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Etats-Unis

Une tuerie qui interroge

Lors de la cérémonie d'hommage aux victimes dans le stade du campus. 

		Photo : Guillemette Faure/RFI
Lors de la cérémonie d'hommage aux victimes dans le stade du campus.
Photo : Guillemette Faure/RFI

A Virginia Tech, la police rend progressivement publique une liste des 32 professeurs et élèves tués lundi matin par un jeune homme de 23 ans, Cho Seung-Hui, un étudiant sud-coréen qui s'est ensuite donné la mort. Tous vêtus de bordeaux et d’orange, les couleurs de l’université, les étudiants tentent de faire face à l’idée que leur campus tranquille ait pu encaisser la pire tuerie enregistrée dans un établissement scolaire.


De notre envoyée spéciale à Blacksburg (Virginie)

«Maman !» Tina Harrison se jette dans les bras de sa mère venue la retrouver sur le campus de Virginia Tech. «Je suis là», dit la mère sans réussir à arrêter les larmes de sa fille. Tina Harrison, 20 ans, n’en finit pas de réentendre mentalement la bande-son de sa matinée du lundi 16 avril. En cours de comptabilité, au troisième étage, elle a entendu des bruits sourds, a cru que les ouvriers du chantier étaient plus bruyants que d’habitude, a compris qu’il s’agissait de coups de feu couverts de rires et de hurlements venant de l’étage d’en dessous. «On entendait tout, on pouvait sentir l’odeur des coups de feu, on l’entendait dans l’escalier, on craignait de le voir arriver dans notre classe, c’était terrifiant. Et tout à coup plus rien. Le silence était presque plus effrayant

Depuis la veille, elle ne quitte plus son amie, Terran Wingler-Petty, dans le bâtiment voisin. «Quand j’ai vu passer des flics roulant en voiture sur les trottoirs, j’ai compris qu’il se passait quelque chose de grave.» Elle se souvient des agents des forces spéciales, ramassant, en plus ou moins bon état, ceux qui s’étaient jetés par les fenêtres du deuxième étage pour échapper au tueur.

Prévenus trop tard

S’il y a un sujet qui fait exploser Tina, c’est la façon dont les étudiants ont été avertis. Le campus n’a pas été fermé après la première tuerie survenue à l’autre bout du campus à 7h15. Et elle était déjà en cours quand un email invitant les étudiants à la «prudence» leur a été envoyé plus de deux heures plus tard. «Le temps que je découvre le mail disant que les cours étaient annulés, parce qu’un homme armé était sur le campus, tout le monde était déjà mort à l’étage en dessous.» Sa mère partage son amertume. «Il y avait déjà eu des coups de feu sur le campus le 21 août, le jour de la rentrée des classes. Je ne comprends pas pourquoi ils n’en ont pas tiré les leçons.»  

C’est d’ailleurs ce qu’il y a de plus saisissant à écouter les étudiants : à quel point même ceux qui ont reçu le message électronique les avertissant qu’un homme armé circulait dans le campus n’ont pas immédiatement pris l’événement au sérieux.  «On avait déjà eu un homme armé sur le campus en août… Alors ça ne m’a pas inquiété, raconte Casey Reeve, étudiant de 19 ans, j’ai continué à travailler dans ma classe en sous-sol dans un autre bâtiment. Ce n’est que rentré chez moi que j’ai compris l’ampleur de ce qui s’était passé.» Si les deux alertes à la bombe au cours des deux dernières semaines d’avril les avaient inquiétés ? Non, répond Tim, un autre étudiant : il y était habitué depuis le lycée.

Cho Seung-Hui, étudiant sud-coréen de l'université Virginia Tech, a tué 32 personnes avant de se suicider. 

		(Photo : Reuters)
Cho Seung-Hui, étudiant sud-coréen de l'université Virginia Tech, a tué 32 personnes avant de se suicider.
(Photo : Reuters)

Cérémonies du souvenir

Les cours sont annulés jusqu’à la fin de la semaine et tous ces étudiants sont allés à la cérémonie organisée sur le campus en présence de George et Laura Bush. 25 000 personnes se sont installées sur les gradins et sur le gazon du stade de la ville, formant une immense mosaïque d’orange et bordeaux, les couleurs de leur université. Pas très loin d’eux, sur le gazon du stade, un groupe de Coréens suit l’événement sur le grand écran. Ils sont mal à l’aise depuis que la police a révélé que le tueur présumé, Cho Seung Hui, était un Coréen de 23 ans. «Ce n’est pas que je crains la discrimination, insiste Sejin Kin, 33 ans, étudiant étranger venue de Corée, mais j’ai peur qu’on soit isolés».

Cérémonie du souvenir à nouveau le soir sur la pelouse centrale du campus, face au Norris Hall où le tueur a fait des victimes dans quatre salles de classe. Quelques 10 000 étudiants et habitants de la ville se retrouvent, des bougies plantées dans des verres en carton pepsi ou coca-cola en guise de lanterne. United Hoakie, l’association étudiante qui a orchestré l’événement est spécialisée dans l’aide en période de crise.

«Ils avaient organisé des actions pour le tsunami et pour l’ouragan Katrina. C’est bizarre qu’ils aient à s’occuper de leur propre campus…», note une responsable de l’université. Sur l’herbe de la grande pelouse que des étudiants avaient dû traverser en courant la veille, trois grandes planches blanches ont été dressées pour y laisser des messages. L’un d’eux a été rédigé à l’intention d’une professeur de français canadienne tuée par Cho Seung Hui. «Madame, je vous adore



par Guillemette  Faure

Article publié le 18/04/2007 Dernière mise à jour le 18/04/2007 à 08:46 TU