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Présidentielle 2007

Séduire la France qui souffre

A l'instar de ses concurrents, Ségolène Royal a fait aussi campagne ces derniers jours dans les milieux défavorisés, ici dans un supermarché. 

		(Photo : AFP)
A l'instar de ses concurrents, Ségolène Royal a fait aussi campagne ces derniers jours dans les milieux défavorisés, ici dans un supermarché.
(Photo : AFP)
Les quatre principaux candidats -Bayrou, Le Pen, Royal, Sarkozy- se sont tous préoccupés ces derniers jours des Français les plus déshérités, et notamment des ouvriers et des employés touchés par les licenciements et l’exclusion. Après quelques incursions sur les thèmes de l’immigration et de la sécurité, on assiste donc en cette fin de campagne, à un recentrage sur les questions sociales, qui restent au cœur des préoccupations des électeurs.

«Votre voix vaut autant que celle du col blanc !» C’est ainsi que Nicolas Sarkozy s’est adressé aux salariés de l’usine Viessmann, en Lorraine, où il effectuait un déplacement le 17 avril. Le candidat de l’UMP a profité de son passage dans une région défavorisée pour tenter de montrer qu’il n’est pas le candidat des riches, comme ses adversaires aiment à le décrire. Il a visité deux sites industriels : l’usine de chauffage multi-énergies Viessman à Faulquemont et le «carreau De Wendel», une mine de charbon fermée en 1986.

A chaque étape de son parcours lorrain, Nicolas Sarkozy a abordé les sujets qui fâchent, les ouvriers meurtris par le chômage, les bas salaires et les délocalisations. Il s’en est pris aux patrons voyous en promettant de «mettre fin au scandale des parachutes en or». Nicolas Sarkozy a expliqué : «Quand on a conduit à l’échec de son entreprise, on ne part pas avec un chèque de 6 millions d’euros». Une référence à Noël Forgeard, ancien patron d’Airbus, qui a empoché cette somme en guise d’indemnités de départ malgré son mauvais bilan à la tête de la société aéronautique.

Rallier la France du non

Le candidat de l’UMP s’est aussi saisi du thème des dangers de la mondialisation qu’il a mis en perspective avec celui de l’Europe. Il a ainsi déclaré : «L’Europe finira par devenir un désert économique si [elle] ne comprend pas que nous avons voulu l’Europe pour la préférence communautaire, non pas pour en faire le cheval de Troie d’une mondialisation non maîtrisée». Et d’ajouter : «Je n’accepte pas le dumping monétaire américain qui fait que bientôt on ne pourra plus construire d’avions sur le sol européen». Un message destiné selon toute vraisemblance à montrer aux électeurs qui ont voté non à la Constitution européenne qu’il les a entendus, même s’il faisait partie des défenseurs du oui.

En prenant position sur ces thèmes, Nicolas Sarkozy ne se cache pas d’essayer de convaincre les électeurs tentés par le vote Front national. Il a d’ailleurs affirmé en Lorraine : «Je veux que vous ayez, pour crier votre exaspération, une autre solution que de voter Le Pen». Et pour être compris, il martèle à nouveau ce à quoi il aspire pour les moins favorisés : «Je veux que le fils d’ouvrier ne soit pas condamné simplement à être ouvrier». Idem pour les agriculteurs et pour les artisans.

Dans la dernière ligne droite, Nicolas Sarkozy n’est pas le seul à avoir pris conscience de la nécessité de donner des gages aux Français les plus démunis. Jean-Marie Le Pen s’est rendu dans le Pas-de-Calais afin de consolider ses positions dans une région où il a obtenu de très bons scores en 2002. Sa première halte, sur le port de Boulogne-sur-mer, n’est pas innocente. Elle lui a permis d’engager le dialogue avec des marins-pêcheurs auxquels il n’a pas manqué de rappeler qu’il était le seul à pouvoir les comprendre puisque son père et son grand-père exerçaient cette profession.

Jean-Marie Le Pen a joué la carte de la proximité et de la compréhension, mais aussi celle du rejet des candidats qui font des promesses. Il a choisi le thème de l’Europe comme ligne de fracture avec ses adversaires. A Hénin-Beaumont, le candidat du Front national a mis en garde les plus déshérités : «Je lance un appel solennel aux chômeurs et aux travailleurs pauvres de notre pays : ne vous laissez pas endormir par les candidats européistes». A savoir François Bayrou, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Il a poursuivi : «Ne vous laissez pas non plus abuser par les candidats internationalistes soi-disant hostiles à l’Europe, qui par leur altermondialisme, sont co-responsables de la ruine de notre économie». Autrement dit les «petits» candidats de la gauche radicale.

François Bayrou s’était rendu lui aussi dans le Pas-de-Calais quelques jours plus tôt. Le candidat centriste avait choisi d’aller sur les sites de Lamato, l’ancienne usine Rhodia, de Metaleurop et d’Energy Plast, trois entreprises où les salariés ont été touchés par des licenciements. Une occasion pour lui de dénoncer les patrons voyous «qui liquident les entreprises sur le dos des salariés». Même si son électorat est plutôt identifié comme appartenant aux catégories socio-professionnelles élevées, François Bayrou ne veut pas pour autant lâcher le filon des couches moins favorisées et espère que son discours «vérité» lui permettra de remporter leurs suffrages : «Il n’y a pas de raison pour moi d’abandonner les Français à la désespérance (…) Il faut aller les voir, leur parler, les rassurer et leur permettre de croire à quelque chose».

«Le nouveau prolétariat»

Ségolène Royal veut, quant à elle, leur rendre l’envie de croire dans la gauche socialiste, qu’elle incarne. A Paris, le 18 avril, elle s’est attaquée au problème des employés de la grande distribution, et surtout des femmes caissières de supermarché, qui représentent selon elle «le nouveau prolétariat d’aujourd’hui». Des formules de la gauche de la grande époque dont la candidate n’était jusqu’ici pas trop friande. Mais à quatre jours du scrutin, il faut clarifier les messages et bien cibler l’électorat que l’on veut toucher.

Après les appels au rapprochement avec François Bayrou, qui se sont multipliés dans son camp ces derniers jours, et ses propres velléités de s’emparer des thèmes de droite comme celui de la nation, Ségolène Royal a recadré son discours. Elle s’est placé dans la continuité de François Mitterrand, premier socialiste à s’emparer du pouvoir durant la Ve République. Elle a montré sa volonté d’apparaître comme la candidate la plus crédible pour défendre les intérêts des catégories les moins aisées, des victimes de l’exclusion sociale. Et pour y parvenir, elle a annoncé des mesures symboliques mais qui parlent aux gens, comme la réduction du train de vie de l’Etat et l’arrêt de la prise en charge des dépenses privées des membres du gouvernement. La «France présidente» -c’est son slogan-, c’est à entendre Ségolène Royal une présidence qui donne l’exemple et fait des économies.

par Valérie  Gas

Article publié le 18/04/2007 Dernière mise à jour le 18/04/2007 à 15:05 TU

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