Présidentielle 2007
Le Pen : retour vers la patrie
A Paris, pour l’avant-dernier meeting de sa campagne, Jean-Marie Le Pen a, pendant près d’une heure trente, alterné l’ode à la patrie et la dénonciation du système, l’hymne à la Nation et la thématique du déclin. Le candidat du Front national a aussi attaqué les sondages qui en ont fait le «quatrième homme» de la présidentielle et ses principaux adversaires -Bayrou, Royal, Sarkozy- «les pieds nickelés». Du Jean-Marie Le Pen pure souche, sur fond bleu, blanc, rouge et devant un public agitant des bannières tricolores.
(Photo : Reuters)
Chansonnier un instant, lyrique la minute d’après : Jean-Marie Le Pen est sans conteste maître dans l’art du discours de campagne. Mais il faut bien le reconnaître, à l’applaudimètre c’est le chansonnier qui remporte la palme. A Paris, au Palais des Sports, chaque pique contre ses adversaires politiques a provoqué des applaudissements à tout rompre. Avec, tout de même, une petite pincée d’enthousiasme en plus lorsque la cible est Nicolas Sarkozy. François Bayrou et Ségolène Royal ont bien eu droit à quelques attaques ironiques, mais vite expédiées, presque pour la forme.
Jean-Marie Le Pen qui avait déjà beaucoup critiqué le candidat de l’UMP, ces derniers jours, a donc enfoncé le clou, pour la plus grande joie des militants venus assister à son meeting parisien. Le dirigeant du Front national a asséné à son adversaire : «Vous n’avez pas perçu la formidable colère des Français, pillés, ruinés, désespérés contre la racaille politicienne dont vous êtes un des chefs et un des emblèmes».
«Nationalité sarkozienne»
Candidat du système dénoncé par Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy est aussi plus que jamais un candidat trop fraîchement français pour le leader du Front national, qui a donc de nouveau évoqué ses origines : «Bien avant que vos parents ne viennent de Hongrie et de Grèce, il y a toujours eu, au sein du peuple français, un courant national plus préoccupé de l’avenir et de l’intérêt du pays que de la personne des dirigeants (…) Le sang français que vous méprisez, il a coulé beaucoup pour défendre la liberté et l’indépendance de la France». Et de conclure : «Vous n’avez qu’une nationalité : la nationalité sarkozienne».
Présenter Nicolas Sarkozy comme indigne de la fonction présidentielle, c’est une manière de dire qu’il n’y a qu’un seul candidat capable d’incarner la Nation : lui, Jean-Marie Le Pen. Car «la France, ce n’est pas seulement un présent et un avenir, c’est aussi un passé». Et à entendre le discours du candidat du Front national, on pourrait même penser que c’est avant tout un passé. Tout son argumentaire tourne autour du déclin d’une nation sacrifiée sur l’autel des intérêts électoraux de dirigeants politiques peu scrupuleux qu’ils soient de droite ou de gauche, des dirigeants qu’il nomme «les princes qui nous gouvernent».
Tout commence il y a un peu plus de trente ans quand Valéry Giscard d’Estaing arrive au pouvoir : «Depuis 1974 en effet, la France a connu un processus continu de déclin dont nos compatriotes subissent désormais les effets dramatiques, chaque jour que Dieu fait». Immigration, dette, délinquance, justice, éducation, chômage, retraite, assurance maladie, fiscalité… plus rien ne va. Et surtout, les chiffres annoncés par les gouvernements ne correspondent pas à la réalité. A en croire Jean-Marie Le Pen, l’endettement n’est pas de 1 200 milliards d’euros mais de 2 500 milliards d’euros. Il n’y a pas deux millions de chômeurs en France, mais cinq. Et il affirme que c’est «l’immigrationnisme» pratiqué par les gouvernements successifs, qui a permis à «dix millions» d’immigrés d’entrer en France depuis 30 ans, qui en est responsable.
Immigration zéro et préférence nationale
De l’immigration et du chômage à la délinquance, il n’y a qu’un pas. Jean-Marie Le Pen le franchit allégrement. Il affirme qu’il n’y a pas 3,7 millions de crimes et délits en France «comme l’affirme le ministre de l’Intérieur», mais 12,4 millions. Pour toutes ces raisons, auxquelles s’ajoute l’asservissement à l’Europe qu’il dénonce vigoureusement, la France décrite par Jean-Marie Le Pen est menacée de «disparition pure et simple en tant que nation historique, en tant que peuple libre et en tant que société prospère».
Pour remédier à cette situation, le candidat du Front national prend des engagements : revenir sur «le marché de dupes» de la construction européenne, réaliser «l’immigration zéro», mettre en œuvre «la préférence nationale» et «la fermeté judiciaire», baisser les impôts, «rétablir les principes fondamentaux de l’école», «instituer le mode de scrutin proportionnel à toutes les élections»… C’est sur ce programme que Jean-Marie Le Pen demande aux Français de faire un «choix» et pas en fonction des résultats des sondages qui le placent en quatrième position dans la course à la présidentielle. Des sondages qui participent, selon lui, avec les médias à faire tourner le débat à «l’escroquerie», à la «supercherie».
Jean-Marie Le Pen n’a pas déçu son public au Palais des Sports de Paris. Il a décliné toutes les thématiques attendues avec un incontestable talent d’orateur. Aussi acide qu’efficace, son discours a été pugnace et a remporté le succès escompté. Chaque bon mot, chaque envolée lyrique, chaque formule ironique a reçu sa salve d’applaudissements, ses cris d’enthousiasme, ou ses huées de circonstances. Jean-Marie Le Pen s’est offert comme à son habitude quelques improvisations. Il a, par exemple, quitté le pupitre et s’est rapproché du public le temps de déclamer sans notes un poème de Charles d’Orléans, provoquant là encore des acclamations.
La Marseillaise et les drapeaux
Il est vrai que la salle était aussi conquise que remplie. L’arrivée du candidat a été préparée grâce à une mise en scène un peu désuète, avec musique et clip de campagne en avant-première. Martial Bild, le délégué général chargé de la propagande du Front national et Marine Le Pen, directrice stratégique de la campagne de son père, sont ensuite intervenus pour faire languir un peu plus les participants dans l’attente de Jean-Marie Le Pen, que l’on a vu arriver sur des écrans géants placés de chaque côté de la scène. Il a traversé les coulisses à pas lents, avant de bondir vers la tribune comme happé par la lumière des projecteurs. La foule s’est alors levée d’un coup, en hurlant et en agitant à tout rompre les drapeaux tricolores et les banderoles «Le Pen président», judicieusement disposés sur chaque siège.
Le meeting de Paris marquera certainement l’un des temps forts de la campagne de Jean-Marie Le Pen puisqu’il n’en aura effectués, en tout et pour tout, que 6, en comptant le prochain à Nice. A 78 ans, le candidat du Front national mène peut-être sa dernière bataille pour la présidentielle. Mais il est sûr qu’il fera tout pour la mener le plus loin possible. Il l’a promis à ses militants : il y aura encore «une et peut-être deux grosses surprises». Et pour finir, il a chanté le quatrième couplet de la Marseillaise, a cappella, avec son épouse Jany, montée le rejoindre sur la scène pour le congratuler, des jeunes et des enfants agitant des drapeaux tricolores, sous une pluie de cotillons bleu, blanc, rouge.
par Valérie Gas
Article publié le 15/04/2007 Dernière mise à jour le 15/04/2007 à 17:40 TU