Présidentielle 2007
La balle au centre
(Photo : AFP)
Merci, mais sans façon. Ségolène Royal a répondu poliment mais fermement à Michel Rocard. Décidément la candidate socialiste aura eu droit jusqu’à la dernière minute à des surprises de la part des membres de son camp. Car la proposition de rapprochement avec le candidat centriste formulée par l’ancien Premier ministre socialiste n’est pas la première du genre, ni la dernière d’ailleurs. Avant lui, il y avait eu les Spartacus -un groupe de hauts fonctionnaires socialistes affirmant pencher pour Bayrou-, puis les Gracques -un groupe d’anciens membres de cabinets ministériels tout aussi socialistes tentés par le vote UDF. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà Bernard Kouchner, ancien ministre socialiste et l’une des personnalités préférées des Français, qui a emboîté le pas à Michel Rocard pour plaider la cause de l’alliance Royal-Bayrou. Tout comme l’ancien ministre de l’Education, Claude Allègre.
Même si à moins d’une semaine du premier tour elle n’avait peut-être pas besoin que ce genre de message vienne embrouiller un peu plus des électeurs déjà très indécis, Ségolène Royal semble malgré tout garder son humour. Elle a ainsi réagi en se demandant «pourquoi ils n’ont ces fantaisies en face [à droite] pour les distraire ?» Et d’ajouter : «Il y a toujours moins de discipline à gauche, c’est quand même un problème, il est temps de mettre de l’ordre juste».
Pas de «petits arrangements»
Après la forme, le fond. La candidate socialiste a expliqué les motivations de son refus. D’abord, elle exclut de faire de «petits arrangements dans le dos des électeurs». C’est pour elle une question de conception de la politique : «Je n’en ai même pas eu, au PS, des négociations, alors vous imaginez que je ne vais pas en avoir avec des personnes qui cherchent un peu où est la meilleure sortie !» Ensuite, à chaque jour suffit sa peine et Ségolène Royal «se bat aujourd’hui pour être qualifiée en finale». Mais surtout, comment envisager un rapprochement avec François Bayrou qu’elle décrit comme «une personnalité respectable» mais qui n’a «ni programme, ni équipe» et qui est «co-responsable du bilan» de la droite.
Le problème du premier tour semble donc réglé. D’ailleurs le candidat centriste a lui aussi écarté toute possibilité de rapprochement avec son alter ego socialiste. Il a déclaré lundi 16 avril : «Il n’y a aucun accord d’alliance imaginable dans une élection présidentielle avant le scrutin». Mais après le premier tour, il y a le second. Et là, la question des négociations et des alliances va finir par se poser. Car pour gagner, il faudra que les candidats rassemblent au-delà de leur famille.
Ségolène Royal a choisi d’éluder pour le moment le problème des éventuels accords en déclarant : «Ceux qui viendront sur le pacte présidentiel seront bienvenus». Une manière d’affirmer que les choses se décanteront naturellement : «Entre les deux tours, la majorité présidentielle se construira avec tous ceux qui viendront autour de moi». Des propos qui ont l’avantage de ménager l’espace pour les ralliements sans prendre d’engagements précis.
Une reconfiguration ?
La position du candidat centriste sur la configuration du second tour n’est pas plus tranchée. Il refuse d’être «ramené dans le camp contre camp» et de «retomber dans le système où ce serait seulement un changement de camp». Il semble vouloir jouer la carte de l’alliance des bonnes volontés plutôt que celle des accords d’appareils. Ce qui lui permet de ne pas entrer dans le débat de savoir s’il appellerait à voter à gauche ou à droite. Une stratégie jugée ambiguë et opportuniste par ses adversaires, notamment de gauche.
Au-delà des considérations directement liées au scrutin présidentiel, le fait même que l’hypothèse d’une alliance entre la gauche et le centre revienne avec autant d’insistance est significatif. D'une part, il remet en lumière les troubles et interrogations qui existent au sein du Parti socialiste et que la désignation de Ségolène Royal comme candidate n’a pas atténués, au contraire. Mais d'autre part, cela dénote aussi une certaine évolution des attentes politiques des Français qui sont sensibles au discours qui remet en cause les logiques de partis. Quels que soient finalement le duo final et le vainqueur, la présidentielle 2007 marquera donc certainement une étape dans la vie politique française. Et entraînera peut-être une reconfiguration du paysage.
par Valérie Gas
Article publié le 16/04/2007 Dernière mise à jour le 16/04/2007 à 14:51 TU