Présidentielle 2007
Quand Le Pen s’en va aux urnes
(Photo : Reuters)
On croirait voir une scène déjà jouée. A deux pas de la Comédie française, encadré par un gros service d’ordre et une foule de caméras, Jean-Marie Le Pen prend la pose devant les grilles du Conseil constitutionnel. Il vient de déposer 535 parrainages d’élus, les fameuses 500 signatures validant la candidature des prétendants à la magistrature suprême. Comme en 2002, il prend la pose de la victime. Victime du système : « Je considère toujours que cette formalité est scandaleuse et qu’il est scandaleux aussi qu’elle n’ait pas été modifiée, alors que pratiquement tout le monde -et surtout les maires- demandaient que soit mis fin à la publicité de leur nom». Victime de «manipulations» sur lesquelles il ne s’étend pas.
Bien sûr, le thème n’est pas nouveau. Le président du Front National en avait sonné le tocsin dès l’Université d’été du FN, en septembre 2006, à Saint-Martin de Crau, en Camargue. Puis, au fil des mois, il avait savamment entretenu le suspens, allant jusqu’à accuser son plus proche adversaire, Philippe de Villiers du Mouvement pour la France (MPF), de tentatives d’intimidation sur certains maires. Notamment en Picardie, en Bourgogne et en Franche-Comté. Or, en coiffant Jean-Marie Le Pen sur le fil –le candidat du MPF a déposé ses derniers parrainages mardi-, de Villiers a revêtu lui aussi les habits de victime du système.
Le Pen à l’attaque
En 2007, il faut donc passer à l’offensive. Et les stratèges du FN ont choisi un axe d’attaque qu’ils connaissent bien : celui de la «droite nationale». Soudain, Le Pen attaque : «Je tiens ma signature personnelle, que je n’ai pas déposée, à la disposition de M. Dupont-Aignan, dont on me dit qu’il en manque». Surprise : on ne savait pas les deux hommes si proches. «C’est un patriote, comme nous», assène-t-il. Un peu léger comme explication. Au dernier pointage, le candidat néo-gaulliste aurait 455 signatures d’élus. Un gros retard à rattraper en deux jours. Mais, aux yeux du FN, le député en rupture de ban de l’UMP –il a quitté le parti- a l’immense intérêt de pouvoir mordre sur l’électorat de Nicolas Sarkozy. A condition d’être candidat.
Au FN, on sait depuis longtemps que l’élection présidentielle est d’abord régie par les règles de l’arithmétique. Avec un axiome simple, qu’Olivier Martinelli, le directeur de cabinet du président, expliquait déjà en septembre. «Le second tour, disait-il, se joue à 20%, nous sommes environ à 18,5%, la question est donc de savoir comment gagner ce 1,5% qui nous manque». Or, plus les candidats seront nombreux au premier tour, plus cela handicapera les favoris, à droite comme à gauche. C’est la leçon du 21 avril 2002 fort bien retenue par les tacticiens du paquebot, le siège du FN. Pour rendre la ficelle un peu moins grosse, Jean-Marie Le Pen enrobe : «Et je souhaite que les maires qui s’apprêtaient à signer pour moi -j’ai voulu leur donner le signal que j’avais le nombre suffisant- puissent signer pour d’autres candidats que moi». Un bel exemple de vertu démocratique. Au pied des Neuf Sages.
par David Servenay
Article publié le 14/03/2007 Dernière mise à jour le 14/03/2007 à 19:40 TU