Présidentielle 2007
Des émeutes et des candidats
(Photo : Reuters)
François Baroin n’aura pas eu le temps de s’installer dans les murs du ministère de l’Intérieur que le voilà déjà confronté à des heurts entre jeunes et policiers. Un contrôle de billet qui s’est mal déroulé -le fraudeur s’est énervé et a frappé quatre agents de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) qui ont fait appel à la police pour le maîtriser-, et voilà la gare du Nord transformée en terrain d’affrontements. Des jeunes ayant assisté à l’interpellation sont venus protester devant le local où il avait été placé. Au départ, ils étaient quelques dizaines. Par la suite, ils ont été jusqu’à deux à trois cents. Peu à peu, la tension est montée. Les jeunes ont envoyé des projectiles sur les forces de l’ordre et ont commencé à s’attaquer aux vitrines de magasins. Des renforts de police sont arrivés pour faire face. Notre envoyé spécial sur place, Raphaël Reynes, a noté que les forces de l’ordre ont fait preuve de beaucoup de retenue pour limiter les risques d’escalade.
La gare n’a pas été complètement fermée, seules quelques rames de RER et de métro ont reçu la consigne de ne plus s’arrêter dans cette station. Les jeunes se sont déplacés dans le dédale de couloirs des sous-sol de la gare et il a fallu attendre jusqu’à près de minuit pour que la situation soit totalement sous contrôle. Au final, 13 personnes, dont cinq mineurs, ont été interpellées et on a appris par le nouveau ministre de l’Intérieur, François Baroin, que le passager sans billet était un ressortissant congolais sans-papiers, déjà connu des services de police.
Sarkozy dans la polémique
Même si ces incidents sont restés limités, ils ont engendré de nombreuses réactions. La plupart d’entre elles ont insisté sur la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans l’instauration, en France, d’un climat de défiance vis-à-vis des policiers. Julien Dray, à la fois porte-parole du Parti socialiste et de sa candidate, a affirmé que les affrontements de la gare du Nord «illustrent le climat de tension, le fossé et la violence désormais installés entre la police et la population». Ségolène Royal a ensuite enfoncé le clou en mettant en cause la politique menée par le gouvernement sortant : «En cinq ans d’un gouvernement d’une droite qui avait fait de la sécurité son thème de campagne, on voit que c’est l’échec sur toute la ligne». Et elle a ajouté : «Les gens sont dressés les uns contre les autres. La police a parfois peur de se rendre dans certains quartiers ou de procéder à des contrôles. Et ça, ce n’est pas la République». Mais c’est le député Jean-Christophe Cambadélis qui est allé le plus loin dans la critique de l’ancien ministre de l’Intérieur. Il a dénoncé l’existence d’un «climat sarkozien fait de tensions, d’exactions, de violence verbale et de stigmatisations».
François Bayrou n’a pas été plus tendre, même s’il ne s’est pas attaqué frontalement à son adversaire pour la présidentielle. Le candidat centriste a dénoncé l’existence d’un climat dégradé en France : «C’est une société qui a des tensions extrêmement fortes, dans laquelle il y a des rancoeurs, (où) un certain nombre de catégories de jeunes et de moins jeunes ont le sentiment d’être en affrontement avec d’autres catégories, comme les policiers». Il affirme qu’il est «très important de sortir de ce climat d’affrontement perpétuel entre la police et une partie des citoyens».
Philippe Villiers a, quant à lui, analysé ces incidents avec sévérité mais en ne dénonçant pas les mêmes dérives des politiques menées en France. Selon le candidat du Mouvement pour la France (MPF), ce type de heurts est le résultat «de l’immigration incontrôlée». Il a aussi évoqué l’action de «bandes ethniques qui marquent leur territoire le portable à la main».
Climat ou pas climat ?
Face à ces mises en cause plus ou moins directes sur les conséquences de sa politique sécuritaire et d’immigration en tant que ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a contre-attaqué mercredi. Il a affirmé que les affrontements en question n’étaient pas dû à l’existence d’un «climat» en France mais au fait que «depuis des années, une idéologie post-soixante-huitarde a conduit à tolérer l’intolérable». A en croire le candidat de l’UMP, «c’est la pensée unique, pensée convenue, pensée qui ne représente en rien les Français, qui essaye de trouver des excuses à un comportement qui est particulièrement inacceptable». Et pour reprendre la main face à sa principale adversaire, il a même précisé : «Si Madame Royal veut régulariser tous les sans-papiers et si la gauche veut être du côté de ceux qui ne payent pas leur billet dans le train, c’est son droit. Ce n’est pas mon choix. Je suis du côté des victimes». Ministre ou candidat, Nicolas Sarkozy persiste et signe.
par Valérie Gas
Article publié le 28/03/2007 Dernière mise à jour le 28/03/2007 à 16:15 TU