Présidentielle 2007
Le Pen attend
(Photo: AFP)
Jean-Marie Le Pen aime les métaphores. Dans l’interview publiée le 5 avril par le quotidien Le Monde, il parle ainsi d’un «phénomène tsunamique de rejet du système qui fait qu’à gauche comme à droite des gens se disent, cette fois-ci ras-le-bol, je voterai Le Pen». Une manière de se présenter, non pas comme l’éventuel troisième homme, mais plutôt comme celui derrière lequel ses adversaires «essaient de courir».
Il est vrai que le retour du thème de la sécurité dans la campagne électorale, il y a quelques jours, à l’occasion d’affrontements entre jeunes et police à la gare du Nord, a contribué à le conforter dans cette conviction. La réaction du candidat du Front national au cours de la polémique qui a suivi ces incidents provoqués par l’interpellation d’un fraudeur, est d’ailleurs significative. Jean-Marie Le Pen n’a pas surenchéri, il a simplement dressé un constat à sa manière : «Cela démontre qu’il y a une situation instable dans les agglomérations françaises dont la cause première est l’immigration de masse et tous les problèmes qui s’y rapportent».
Son «sac de billes»
Ces derniers temps, l’actualité a, il est vrai, beaucoup servi le candidat d’extrême-droite. La polémique engagée à la suite de la proposition de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale est tombée à point pour lui donner l’occasion de rebondir sur son thème favori, sur le mode : «venez à moi les petits votants». Il a commenté les empoignades de ses principaux adversaires autour de l’identité nationale avec ironie : «Les billes que mes principaux concurrents ont prises dans mon sac, je vais les récupérer, je le sais. Et mon sac sera plus gros». Le point de vue de Jean-Marie Le Pen est simple. Il a réussi à imposer au fil des années les thèmes de l’immigration et de l’insécurité dans le débat politique. Cela ne peut que lui profiter lors du scrutin puisqu’il est le seul à prescrire un traitement de choc : «l’immigration zéro».
Que les sondages le placent en quatrième position des intentions de vote, le candidat du Front national n’en a cure. Il affirme au Monde que les sondeurs sont «des incompétents et des escrocs qui vendent une camelote qui n’existe pas» et qu’ils font «acte d’hostilité» à son égard. Voilà un autre fonds de commerce de Jean-Marie Le Pen : la dénonciation du complot politico-médiatique contre lui. Cet argument lui permet de ranger François Bayrou, le candidat centriste qui le concurrence directement, au rayon des dangers négligeables. Il affirme qu’«il va se dégonfler comme une baudruche. Comme M. Chevènement en 2002. On l’a maintenu à bout de bras pour empêcher que Le Pen soit le troisième homme».
Jean-Marie Le Pen est d’autant moins inquiet qu’il pronostique aussi l’effondrement de la socialiste Ségolène Royal, qu’il avait pourtant été l’un des premiers à voir en candidate du PS pour 2007. Elle aussi serait, de son point de vue, une créature des sondages. Il affirme pour justifier son verdict : «Elle n’est pas du tout à la hauteur du rôle».
Une cible : la banlieue
C’est peut-être cette sérénité qui explique que le candidat du Front national ne mène pas une campagne de terrain comme François Bayrou, Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy qui sont chaque jour dans une ville différente pour rencontrer les Français et participer à des meetings. Jean-Marie Le Pen se déplace peu. Son agenda est avant tout rempli de rendez-vous médiatiques : émissions de télévision, de radio (il a été l’invité de RFI le 26 mars), interviews dans la presse. C’est souvent à sa fille Marine, vice-présidente du FN et directrice de campagne, qu’il laisse le soin de battre le pavé et d’aller à la pêche aux électeurs.
Elle s’est, par exemple, rendue en banlieue, à Aulnay-sous-Bois, le 5 avril. Une visite significative car les banlieues représentent l’un des terrains sur lesquels le Front national espère récupérer des voix. Jean-Marie Le Pen estime qu’il pourrait réaliser de bons scores dans ces quartiers. Car les habitants qui y vivent sont les premiers à souffrir de l’insécurité et en rendent responsables les dirigeants de droite comme de gauche qui se sont succédé au pouvoir. Pas étonnant alors qu’il ait décidé de réserver «aux territoires abandonnés par les politiciens français» l’une de ses rares visite de terrain, annoncée pour le 6 avril.
par Valérie Gas
Article publié le 05/04/2007 Dernière mise à jour le 05/04/2007 à 14:03 TU