Environnement
L’eau : «Faire face à la pénurie»
(Photo: AFP)
A l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, l’Unesco rappelle qu’une personne sur quatre, dans le monde, n’a pas accès à l’eau potable et que quinze mille personnes par jour meurent de problèmes liés à l’eau (soit dix fois plus que dans des conflits armés). D’après les experts mondiaux sur le réchauffement planétaire, les pénuries d’eau pourraient affecter trois fois plus de personnes, en moins de vingt ans. Et, «d’ici à 2025, (…) deux-tiers de la population mondiale vivra dans des conditions de stress hydrique», alerte la FAO alors que, partout, l'eau a un impact majeur sur la capacité des personnes à améliorer leurs vies.
Pourtant, l’Assemblée mondiale des élus et des citoyens pour l’eau (Amece), qui s’est réunie toute la semaine au Parlement européen à Bruxelles, a estimé qu’il faudrait «moins de cinquante milliards d’euros par an pour fournir la quantité vitale de cinquante litres d’eau par jour à chacun des 1,2 milliards d’humains qui en manquent». Participaient à cette Assemblée, des centaines de parlementaires, des représentants de collectivités locales et d’entreprises publiques, des syndicats.
La Journée mondiale de l’eau devrait relayer l’état des lieux dressé par cette Assemblée d’élus et de représentants de différentes ONG, et le bilan que cette dernière a envoyé à tous les chefs d’Etat et à l’Onu. L’objectif ? Responsabiliser les populations dans la lutte qui leur incombe, tant à l’échelle individuelle que collective, pour la sauvegarde de l’eau. Et sensibiliser tous les citoyens de la terre à ce nouveau «droit de l’eau» comme faisant partie des droits fondamentaux de l’homme.
Point d’eau, point de vie. C’est à ce titre, que l’eau doit être considérée comme un «bien commun». Ce faisant, la gestion de l’or bleu «ne doit plus en aucun cas revenir à des entreprises privées», ont souligné les instances présentes à l’Amece. Quatre-vingt-dix pour cent des services de l’eau, à l’échelle mondiale, sont publics, mais c’est encore «insuffisant», selon les participants à cette assemblée.
Les investissements nécessaires à l’approvisionnement généralisé en eau sont «moins importants que ce que l’on pourrait croire», ont-ils fait remarquer, ce à quoi Christiane Franck, directrice générale de l’entreprise publique belge de gestion de l’eau, Vivaqua, a ajouté : «Il faut mettre en œuvre toutes les énergies disponibles pour que la question de l’eau soit confiée ou re-confiée au public». Parmi les solutions alternatives envisageables, ont été évoquées, par exemple, d’éventuelles taxes sur les parcs de loisirs axés sur l’eau et un impôt indirect sous forme de contribution fixe par mètre cube d’eau consommé dans les pays riches.
Deux milliards d'humains risquent de se retrouver en pénurie d'eau aggravée
Les experts de l’Onu estiment qu’on parle de «rareté en eau» à partir de mille mètres cubes par jour et par personne alors que d’ores et déjà l’Afrique, l’Asie centrale mais aussi le sud-ouest des Etats-Unis et le sud-est de l’Australie vivent en situation de pénurie chronique, avec cinq cents mètres cubes par jour et par personne. Or, les scientifiques estiment qu’il y a huit chances sur dix pour que la hausse des moyennes planétaires de température soit de l’ordre de 2°C d’ici 2010. En conséquence de quoi, les réserves d’eau contenues dans les glaciers et la couverture neigeuse vont décliner, les rivières se tarir et les ressources en eau douce diminuer, tandis que les besoins d’irrigation vont augmenter et que les sécheresses seront probablement plus fréquentes (65%), affectant ainsi des régions aujourd’hui semi-arides.
Parce qu’ils seront privés d’eau à cause du réchauffement climatique et, ainsi, privés également d’agriculture, ce sont deux milliards humains qui, faute de politique drastique pour gérer les ressources existantes, risquent de se retrouver en pénurie d’eau aggravée d’ici les trois prochaines années. Trois cent cinquante à quatre cent millions des populations concernées vivent en Afrique et deux cents millions à un milliard, en Asie. Si le thermomètre devait s’affoler et grimper de 4°supplémentaires, les estimations chiffrées de la FAO portent à 3,2 milliards le nombre de victimes de ce stress hydrique.
Principaux défis à relever ?
D’autres régions, en revanche, et pour les mêmes raisons liées au réchauffement climatique, risquent de souffrir de tempêtes tropicales et d’inondations dues à la multiplication de précipitations extrêmes. Ailleurs, l’eau des puits et celle utilisée pour irriguer sont menacées de «salinisation, sous l’effet conjugué des sécheresses et de l’élévation du niveau des océans qui favorisera l’intrusion des eaux salées», expliquent les experts du Giec (groupement d’experts internationaux sur le climat). La péninsule arabique est, par exemple, exposée à ce type de problème car elle dépend à 80% de ses réserves souterraines, tandis que les scientifiques estiment entre 18 et 59 centimètres une hausse du niveau de la mer d’ici 2010, selon l’ampleur du réchauffement.
Quels sont les principaux défis à relever au final ? D’après Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, «il y a d’abord celui d’une meilleure utilisation des capacités technologiques dont l’homme dispose aujourd’hui : dessaler de l’eau de mer, la pomper plus profond, la transférer sur des distances plus grandes, utiliser de l’eau recyclée. Le deuxième défi est d’obtenir que l’eau devienne une priorité dans les affaires du monde (…) et de faire en sorte que les robinets passent avant les fusils». Une petite phrase qui rappelle que les pays industriels avancés maîtrisent la technologie nécessaire pour améliorer les conditions d’accès à l’eau, tout en pointant «la logique désastreuse de marchandisation de l’eau», dénoncée par les altermondialistes. «Si rien n'est fait, il y aura de plus en plus de conflits pour avoir accès à l'eau», prévient Jamie Pittock, directeur du programme global pour l'eau douce du WWF (Fonds mondial pour la nature).
par Dominique Raizon
Article publié le 21/03/2007 Dernière mise à jour le 21/03/2007 à 16:54 TU