Présidentielle 2007
L'électeur sort des urnes
Le suspense lié à l’élection présidentielle a incité une poignée de médias à commander un sondage à l’institut CSA-CISCO, dès la sortie du bureau de vote ce 22 avril. Le but de l’opération : dresser un paysage sociologique et politique des électeurs, et au travers de celui-ci, imaginer les reports des voix du second tour. L’exercice est osé dans la mesure où le nombre des candidats incite à la dispersion et au papillonnage des électeurs.
Le sondage a été effectué auprès d’un échantillon national représentatif de 5 009 personnes venant de voter au 1er tour de la présidentielle. En raison de la faiblesse de la sélection, les résultats sont cependant à interpréter avec prudence.
Le pouvoir des femmes
Jean-Marie Le Pen ne séduit pas les femmes. Seulement 8% ont voté pour le président du Front national contre 14% d’hommes, ce 22 avril. 31% des électrices de dimanche ont choisi Nicolas Sarkozy contre 30% d’hommes. 19% des femmes ont voté François Bayrou et 18% d’hommes.
«La France présidente», slogan de Mme Royal, a son petit effet : 28% d’électrices ont voté pour la candidate socialiste contre 24% d’électeurs.
Dans le détail, on s’aperçoit aussi qu’elles n’ont pas beaucoup apprécié Gérard Schivardi, puisqu’elles ne furent que 22% à voter pour lui contre 78% d’hommes. Étant plus nombreuses démographiquement, les femmes comptent plus au moment des élections.
Le péril jeune
Il y a une certaine constance chez les électeurs qui ont voté dimanche pour Ségolène Royal : ils sont entre 22 et 28% à la plébisciter toutes catégories d’âges confondues. Même profil pour François Bayrou qui rafle dans la tranche 18 à 64 ans, entre 24 et 17% des voix des électeurs. En revanche, Nicolas Sarkozy fait le plein des voix (44%) dans la catégorie 65-74 ans, plus du double que chez les 18-24 ans (20%). Néanmoins, dans la composition* de son électorat propre, on s’aperçoit que les 45-64 ans constituent le gros de ses troupes tout comme François Bayrou.
Les meilleurs scores de Jean-Marie Le Pen se font dans les tranches de 18 à 44 ans. À l’autre bout de l’échiquier, Olivier Besancenot fait un joli «carton» auprès des 18 à 34 ans.
Je suis chômeur et je vote pour Jean-Marie Le Pen
Il n’y a pas de surprise : les patrons (48%) et les retraités (39%) votent majoritairement en faveur de Nicolas Sarkozy. François Bayrou obtient un bon équilibrage d’électeurs dans toutes les catégories professionnelles : 24% chez les patrons, 20% chez les retraités et 15% chez les employés et ouvriers.
Les bacheliers
Lorsque l’électeur ou l’électrice a passé son baccalauréat, il ou elle votera dans l’ordre Nicolas Sarkozy (32%), Ségolène Royal (25%), François Bayrou (23%), Jean-Marie Le Pen (7%) et Olivier Besancenot (5%).
Cependant, le candidat trotskyste recrute aussi beaucoup chez ceux qui ont le niveau de CAP (52%) tout comme, à l’autre extrême, Philippe de Villiers (57%) ou Nicolas Sarkozy (42%) contre 32% pour Ségolène Royal et François Bayrou.
Affinités électives
24% de l’électorat de François Bayrou, (dont 19% de membres du PS) se dit «de gauche» et 41% «de droite». Une statistique qui compte dans la balance du second tour. Mais lorsqu’on constate que 15% de l’électorat de José Bové se déclare «de droite», on peut s’interroger sur la capacité de perception de l’espace politique des électeurs.
L’insaisissable horizon
En cinq ans, les électeurs ont largement prouvé qu’ils étaient capables de dérouter les instituts de sondage et les candidats.
Les «nonistes» (ceux qui ont voté «non» à la Constitution européenne, en 2005) n’ont guère trahi leurs convictions puisqu’ils ont voté en majorité pour les candidats qui s’étaient prononcés contre la Constitution. Les abstentionnistes de 2005 ont voté à 38% pour Olivier Besancenot et 26% pour Jean-Marie Le Pen.
En revanche, les «ouistes» (ceux qui ont voté «oui» en 2005), s’ils ont bien reporté leurs voix sur les partisans de la Constitution européenne comme Nicolas Sarkozy, François Bayrou ou Ségolène Royal, ils ne se sont pas embarrassés par leur conscience en votant pour des nonistes comme José Bové (38%) ou Dominique Voynet (32%).
Le plus surprenant est le déplacement des votes entre le 1er tour de l’élection de 2002 et le 1er tour de 2007, comme si une partie de l’électorat restait troublée par la diversité des idées et des candidats.
56% des électeurs de Jacques Chirac en 2002 ont voté Nicolas Sarkozy, 27% Philippe de Villiers, 24% François Bayrou, 23% Frédéric Nihous et 11% José Bové en 2007.
63% des électeurs de Jean-Marie Le Pen en 2002 ont revoté Le Pen en 2007, mais 22% ont voté pour Gérard Schivardi, 12% pour Nicolas Sarkozy et 8% pour José Bové en 2007.
48% des électeurs de Lionel Jospin ont voté en 2007 Ségolène Royal, mais le reste des anciens votants s’est totalement éparpillé entre François Bayrou (17%), Dominique Voynet (15%), Frédéric Nihous (14%), Olivier Besancenot (12%), Nicolas Sarkozy (6%).
Arlette Laguiller a vu elle aussi se disperser ses troupes : José Bové lui a pris 13% de ses anciens électeurs, Marie-George Buffet 11%, Gérard Schivardi 8% et Olivier Besancenot 6%, jusqu’à Jean-Marie Le Pen qui lui a ravi un petit pour cent.
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* le vote de composition définit les électeurs d'un candidat en particulier et le vote de pénétration définit les électeurs de l'ensemble des candidats
par Marion Urban
Article publié le 23/04/2007 Dernière mise à jour le 23/04/2007 à 12:46 TU