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Présidentielle 2007

Le contrat qui fâche

C'est au cours d'un déplacement dans le centre de la France, il y a une semaine, que Ségolène Royal a présenté son projet de contrat première chance. 

		(Photo : AFP)
C'est au cours d'un déplacement dans le centre de la France, il y a une semaine, que Ségolène Royal a présenté son projet de contrat première chance.
(Photo : AFP)
La proposition de Ségolène Royal de créer un contrat spécifique, financé par les collectivités locales, pour faciliter l’embauche des jeunes sans qualification chez les artisans et commerçants, a suscité, depuis la semaine dernière, de nombreuses critiques. Notamment de la part de la gauche. Après la crise provoquée en 2006 par la tentative du Premier ministre Dominique de Villepin de faire adopter un contrat destiné aux moins de 26 ans, ce n’était pas forcément une bonne idée de se placer sur un terrain aussi glissant.

Contrat première… chance. L’intitulé du nouveau contrat proposé par Ségolène Royal ressemble à un mot près à celui du CPE (contrat première embauche) de Dominique de Villepin. Et cela n’a visiblement échappé à personne. Est-ce simplement la dénomination qui dérange ? Le socialiste Dominique Strauss-Kahn, qui a défendu l’initiative de Ségolène Royal, a convenu que «la terminologie n’était pas obligatoirement la meilleure, un an après le combat de la gauche contre le CPE».

Mais il n’y a pas que le poids des mots, il y a aussi le choc des idées. En l’occurrence, celle de créer des conditions d’embauche différentes du régime général pour certaines catégories de travailleurs. Une proposition qui a été à l’origine de l’opposition farouche des jeunes au CPE, qui visait à inciter les employeurs à les salarier en échange de la possibilité de les licencier sans justification pendant une durée d’essai étendue à deux ans.

Les jeunes veulent être des salariés comme les autres

C’est donc d’abord parce le contrat première chance (CPC) de Ségolène Royal procède de la même logique qu’il a été critiqué. Les jeunes ne veulent pas d’un contrat de deuxième catégorie qui en ferait des salariés au rabais. Bruno Julliard, le président du syndicat étudiant Unef, qui avait été le leader du mouvement anti-CPE, a été très clair : «Une des revendications portées l’année dernière était le refus d’un contrat spécifique pour les jeunes, ce contrat de travail doit être un contrat de droit commun, un CDI [contrat à durée indéterminée], pour lequel les jeunes effectuent une période d’essai très courte». Même son de cloche du côté d’Olivier Besancenot, avec en plus une mise en garde : «Je suis radicalement hostile à un CPE new look… Nul doute que toute tentative d’imposer un nouveau contrat jeune trouvera sur son chemin une nouvelle mobilisation de la jeunesse à laquelle je participerai activement».

D’autres critiques ont porté sur le risque d’«effet d’aubaine» pour les patrons qui pourraient être tentés d’utiliser ce contrat pour faire travailler un jeune sans le payer -puisque pendant un an, son salaire et les charges sociales sont financés par des fonds publics-, mais aussi sans réelle intention de l’embaucher au bout du compte. José Bové, le candidat des collectifs anti-libéraux, s’est ainsi interrogé sur un système qui «assure des employés gratuits pour le patronat» et qui «constitue le parfait échappatoire pour éviter les embauches en CDI». Pour Marie-George Buffet, au-delà des inconvénients déjà cités, ce dispositif ne résout pas le problème du chômage des jeunes car, comme les autres contrats aidés, il pose une question : «Et après, qu’est-ce qui va se passer ?» La candidate communiste insiste aussi sur le mode de financement du CPC «sur des fonds régionaux, c’est-à-dire sur l’imposition». Ce qui, selon elle, revient à faire payer «par les populations les salaires de leurs enfants».

Face à ces réactions globalement hostiles, l’équipe de Ségolène Royal a été obligée de riposter et de préciser. Le CPC a été présenté comme une «convention de parcours» entre une entreprise, un jeune et une région, qui a vocation à s’appuyer sur d’autres contrats aidés déjà existants. Son déroulement serait découpé en deux phases. Il y aurait d’abord une évaluation de trois mois avec un tutorat d’accompagnement, à l'issue de laquelle le jeune serait soit embauché, soit orienté vers un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

«Une improvisation permanente»

Mais au-delà des précisions techniques, Ségolène Royal a surtout justifié sa démarche : «On va regarder ce que cela donne mais si on n’essaie rien, on ne risque pas de réussir dans la bataille contre le chômage». Et elle a manifesté son intention de rester ferme sur sa position : «C’est une bataille principale et cette bataille je la gagnerai en essayant tout ce qui marche et je ne me laisserai intimider par aucune des mises en cause qui sont faites sans connaître le fond des choses… Personne ne me détournera de ce chemin».

La présentation par étapes de ce dispositif et les aménagements apportés au fur et à mesure ont été immédiatement dénoncés par la droite. Xavier Bertrand, le porte-parole de Nicolas Sakozy, a profité de ces hésitations sur le contrat première chance pour déclarer : «Elle a reculé devant la gauche et l’extrême-gauche, mais ce triptyque permanent de Ségolène Royal -annonce, démenti, cacophonie- montre bien qu’il y a une improvisation permanente et une impréparation de la campagne de Ségolène Royal». Décidément, il n’est pas facile de trouver un contrat qui plaise aux jeunes.

par Valérie  Gas

Article publié le 06/04/2007 Dernière mise à jour le 06/04/2007 à 16:01 TU

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