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France

Raymond Barre est mort

Raymond Barre avait aussi défrayé la chronique en disant des Corses : «&nbsp;<em>s'ils veulent leur indépendance, qu'ils la prennent !&nbsp;»</em> 

		(Photo : Reuters )
Raymond Barre avait aussi défrayé la chronique en disant des Corses : « s'ils veulent leur indépendance, qu'ils la prennent ! »
(Photo : Reuters )
L'ancien Premier ministre centriste français est décédé cette nuit à l'hôpital du Val de Grâce à Paris, où il était hospitalisé depuis avril pour des problèmes cardiaques. Il avait 83 ans. L'économiste avait été Premier ministre de 1976 à 1981, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. « La France vient de perdre un de ses meilleurs serviteurs », vient de déclarer celui-ci. L'indépendance d'esprit et le franc-parler de Raymond Barre ont marqué la vie politique française depuis trente ans. Retiré de la vie politique active depuis juin 2002, il a été le premier chef de gouvernement de la Ve République à prôner « la rigueur ».

Les Français le découvrent en janvier 1976, en qualité de ministre du Commerce extérieur. Le 29 août de la même année, le président de la République Valéry Giscard d’Estaing, qui tient Raymond Barre pour «le meilleur économiste de France», le nomme Premier ministre, après la démission du gouvernement de Jacques Chirac. Il le restera jusqu’au 13 mai 1981. François Mitterrand, bien que d’un autre bord politique, lui rendra hommage en le qualifiant de «véritable homme d’Etat». Pour beaucoup il restera «un homme carré dans un corps rond». Patelin, l’homme au physique replet et à la voix de fausset faisait les délices des photographes qui l’ont surpris, à maintes reprises, assoupi sur les bancs de l’Assemblée nationale, tel un Raminagrobis, capable de sortir les griffes, le moment venu.

Raymond Barre est né le 12 avril 1924 à Saint-Denis de La Réunion. A l’exception de quelques mois à Paris en 1934, il passe son enfance sur son île natale. Sa scolarité se déroule au lycée Leconte de Lisle. Il fréquente la même classe que le futur avocat Jacques Vergès. Il entre à l’Ecole de droit de La Réunion. Mobilisé à l’âge de vingt ans, il renonce à ses études de Médecine à Montpellier. En 1945, il rejoint son régiment d’artillerie à Madagascar, d’où il doit s’embarquer pour l’Indochine. Faute de navires de transports nécessaires que les Américains et les Britanniques ne peuvent fournir avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il est démobilisé. Il prend le bateau pour Paris le 15 janvier 1946.

Professeur émérite

Jusqu’en 1950, Raymond Barre réside à la cité internationale universitaire. Il quitte l’enseignement supérieur avec une agrégation de droit et de sciences économiques et un diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris.

Avant de prendre ses fonctions de professeur à la faculté de droit et de sciences économiques de Caen, il effectue pendant quatre ans des missions à l’Institut des hautes études de Tunis.

En 1959, il publie un Traité d’économie politique. Ouvrage de référence pour des générations d’étudiants, il a été réédité plusieurs fois depuis et traduit en espagnol, portugais, russe et arabe. D’autres livres suivront.

Européen convaincu

En 1959, Raymond Barre entre en politique comme directeur de cabinet auprès de Jean-Marcel Jeanneney, alors ministre de l’Industrie et du Commerce du général de Gaulle. Il y restera trois ans.

En 1967, le général de Gaulle le nomme vice-président de la Commission européenne de Bruxelles. Chargé des Affaires économiques et financières, il occupera ce poste jusqu’en 1972.

De 1976 à 1978, parallèlement à ses fonctions de Premier ministre, Raymond Barre exerce celles de ministre de l’Economie et des Finances, alors qu’il n’a pas encore de mandat électif. Confronté à la hausse du chômage et de l’inflation relevant de la crise économique mondiale, il mène une politique d’austérité économique que les experts qualifient «de rigueur».

En mars 1978, il est élu député de la 4e circonscription du Rhône à l’Assemblée nationale et le restera jusqu’en 2002, date à laquelle il se retire de la vie politique active. Politiquement classé au centre droit et proche de l’UDF (Union pour la démocratie française, fondée en 1978),  Raymond Barre est probablement un des rares hommes politiques français à avoir occupé d’aussi hautes fonctions au sein de l’Etat sans jamais avoir été membre d’un parti.

Il fut maire de Lyon de 1995 à 2001. Candidat malheureux à l’élection présidentielle de 1988, il obtient 16,53% des suffrages, derrière François Mitterrand et Jacques Chirac.

Dérapages

Sa dernière intervention, en mars dernier, viendra ternir une image plutôt bonne. Dans une interview diffusée le 1er mars sur la chaîne de radio publique France Culture, Raymond Barre dérape. Prenant la défense de son ancien ministre du Budget, Maurice Papon, décédé le 17 février 2007, il qualifie l’ancien haut responsable français de Vichy, condamné en 1998 pour complicité de crime contre l’humanité, de « grand commis de l’Etat ». On est alors bien loin de Barzi, l’ours en peluche un peu endormi du Bêbête Show.

Fustigeant un «lobby juif de gauche», dont il estime faire l’objet d’attaques depuis les année 80, l’ancien Premier ministre revient dans la même interview sur les déclarations qu’il avait tenues le 3 octobre 1980, et qui avaient choqué l’opinion après l’attentat antisémite contre la synagogue parisienne de la rue Copernic, qui avait fait 4 morts et 20 blessés (il avait alors déploré « cet attentat odieux qui voulait frapper les Juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ». ).

Mais en voulant expliciter ses propos, il choque encore plus : «C’était des Français qui circulaient dans la rue et qui se trouvent fauchés parce qu’on veut faire sauter une synagogue. Alors ceux qui voulaient s’en prendre aux juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs et non trois Français non juifs, c’est une réalité. Cela ne veut pas dire que les Juifs, eux, ne sont pas Français». Toute la classe politique française est indignée.

Marié à Eva Hagedüs, d’origine hongroise, Raymond Barre a eu deux fils, Olivier et Nicolas. 

Il était Officier de la Légion d’honneur et Grand’Croix de l’Ordre national du Mérite.

Portrait d'un Premier ministre en économiste

Par Francine Quentin, du service Economie de RFI

«Raymond Barre a laissé le souvenir d'une politique d'austérité économique et sociale. L'opposition socialiste l'avait surnommé le «père la rigueur». La tâche qui lui incombe en 1976 est claire : s'attaquer à l'inflation à deux chiffres, au chomage croissant et à la chute du franc. »



par Françoise  Dentinger

Article publié le 25/08/2007 Dernière mise à jour le 25/08/2007 à 03:08 TU

Audio

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«Grâce à Barre, le retournement vers des logiques plus monétaristes ont été un peu plus précoces en Belgique qu'en France.»

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réagit sur la mort de Raymond Barre sur Europe 1

«Sa principale caractéristique était la simplicité.»

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«Raymond Barre a été un grand européen : son esprit visionnaire l'a conduit à élaborer en 1969 un plan de coordination des politiques économiques et de soutien monétaire qui préfigurait l'Union économique et monétaire.»

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[25/08/2007]