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Présidentielle 2007

Faut-il croire les sondages ?

Essayer de déterminer des tendances, de suivre les évolutions de l’opinion, c’est à cela que servent les enquêtes en période électorale. 

		(Photo : AFP)
Essayer de déterminer des tendances, de suivre les évolutions de l’opinion, c’est à cela que servent les enquêtes en période électorale.
(Photo : AFP)
Les candidats les attendent et les critiquent. Les Français les consultent et s’en méfient. Les journalistes les publient et les commentent. Les sondeurs les fabriquent et les défendent. Qui sont-ils ? Les sondages, bien évidemment. Les enquêtes d’opinion sont devenues l’un des baromètres des campagnes électorales. En 2007, malgré la polémique sur leur crédibilité, il y a toujours plus de sondages sur les intentions de vote.

Si les sondages n’existaient pas… il faudrait s’en passer. Et certains commentateurs de la vie politique ne sont pas loin de penser que cela serait peut-être mieux. Car les enquêtes sur les intentions de vote ont un peu trop tendance à être prises pour argent comptant, c’est-à-dire pour des pronostics exacts. Ce qu’elles ne sont pas. Tous les responsables des instituts qui les réalisent le rappellent à chaque occasion. Brice Teinturier, directeur général adjoint de TNS-Sofres, a d’ailleurs expliqué lors de son passage sur l’antenne de RFI, le 10 avril, que les sondages offrent avant tout «un matériau extraordinaire pour comprendre ce que pensent les français». Essayer de déterminer des tendances, de suivre les évolutions de l’opinion, c’est à cela que servent les enquêtes en période électorale. Il ne s’agit pas de donner le résultat de l’élection avant le jour dit.

Car qui dit sondage dit marge d’erreur, une fluctuation que l’on évalue aux alentours de 3%. Ce qui signifie que lorsque l’on annonce un duel à 51% contre 49%, ou même 52%-48%,  rien ne permet de savoir si le candidat donné premier sera finalement celui qui remportera la victoire. En d’autres termes, quand les sondages donnent Nicolas Sarkozy vainqueur devant Ségolène Royal, dans l’hypothèse d’un second tour de la présidentielle où le candidat de l’UMP et la candidate socialiste se retrouveraient, il est en fait impossible d’affirmer que ce n’est pas l’inverse qui se produira.

Le souvenir de 2002

La constitution des échantillons de populations sur lesquels sont effectués les sondages peut expliquer certaines fluctuations. Il est, par exemple, difficile d’y représenter significativement les jeunes qui sont peu joignables sur les téléphones fixes. Il ne faut pas oublier non plus que ce ne sont pas les données brutes recueillies auprès des sondés mais des résultats «redressés» qui sont rendus publics. Cela signifie que les responsables des instituts rééquilibrent les rapports de forces entre les différents candidats en fonction de certains critères. Il y a donc une part d’interprétation. Les sondeurs savent, par expérience, que les intentions de vote en faveur du Front national sont sous-évaluées, car les sondés avouent difficilement voter pour ce parti d’extrême-droite. Le résultat du premier tour de la présidentielle de 2002 a d’ailleurs illustré de manière flagrante cette situation, lorsque le candidat de cette formation, Jean-Marie Le Pen, s’est qualifié pour le second tour en passant devant celui du Parti socialiste, Lionel Jospin.

Ce «séisme» dans la vie politique française a d’ailleurs été à l’origine d’une virulente attaque sur les sondages organisée autour du thème : à quoi servent-ils s’ils ne sont pas capables de pointer une aussi forte progression d’un candidat ? Ce à quoi les sondeurs ont répondu qu’ils avaient noté dans les derniers jours une hausse des intentions de vote en faveur de Jean-Marie Le Pen et une baisse concomitante de celles en faveur de Lionel Jospin. Autrement dit, qu’ils avaient identifié un possible inversement de tendance. Pour autant, aucun institut n’avait pris le risque de placer Lionel Jospin en troisième homme. On peut se demander alors si c’est en raison des méthodes de redressement et si la publication des données brutes auraient permis de sentir l’évolution, ou s’il y a eu minimisation du phénomène en cours ?

L’épisode de 2002 n’est pas unique en son genre. On se souvient, par exemple, qu’en 1995, Edouard Balladur a été présenté pendant des mois par les sondages comme le candidat de droite le mieux placé pour remporter la présidentielle, mais qu’au final c’est Jacques Chirac qui a été élu. Faut-il en tirer la conclusion qu’il y a une part de manipulation dans les sondages, que les méthodes ne sont pas fiables et, peut-être, qu’il n’est pas sain d’en faire un élément aussi déterminant dans les campagnes électorales ?

De plus en plus de sondages, malgré tout…

Toutes ces questions ont été posées mais il semble qu’en 2007, le débat a été tranché plutôt en faveur des sondages. Selon le décompte de la Commission des sondages, à quinze jours du premier tour, 250 enquêtes ont déjà été publiées, alors qu’en 2002, on n’en avait réalisées «que» 193 pour la présidentielle. Toujours plus de sondages, mais aussi des sondages de plus en plus précoces. Ils ont, en effet, certainement pesé cette fois-ci sur le processus d’investiture, notamment au Parti socialiste. La candidature de Ségolène Royal a vraisemblablement profité des enquêtes qui ont mis en évidence sa cote de popularité dans l’année précédant la désignation. De même, ils ont certainement participé à renforcer la position de son adversaire de l’UMP, Nicolas Sarkozy, dans son camp. Leur duel a, en fait, été envisagé avant même qu’ils soient officiellement désignés.

Les sondages réalisés par les 6 principaux instituts ont, jusqu’ici, placé la plupart du temps Nicolas Sarkozy en tête des intentions de vote pour le premier tour, avec Ségolène Royal souvent juste derrière, parfois à égalité, de rares fois devant. Mais ils ont aussi révélé une progression fulgurante de François Bayrou, qui est venu ravir la position d’outsider à Jean-Marie Le Pen. Ils ont, par ailleurs, mis en évidence la difficulté des «petits» candidats à prendre place dans la campagne et à décoller. Mais surtout, les enquêtes ont insisté sur la plus grande «volatilité» de l’électorat. Jamais le nombre d’indécis ne semble avoir été aussi important que cette année. Une manière, peut-être, de rappeler que tout est possible jusqu’au dernier moment car les sondages ne font pas l’élection.



par Valérie  Gas

Article publié le 10/04/2007 Dernière mise à jour le 10/04/2007 à 15:04 TU

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