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Présidentielle 2007

A chacun son vote utile

Quel vote utile ?
Quel vote utile ?
On n’aura jamais autant parlé de vote utile que durant cette campagne présidentielle. Il s’agit évidemment de l’une des conséquences de l’élimination du candidat socialiste Lionel Jospin au premier tour en 2002, qui avait profité à celui du Front national, Jean-Marie Le Pen. A la suite de Ségolène Royal qui a mis en garde les électeurs contre les dangers de la dispersion des voix le 22 avril, tous les candidats ont pris position sur cette question. Les uns pour ne pas en pâtir, les autres pour en profiter.

Votez utile, votez pour moi. En fin de campagne, c’est un peu ce discours que tiennent tous les candidats en lice pour l’élection présidentielle. Bien sûr, c’est du côté du Parti socialiste que cet argument est intégré dans le discours depuis le plus longtemps. La blessure de l’échec de Lionel Jospin lors de la dernière présidentielle a laissé des traces et les socialistes espèrent cette fois-ci convaincre les électeurs de gauche de se mobiliser pour Ségolène Royal dès le premier tour.

C’est François Hollande qui s’est fait le plus ardent promoteur du vote utile. Le Premier secrétaire rabâche depuis des mois que rien n’est gagné, qu’il y a toujours un risque d’élimination. Et c’est lui qui agite la «muleta» Front national comme la meilleure raison de voter socialiste. Ségolène Royal a, elle aussi, appelé ces derniers jours les électeurs à ce qu’elle préfère nommer «un vote conscient», en faveur du projet de société qu’elle défend.

Au nom du débat démocratique

Initiateurs de la démarche du vote utile, les socialistes n’en ont plus en cette fin de campagne l’exclusivité. Les partis de la gauche radicale qui avaient réalisé de bons scores en 2002 se sont rebiffés contre le rouleau compresseur de la mauvaise conscience dont ils refusent d’être les victimes. Olivier Besancenot, le candidat de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), a été très clair. Il a revendiqué «le droit à l’utopie» et a asséné : «Le vote utile à gauche, ce n’est pas seulement de penser au second tour mais de penser aux cinq années à venir. Le rapport de forces global ne sera pas le même si l’option d’une gauche indépendante du PS se compte par milliers ou par millions de voix». A sa manière, Dominique Voynet a mis en garde contre les conséquences d’un score très faible de sa candidature. Elle a affirmé que si les Verts étaient «laminés» dans les urnes -les sondages indiquent qu’elle reste entre 1 et 2% des intentions de vote-, la cause écologique tomberait immanquablement aux oubliettes pour les cinq ans à venir.

Il faut peser au premier tour pour pouvoir faire valoir ses arguments après le second, c’est donc ce que plaident l’ensemble des candidats de gauche. Besancenot, Voynet, mais aussi Arlette Laguiller de Lutte ouvrière (LO), Marie-George Buffet du Parti communiste, ou José Bové du mouvement anti-libéral. Ils refusent l’argument selon lequel le vote socialiste est le seul vote utile. Ils estiment même que ce raisonnement aboutit à empêcher le débat démocratique et à limiter la présidentielle à un duel Royal-Sarkozy. Ils revendiquent donc le droit d’offrir une alternative à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’un ou l’autre de ces candidats. José Bové a ainsi expliqué que son «pari» était de «ramener aux urnes les gens qui ne votaient pas» parce qu’ils refusent «Nicolas Sarkozy et cette droite dure mais qui, en même temps, ne font pas confiance à Ségolène Royal et sa gauche tiède». Pour Marie-George Buffet, qui a beaucoup de mal à trouver un espace dans cette campagne, «le discours sur le vote utile est un discours dangereux pour la gauche (…) le PS doit se mettre dans la tête qu’il ne pourra pas gagner tout seul».

Même Frédéric Nihous s’en est mêlé. Le candidat de Chasse, pêche, nature et tradition a estimé que «le vote utile est un argument pour ceux qui n’en ont pas». Et il a renvoyé les grands partis face à leur responsabilité : «S’il s’est passé ce qui s’est passé le 21 avril 2002, c’est quand même parce que les différents gouvernements en place ont créé les conditions d’une telle situation». Et il a fait part de son agacement : «C’est ce qui a permis de tuer le débat public et politique en France depuis cinq ans».

Tout sauf un vote inutile

Au-delà de la bronca des «petits» candidats contre le vote utile, le Parti socialiste doit aussi maintenant faire face à la concurrence de François Bayrou. Le candidat centriste, fort de son ascension dans les sondages qui le place juste derrière Ségolène Royal, s’est emparé de cette problématique. Il s’est présenté comme le seul candidat capable de battre Nicolas Sarkozy et de «bouger les lignes». Il en a donc conclu que le vote utile était le vote en sa faveur pour tous ceux qui «s’inquiètent» de la candidature de son adversaire de l’UMP et veulent «dépasser ce vieux clivage [droite-gauche] pour faire ensemble des choses positives et constructives».

Tout sauf Sarkozy pour François Bayrou. Tout sauf Le Pen pour Nicolas Sarkozy. Le candidat de l’UMP veut récupérer des électeurs qui ont voté pour le Front national par «désespérance». Il a donc basé son discours de campagne à destination de cette partie de la population en expliquant qu’il était «inutile» de voter pour Jean-Marie Le Pen. En écho, ce dernier n’a pas manqué lui non plus de donner sa version du vote utile. Le candidat du Front national a renvoyé dos-à-dos ses trois principaux adversaires -François Bayrou, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy- , qui sont selon lui «interchangeables». Il a affirmé à tous ceux qui désirent le changement : «Je suis le candidat du vote utile». Les Français n’ont plus qu’à faire le tri.



par Valérie  Gas

Article publié le 19/04/2007 Dernière mise à jour le 19/04/2007 à 13:20 TU

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