Revue de presse des hebdomadaires du 1/4/2007

Alain Masson
(Photo RFI)

«Rébellion de l'Amérique Latine... Surgissement de la Chine... Retour de la Russie... Affaiblissement des Etats-Unis... Révolution et contre-révolution musulmanes... Paralysie de l'Europe...» : après cette énumération en couverture, l'hebdomadaire Marianne, qui célèbre son dixième anniversaire, déplore qu'«aucun candidat n'ose regarder cette réalité en face [...] Le chaos du monde» ne suscite que silence chez les concurrents. «Prudence et généralités : c'est la ligne adoptée par des présidentiables estimant qu'il y a plus de coups à prendre que de voix à gagner». Le Monde 2 s'entretient longuement avec une politologue qui sonne aussi «l'alarme», car «l'Iran vise explicitement l'hégémonie sur le Moyen-Orient et, au-delà, la subversion du système international né de la Seconde Guerre mondiale». Thérèse Delpech ajoute, à propos «de la bombe nucléaire» iranienne : «La dissuasion repose sur l'idée qu'il y a des dommages insupportables [...] (Mais) Si un pays fait du suicide un élément de sa culture, l'équilibre de la terreur n'a plus de sens». D'une théocratie l'autre.

Le Figaro Magazine annonce en exclusivité, avec l'image d'un garde suisse en costume bariolé, «les quatre vérités du Vatican». En signalant que le pape se rendra le mois prochain au Brésil, la diplomatie pontificale souligne ici «que le Saint-Siège soutient l'annulation de la dette des pays pauvres et s'associe aux efforts pour limiter la prolifération des armes».

Des armes auxquelles les maoïstes du Népal disent adieu, comme le raconte l'envoyée spéciale du Nouvel Observateur à Katmandou. Mais cette «conversion au jeu démocratique, dont la sincérité est discutée, n'a pas résolu tous les problèmes d'un pays qui a du mal à entrer dans le siècle». «Au Darfour, s'exclame dans L'Humanité Dimanche le docteur Braumann, il ne faut pas ajouter de la guerre à la guerre». L'ancien président de Médecins sans frontières souligne le danger et l'illusion que représenterait une intervention armée de la communauté internationale pour régler ce conflit. Pour lui, il s'agit plutôt d'«exercer des pressions diplomatiques sur le gouvernement soudanais via la Ligue arabe, l'Union africaine et le Conseil de sécurité de l'ONU [...] Menacer de sanctions financières les barons du régime». Et brandir aussi la menace de sanctions par la Cour pénale internationale.

L’appel de BHL aux électeurs

Dans son bloc-notes du Point, Bernard-Henri Levy diverge en conviant «tous les électeurs à prendre leur champion au collet et, une fois élu, au mot [...] Sur la question de ces crimes qui, si nous ne faisons rien, constitueront le premier génocide du nouveau siècle, il n'y a plus de place pour la querelle [...] Et il faut que l'Europe s'exprime d'une seule voix». Le même Point propose en couverture une plongée vers «les dessous de la campagne» de Nicolas Sarkozy. Annonçant même «sa botte secrète». Malheureusement, cette arme cachée n'est pas révélée à l'intérieur du magazine !

L'ex-ministre de l'Intérieur «devenu le favori de la course à l'Elysée» se confie à L'Express. Qui résume en deux verbes «son défi : comment se faire aimer» ! «A écouter Nicolas Sarkozy, pas de doute : le sursaut économique viendra de la fin du ‘matraquage fiscal’. Très souvent, ce discours s'appuie sur des idées reçues, en grande partie fausses». Et Témoignage Chrétien en dresse l'inventaire. Politis décortique aussi «l'idéologie Sarkozy [...] On le compare à Le Pen, à Poujade, au général Boulanger, à Berlusconi [...] Rien de tout cela n'est inexact [...] Mais c'est le rapprochement avec les néo-conservateurs américains qui semble (ici) le plus pertinent». «"Tout naturellement", comme dirait l'actuel tenant du titre, «Nicolas Sarkozy partage la vision du monde des proches de George Bush [...] La question palestinienne est un problème religieux. Et l'obstacle à la paix est le Hamas».

«Sarko et le troupeau»

Les Inrockuptibles titrent en couverture : «Comment Sarkozy manipule les médias». D'après cette enquête, «le candidat UMP sature le paysage médiatique [...] Jusqu'à l’écœurement». Il est prouvé ici qu'«en vingt mois, Le Point a consacré pas moins de dix une au ministre-candidat, contre quatre à Ségolène Royal». Est aussi rappelé «l'exemple d'Alain Genestar, viré de Paris-Match après sa couverture sur Cécilia». Ce qui, d'après Les Inrocks, «provoque une censure inconsciente chez les directeurs de rédaction». A ne pas manquer non plus ici, une photo amusante dudit candidat, entouré d'une horde journalistique avec micros, caméras et calepins. La scène se passe en décembre dernier, en baie de Somme, dans le nord de la France ; et en arrière-plan, des moutons broutent la prairie. D'où ce titre : «Sarko et le troupeau». Cependant, l'ancien maire de Neuilly reçoit aujourd'hui, via Le Journal du Dimanche, le ralliement du seul ministre de l'UDF, redevenu maire d'Amiens. Concernant son compagnon Bayrou (dont il fut en 2002 le directeur de campagne), Gilles de Robien affirme : «Cela fait deux ans que je lui pose inlassablement ces mêmes questions : est-il à gauche ou à droite ? Avec qui compte-t-il gouverner s'il est élu ? Je n'ai jamais obtenu de réponses autre que : ‘On verra le moment venu’». Selon le patron de l'Education nationale, «on n'a pas le droit de laisser les électeurs dans l'ambiguïté. La confiance, ça ne se marchande pas».

Toujours en couverture, VSD a choisi un «duel de dames : Cécilia Sarkozy et Babette Bayrou», que «tout sépare». Alors que Challenges confronte Ségolène Royal et les patrons qu ‘elle invite à «sortir de l'idéologie punitive du profit», Femme Actuelle et Gala ont rencontré le challenger Bayrou et Madame. Gala nous apprenant que «chaque 15 août […] le petit Béarnais devenu grand [fait] pèlerinage à Lourdes». Le Pèlerin interroge Jean-Marie Le Pen qui affirme sans nuance : «La France n'a pas de pays frère et il n'y a de solidarité que nationale». La Vie se demande «qui vont choisir les jeunes ?». «Toujours motivés, mais indécis», ces moins de 24 ans représentent désormais «un électeur sur huit». Et «les deux-tiers se disent déçus» par la campagne ! Enfin, Paris-Match recense «les huit petits candidats [qui] rament dans [cette] campagne». Villiers veut «lester le navire de la droite» ; Buffet ne pense qu'«à la gauche» ; Besancenot défend «une nouvelle génération» et Nihous «la ruralité». Quant au travailliste Schivardi, il prône «la rupture avec l'Europe» ! Et puis, à signaler en ce premier jour d'avril, la parution du Monde Diplomatique, qui soulève notamment cette question récurrente : «A-t-on le droit de tout dire ?»

par Alain  Masson

[01/04/2007]