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Mexique

Mexico légalise l'avortement

Des manifestants favorables à la légalisation de l'avortement célèbrent sa dépénalisation. 

		(Photo : Reuters)
Des manifestants favorables à la légalisation de l'avortement célèbrent sa dépénalisation.
(Photo : Reuters)

Après plusieurs semaines d’affrontements verbaux et de manifestations qui ont polarisé la société mexicaine, l’avortement a été légalisé dans la capitale, ce qui pourrait avoir un effet d’entraînement dans tout le Mexique. Mais déjà, cette reconnaissance du droit des femmes à disposer de leur corps dote Mexico de la législation la plus avancée d’Amérique latine


De notre correspondant à Mexico

Les députés de la capitale ont approuvé, par 46 voix contre 19 et une abstention, une modification du code pénal qui permet aux femmes d’avorter avant la 12e semaine de leur grossesse sans enfreindre la loi. Au-delà de cette période, l’avortement sera puni d’une peine de 6 mois de prison ou de 100 à 300 jours de travaux communautaires.

Cette dépénalisation qui reconnaît aux femmes le droit de disposer de leur corps en fait la législation la plus avancée d’Amérique latine. Elle pourrait engendrer de profondes transformations dans les structures mêmes de la société mexicaine.

L’exemple de la capitale

Ce débat polarise depuis plusieurs semaines le Mexique. Les députés du PAN, le Parti d’action nationale, auquel appartient le président Felipe Calderon, ont tenté de bloquer, en vain, le processus législatif car Mexico sert de laboratoireaux 31 Etats fédéraux que compte le pays et l’approbation de cette nouvelle loi pourrait avoir un effet d’entraînement. Toutes les enquêtes montrent en effet que 70% des Mexicains sont en faveur de la dépénalisation de l’avortement.

Pour le PRD (centre gauche) qui gouverne la capitale, cette réforme ne fait que remédier à une situation absurde puisque la loi actuelle, qui n’autorise l’avortement qu’en cas de viol ou de danger de mort de la mère, n’est pas respectée. La Commission nationale de bioéthique estime qu’il y a environ un million d’avortements clandestins par an, l’ONU calcule que 100 000 femmes, dont 90 % sont des jeunes filles sans ressources, meurent chaque année des complications de ces avortements. C’est aussi la cinquième cause de mortalité féminine dans la capitale.

Pour le maire de Mexico, Marcelo Ebrard, il s’agit donc avant tout de renforcer les politiques sociales et de mettre fin à une hypocrisie, puisqu’en 6 ans et sur l’ensemble du pays, la justice n’a poursuivi pour avortement illégal que 524 femmes dont 14 seulement ont été condamnées.

Les catholiques très divisés sur le sujet

La hiérarchie cléricale, alliée aux groupes ultra conservateurs et au PAN, a lancé une campagne virulente contre l’avortement. L’archevêché de Mexico a menacé d’excommunication automatique les députés qui voteraient la dépénalisation. Le porte-parole du primat de Mexico, Hugo Valdemar, s’est déclaré «persécuté par l'Etat». Le pape Benoit XVI est intervenu en envoyant une lettre pour soutenir ses évêques car le Mexique est le pays catholique le plus important d’Amérique latine et le Vatican craint, là aussi, que le Mexique serve d’exemple. Néanmoins, cette démarche du souverain pontife a été très mal perçue par les partis politiques d’opposition qui considèrent qu’elle n’a fait qu’envenimer le débat et, dans une escalade verbale, l’avortement a été assimilé au terrorisme et ses partisans menacés de mort.

Le ministre de l’Intérieur a dû intervenir déclarant qu’en effet, «il y avait eu excès de la part de l’Eglise catholique». En revanche, l’Association des catholiques pour le droit de décider, qui est en faveur de la dépénalisation, s’irrite de la position conservatrice du clergé mexicain et du Vatican, soulignant qu’ils doivent tenir compte de la réalité sociale du Mexique et qu’ils devraient, entre autres, être plus tolérants en matière d’éducation sexuelle et de contraception.

La droite conservatrice sur la défensive

Le chef de file du PAN au Sénat, Santiago Creel, a annoncé que son parti porterait l’affaire devant la Cour suprême pour inconstitutionnalité. Les députés locaux du PAN, le groupe très radical de «Laissez les vivre» et l’Association des avocats catholiques ont remis 70 000 signatures de citoyens réclamant un référendum sur le sujet. Le président Felipe Calderon est intervenu indirectement à travers sa femme Margarita Zavala qui a déclaré que l’avortement est «la domination du plus fort sur le plus faible, la négation du futur et qu’il est contraire à la démocratie».

Il y a aussi, derrière cette dépénalisation, un combat politique important. Pour le PRI, le parti de l’ancien régime et le PRD, il s’agit de défendre l’Etat laïc et d’empêcher l’entrisme de l’Eglise catholique qui cherche par tous les moyens à intervenir dans la conduite morale de l’Etat. Pour la gauche, ce débat permet aussi de clarifier le jeu politique en mettant en relief les clivages idéologiques qui existent entre les partis. 



par Patrice  Gouy

Article publié le 25/04/2007 Dernière mise à jour le 25/04/2007 à 13:19 TU