exemples de ces valeurs fondatrices de l’identité française : «la laïcité, l’égalité homme/femme, la liberté pour une femme de se marier avec qui elle veut, de ne pas être sous le contrôle de son grand frère…» Et à la question de savoir si cela justifie la création d’un ministère, Nicolas Sarkozy rétorque «oui» sans hésitation parce qu’«aujourd’hui, il y a trois ministères qui s’occupent de l’immigration : Affaires étrangères, Affaires sociales et Intérieur (…) donc il n’y a pas de politique de l’immigration (…) Il faut un ministère pour cela».
Du point de vue des adversaires du candidat de l’UMP, ces explications sont inacceptables. Ils estiment que la création d’un tel ministère n’est pas justifiée mais qu’en plus, elle risquerait d’établir des ségrégations au sein de la population. Le centriste François Bayrou a été très sévère avec la proposition de Nicolas Sarkozy. Il a affirmé : «L’Histoire de la France nous a appris qu’il ne faut pas mélanger les questions d’identité nationale avec d’autres questions qui tiennent à l’origine par exemple». Il estime donc qu’on ne «mélange pas dans le même ministère immigration et identité nationale. D’abord on ne fait pas un ministère de l’Identité nationale. On ne fait pas un ministère de la France. On ne fait pas un ministère du peuple français et des valeurs républicaines. Et surtout, on n’en fait pas le ministère de l’Immigration».
Ségolène Royal n’a pas, non plus, mâché ses mots pour dénoncer cette proposition. Elle a voulu mettre en avant le côté discriminant du ministère tel que l’a défini Nicolas Sarkozy et a qualifié «l’amalgame» entre immigrés et identité nationale d’«ignoble». Elle a aussi donné sa propre définition de l’identité nationale : «La Nation ne distingue ni Blancs, ni Noirs, ni Jaunes, ni chrétiens, ni juifs, ni musulmans. Nous sommes tous des citoyens à égalité de droits et de devoirs. Il n’y a pas les Français de souche et les Français de feuillage et de branchages».
Tous les détracteurs de Nicolas Sarkozy ont estimé qu’il essayait d’aller à la pêche aux voix des électeurs du Front national, quitte à s’aventurer sur des questions sensibles. Le socialiste Dominique Strauss-Kahn a même dénoncé «un flirt de plus en plus manifeste de Nicolas Sarkozy avec l’extrême-droite», après l’offensive lancée par le candidat de l’UMP pour convaincre les élus d’accorder au candidat du Front national les parrainages nécessaires afin qu’il puisse se présenter.
Un débat qui va rebondir
Nicolas Sarkozy a évidemment rétorqué avec fermeté pour démentir toute stratégie électoraliste et surtout toute dérive politique du côté des théories de Jean-Marie Le Pen. En liant immigration et identité nationale, le candidat de l’UMP estime qu’il met juste en application la «rupture», c’est-à-dire la possibilité de parler «sans tabou» et d’exprimer «les idées que pensent et que portent les Français». Et d’ajouter : «Je veux pouvoir dire que la France a une identité sans être traité de fasciste». Il a par la même occasion renvoyé dans les cordes ses deux concurrents, socialiste et centriste, en déclarant : «Je ne vais pas prendre des leçons d’une gauche qui a utilisé le FN pendant des années pour gagner les élections. Quant au centriste François Bayrou, il est prêt à introduire la proportionnelle aux législatives et donc prêt à ce qu’il y ait un groupe FN à l’Assemblée».
La vivacité des réactions à la proposition de Nicolas Sarkozy montre que le débat sur l’immigration est sensible et qu’il fait certainement partie de ceux qui vont continuer à animer la campagne électorale. Et ce n’est certainement pas un hasard si le candidat de l’UMP, promoteur du principe de «l’immigration choisie» et qui a fait de ce thème un cheval de bataille en tant que ministre de l’Intérieur, est celui qui a ravivé la polémique. L’échéance se rapproche et il faut commencer à marquer des points dans la perspective du premier tour, voire du second. Incontestablement, Nicolas Sarkozy sait que son espace électoral se situe plus à droite qu’au centre. Est-ce un effet de la montée de François Bayrou dans les sondages ?par Valérie Gas
Article publié le 13/03/2007 Dernière mise à jour le 13/03/2007 à 15:57 TU