Europe
Du Marché commun à l'Union européenne
(Carte : JB / RFI)
Tout en devenant le premier marché du monde, l’UE ne peut être considérée comme étant une puissance dans le sens stratégique du terme. En effet, la politique européenne en matière de défense ne semble pas être une grande priorité pour les Etats membres, dont une dizaine appartiennent à l’Alliance atlantique (Otan). L’Europe de la défense, qui ne figurait d’ailleurs pas clairement dans l’esprit du Traité de Rome, reste ainsi à construire, au même titre que la diplomatie. Les politiques militaires et les activités diplomatiques exigent toujours des votes unanimes.
Rares sont les Etats disposés à faire des concessions dans ces domaines de souveraineté. C’est peut-être pour cette raison que l’UE a décidé, seulement en 2005, de créer l’agence Frontex. Il s’agit de mettre en pratique des moyens pour protéger les frontières extérieures européennes, surtout maritimes, suite à l’afflux de clandestins africains, à bord d’embarcations de fortune en direction des Canaries. Cet archipel espagnol, porte d’entrée dans l’espace européen, est devenu une sorte d’eldorado pour beaucoup de jeunes africains, malgré les dangers des traversées.
Croissance en baisse
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Pourtant, l’UE enregistre actuellement une baisse relative en termes de croissance économique. «Les pays membres de la zone euro ont connu dernièrement une croissance plus faible que ceux en dehors de l’union monétaire», selon un récent rapport des économistes du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) qui s’insurge contre le cloisonnement des marchés. Le Cepii souligne, également, que, malgré l’Acte unique de 1986, «les frontières nationales comptent toujours pour le commerce des biens et services. La main d’œuvre reste très peu mobile au sein de l’union». Cependant, les idées protectionnistes ont connu dernièrement un certain succès, dans les pays qui sont à l’origine de l’UE, dont la France. Le danger attribué au «plombier polonais», pour les travailleurs nationaux, est devenu une sorte de leitmotiv pour des politiciens en campagne, malgré la carence de professionnels dans ce secteur.
(Photo : AFP)
Toujours dans le domaine de l’économie, les spécialistes remarquent que la croissance en Europe est inférieure à celle enregistrée aux Etats-Unis, un argument qui réconforte sûrement les eurosceptiques, souvent partisans des thèses ultralibérales. Paradoxalement, les altermondialistes se méfient également de l’Europe. Les difficultés actuelles de l’avionneur européen Airbus (pourtant une réussite technologique et industrielle) sont parfois attribuées à l'incapacité des eurocrates de Bruxelles, ce qui est loin d’être prouvé. Néanmoins, des blocages sont également signalés, concernant le développement des traités relatifs à la coopération dans le domaine de l’énergie atomique, tandis que beaucoup a été fait dans le domaine spatial, avec le programme Ariane.
L’UE a également bénéficié de la circulation des savants, des techniciens et des étudiants, ainsi que de la reconnaissance mutuelle des diplômes. Les Etats européens ont réussi à définir et à appliquer des mesures en vue de la protection de l’environnement maritime, malgré les critiques manifestées dans le secteur piscicole. Les 27 ont également défini récemment une politique ambitieuse, face au problème du réchauffement climatique, avec le développement des énergies renouvelables. Mais, tout comme pour la croissance, l’Europe a beaucoup à faire en matière de chômage et de lutte contre les inégalités sociales, même si cette question relève davantage des Etats membres. L’UE a bien réussi à définir une politique agricole commune (PAC), au profit notamment des Français, tout en accordant des compensations financières aux Britanniques.
L’hypothèque constitutionnelle
Mais l’échec le plus spectaculaire du processus de construction européenne est sans doute l’impasse constitutionnelle, suite au «non» des Français et des Néerlandais, lors des référendums du 29 mai et du 1er juin 2005. La Constitution de 300 pages, élaborée par un européiste avancé, l’ancien président français Giscard d’Estaing, a été recalée par près de 55% des électeurs français, ce qui a provoqué une grande crise qui est loin d’être réglée. Plusieurs spécialistes des questions européennes affirment que l’Europe est à la croisée des chemins, car le texte constitutionnel devait permettre de clarifier des questions importantes, notamment les compétences de l’UE et des Etats membres, qui ne sont pas bien définies par les traités de Rome et de Nice. La Constitution prévoyait également un ministre des Affaires étrangères de l’UE et l’évolution vers une Défense commune.
Toutes les hypothèses sont envisagées en vue d’une solution au blocage constitutionnel. Des pessimistes diront qu’il faudra marquer un arrêt prolongé, attendre l’arrivée d’une nouvelle génération plus favorable à l’Europe, pour que la Constitution puisse être adoptée et appliquée. Des débats sans fin sont en cours à Bruxelles et dans les capitales européennes. Des politiciens en campagne se manifestent pour l’adoption d’une nouvelle Constitution de moindre ampleur, susceptible d’être facilement approuvée par les électeurs européens. D’autres diront qu’il faudra un retour aux sources et donner un nouvel élan à l’UE, une fuite en avant. Et rien n’empêche l’Europe de fonctionner sans Constitution.
Ce qui est sûr, c’est que - avec ou sans Constitution - l’UE va être obligée de définir de nouvelles politiques, concernant les problèmes posés par la mondialisation et ceux liés à l’environnement et au terrorisme. Beaucoup a été fait, depuis un demi-siècle, beaucoup reste à faire. Malgré ses crises, l’UE a réussi à devenir un espace de paix et de démocratie. Ceci est sûrement plus important que les problèmes constitutionnels. Mais l’Europe devra faire aussi un effort pour que ses citoyens se sentent Européens à part entière.
par Antonio Garcia
Article publié le 19/03/2007 Dernière mise à jour le 19/03/2007 à 15:47 TU