Présidentielle 2007
Sarkozy, candidat à temps plein
(Photo : Reuters)
Le passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur n’aura laissé personne indifférent. En deux fois deux ans -puisqu’il a fait une escapade au ministère de l’Economie et une petite pause gouvernementale-, il a en effet marqué de son empreinte ce ministère et provoqué des réactions disparates. A l’heure du bilan, Nicolas Sarkozy a fait part de sa satisfaction : «Le président m’avait confié une mission, la délinquance avait explosé entre 1997 et 2002, près de 18% d’augmentation. Il m’avait dit : ‘il faut la faire baisser’… Cinq années après, elle a baissé de 9% là où elle avait augmenté de 17,18%. Ce n’est quand même pas un résultat négligeable et qui, d’ailleurs, n’est contesté par personne».
Ses adversaires n’ont pas tout à fait la même vision des choses. Ségolène Royal a, en effet, estimé que la «situation de la sécurité s’est dégradée» à l’occasion du passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. Le Parti socialiste insiste notamment sur les statistiques concernant les violences à la personne qui montrent une augmentation des agressions. Les chiffres avancés par Nicolas Sarkozy sont donc controversés, certaines de ses décisions aussi. Pour la gauche, Nicolas Sarkozy a commis une grave erreur en supprimant en 2003 la police de proximité, mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin. Le ministre affirme avoir fait ce choix au nom de l’efficacité, jugeant que ces équipes étaient coûteuses, en effectifs notamment, et que les résultats n’étaient pas à la hauteur des moyens nécessaires. Il a, en revanche, créé les GIR (Groupes d’intervention régionaux) chargés de privilégier l’investigation et d’améliorer l’élucidation des crimes et délits.
«La culture du résultat»
La grande idée de Nicolas Sarkozy, lors de sa première période au ministère de l’Intérieur (2002-2004), a été de promouvoir «la culture du résultat» et de réorganiser le fonctionnement des services. Il a joué la carte du briseur de tabou, de la modernisation. Il est, par exemple, à l’origine du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur et non plus de la Défense.
C’est avec la crise des banlieues en novembre 2005 que le «premier flic de France» a dû faire face à ses plus grosses difficultés. Même si aucune bavure n’a eu lieu durant les trois semaines d’émeutes qui ont enflammé les quartiers, ces violences ont montré à quel point la situation était sensible et les problèmes profonds dans ces zones urbaines défavorisées. Un argument que la gauche n’a pas manqué d’utiliser pour discréditer la politique de Nicolas Sarkozy. Certaines déclarations du ministre, lors de déplacements dans les quartiers, ont aussi contribué à crisper ses relations avec les habitants des banlieues et à dégrader son image. Les mots de «racailles» et de «karcher» ont résonné comme des provocations et ont suscité de nombreuses protestations. A tel point que Nicolas Sarkozy n’a, pour le moment, organisé aucune visite de campagne en banlieue.
La politique de l’immigration «choisie» prônée par Nicolas Sarkozy, en vertu de laquelle la France doit pouvoir choisir le profil des immigrés qu’elle autorise à venir, a été un autre sujet de polémique. Le ministre de l’Intérieur a fait voter, en juin 2006, une loi qui durcit les conditions d’entrée et de séjour des étrangers sur le territoire français. Il a mis en place une politique de chasse systématique et de reconduite à la frontière des clandestins, elle aussi très largement critiquée. Les arrestations de parents sans-papiers d’enfants scolarisés en France, parfois même devant les écoles, ont provoqué l’émergence d’un mouvement de protestation mené par le Réseau éducation sans frontières (RESF) avec le soutien des partis de gauche. Cela n’a pas empêché Nicolas Sarkozy de faire de cette position ferme sur l’immigration l’un de ses thèmes de campagne.
Enfin «libre» !
Nicolas Sarkozy a par ailleurs développé la théorie de la «discrimination positive» pour donner la possibilité aux minorités d’être mieux représentées dans la société et à certains postes administratifs. Il a nommé, en vertu de ce principe, le premier préfet d’origine maghrébine, Aïssa Dermouche. C’est aussi Nicolas Sarkozy qui a créé le Conseil français du culte musulman (CFCM) dans lequel siègent des représentants de tous les grands courants de pensée de la communauté musulmane de France, qui ont la tâche de mieux gérer l’ensemble des questions liées à la pratique religieuse (construction des mosquées, fêtes, formation des imams…).
En choisissant de rester ministre de l’Intérieur jusqu’à aujourd’hui, Nicolas Sarkozy a pris le risque d’être jugé en grande partie sur son bilan. Il a justifié cette décision par la volonté d’assumer ses responsabilités vis-à-vis des Français le plus longtemps possible. Par sens du devoir. Ses adversaires l’ont, en revanche, accusé d’avoir profité au maximum de sa double casquette pour faire campagne aux frais de l’Etat. Même si c’est lui qui a choisi de garder son ministère aussi longtemps, Nicolas Sarkozy semble néanmoins soulagé d’avoir désormais cédé la place à François Baroin, puisqu’il a déclaré lors de la passation de pouvoir : «Me voilà libre, libre d’aller vers les Français».
Un petit remaniement ministériel
Le départ de Nicolas Sarkozy entraîne un remaniement du gouvernement. Le candidat de l’UMP est remplacé au ministère de l’Intérieur par François Baroin. Celui-ci laisse la charge du ministère de l’Outre-Mer au député UMP Hervé Mariton, un proche du Premier ministre Dominique de Villepin. Nicolas Sarkozy ne part pas seul, il emmène Xavier Bertrand avec lui. Ce dernier cède donc le ministère de la Santé à Philippe Bas, déjà ministre des Personnes âgées et de la Famille. Il va désormais se consacrer entièrement à sa tâche de porte-parole du candidat Sarkozy.
par Valérie Gas
Article publié le 26/03/2007 Dernière mise à jour le 26/03/2007 à 14:12 TU