Présidentielle 2007
La proportionnelle resurgit
(Photo : AFP)
Nicolas Sarkozy ne se cache pas de vouloir ramener dans son giron les électeurs tentés par le vote en faveur de Jean-Marie Le Pen. Interrogé sur ce point chaque fois qu’il accorde une interview, il le dit et le redit inlassablement. Dans un entretien publié dans le quotidien Libération du 13 avril, il maintient sa position : «Au nom de quoi récupérer les électeurs du FN, c’est mal ?» Selon lui, le vote en faveur du Front national est significatif d’une «désespérance» de certains Français auxquels il espère faire comprendre que voter Le Pen est «inutile». C’est pour cette raison qu’il s’est depuis longtemps positionné sur les thèmes chers à son adversaire d’extrême droite comme la sécurité, la nation et l’immigration.
Dans ce contexte, et à quelques jours du premier tour, l’appel du pied de Brice Hortefeux a tout de suite suscité la suspicion. En tout cas, de la part de ses adversaires à la présidentielle. François Bayrou a été parmi les plus prompts à réagir, en déclarant : «Il est possible que se greffent des intentions mystérieuses ou des clins d’yeux dont toute la presse parle». Le candidat centriste a aussi saisi l’occasion de rappeler que, selon lui, les déclarations de Brice Hortefeux ne sont qu’un «signe» parmi d’autres : «Le plus important, ce sont les dérapages contrôlés et multipliés que Nicolas Sarkozy fait en direction du Front national». Ségolène Royal a, quant à elle, estimé que Nicolas Sarkozy pratiquait le double langage citant Jaurès dans ses discours pendant que Brice Hortefeux «commence à négocier en douce avec le Front national». Dominique Voynet, la candidate écologiste, a parlé de «connivences appuyées» entre l’UMP et le Front national.
Pas au programme
Face à cette nouvelle polémique, plusieurs membres de l’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy sont intervenus pour préciser que les déclarations de Brice Hortefeux n’engageaient que lui et ne devaient être prises que pour ce qu’elles étaient selon le ministre délégué aux Collectivités territoriales lui-même, à savoir des pistes de «réflexion». Les porte-parole de Nicolas Sarkozy, Xavier Bertrand et Rachida Dati, ont publié un communiqué allant dans ce sens. Et Jean-Pierre Raffarin a affirmé : «Cette réforme ne fait pas partie du programme électoral de l’UMP».
Jusqu’à présent, Nicolas Sarkozy ne s’est, en effet, jamais prononcé en faveur de l’introduction d’une part de proportionnelle pour l’élection des députés. A peine a-t-il envisagé d’y réfléchir concernant celle des sénateurs. Il est d’ailleurs quasiment le seul candidat sur cette ligne. Ses principaux adversaires, comme Ségolène Royal et François Bayrou, sont pour leur part favorables à cette évolution du mode de scrutin pour la désignation de l’ensemble des parlementaires. Une telle modification ne bénéficierait d’ailleurs pas uniquement au Front national. Elle serait tout aussi profitable à l’UDF, aux Verts ou aux partis d’extrême gauche.
Une carotte pour les électeurs ?
C’est donc bien parce que ce sujet est évoqué à un moment clef de la campagne que les réactions sont aussi vives, et non pas à cause des risques éventuels liés à l’introduction d’une part de proportionnelle dans le scrutin législatif. Il est vrai que ces derniers jours, les échanges verbaux de Jean-Marie Le Pen et Nicolas Sarkozy ont attiré l’attention sur le positionnement de ces deux candidats l’un par rapport à l’autre. Le candidat du Front national a attaqué à plusieurs reprises celui de l’UMP, notamment sur ses origines hongroises. Ce qui lui a valu quelques réponses plutôt ironiques de Nicolas Sarkozy, soucieux de ne pas se laisser entraîner dans un affrontement en terrain glissant.
Même si Jean-Marie Le Pen a fait de son adversaire de l’UMP sa cible numéro un, il a tout de même pris soin de laisser la porte ouverte à la discussion. A l’entendre, Nicolas Sarkozy, contrairement à Jacques Chirac, est quelqu’un à qui «on peut parler». Il a même affirmé qu’il n’écartait pas l’hypothèse de s’entretenir avec lui entre les deux tours. Sans répondre tout à fait sur la question d’éventuelles négociations, Nicolas Sarkozy a donné une indication des dispositions dans lesquelles il se trouvait face à ce genre de proposition. Il affirmé au Figaro Magazine, qu’il était «exclu» que des membres du Front national puissent entrer dans son gouvernement, s’il était élu. Se parler alors pour négocier quoi ? Un accord de désistement pour les législatives 2007 ? Il paraît peu probable que Jean-Marie Le Pen se contente d’une promesse de proportionnelle à dose homéopathique qui prendrait effet dans plusieurs années et ne laisserait à son parti que ce qu’il a nommé lui-même des «miettes» du gâteau parlementaire. Qu’en penseront les électeurs dont le vote balance entre les deux candidats ? C’est bien cette question, et seulement celle-là, qui se pose. Car pour le moment il n’y a qu’un seul enjeu : le premier tour de la présidentielle.
par Valérie Gas
Article publié le 13/04/2007 Dernière mise à jour le 13/04/2007 à 14:58 TU