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Présidentielle 2007

Le centre : l’éternel pari

François Bayrou a annoncé la création d’un nouveau parti du centre. Cette formation qui pourrait prendre le nom de Parti démocrate remplacera donc l’actuelle UDF (Union pour la démocratie française) que Valéry Giscard d’Estaing avait créée en 1978. Comme d’autres avant lui, François Bayrou tente donc de trouver un espace propre entre droite et gauche pour y faire vivre un mouvement capable de peser sur la vie politique de manière autonome. Un pari difficile.

De gauche à droite : Jean Lecanuet, Valéry Giscard d’Estaing et François Bayrou. 

		(Photos : AFP/Reuters)
De gauche à droite :
Jean Lecanuet, Valéry Giscard d’Estaing et François Bayrou.
(Photos : AFP/Reuters)

Exister : depuis plusieurs décennies, cela a toujours été l’ambition des différents partis centristes français. Depuis l’avènement de la Ve République, cette famille n’a, en effet, pas véritablement réussi à s’imposer dans le jeu politique. Force d’appoint le plus souvent alliée à la droite, le centre n’a pas trouvé les ressources pour s’imposer comme une troisième force, suffisamment puissante pour être indépendante sur le long terme. Après son score du premier tour de la présidentielle 2007, François Bayrou espère bien profiter de son élan pour changer la donne.

Il n’est pas le premier à avoir essayé de créer une brèche durable dans la bipolarisation de la vie politique. Mais jusqu’ici, les tentatives se sont révélées infructueuses. Jean Lecanuet a tenté le pari dès après l’élection de 1965 où il s’était présenté. En obtenant plus de 15% des voix au premier tour, le candidat du Mouvement républicain populaire (MRP) avait contribué à mettre le général de Gaulle en ballotage face à son adversaire de gauche, un certain François Mitterrand. Jean Lecanuet était à cette époque l’homme du renouveau. Il avait 45 ans et avait mené campagne en s’inspirant des techniques de marketing venues des Etats-Unis. Fort de son score, il avait ensuite décidé de transformer le MRP en Centre démocrate en 1966. Mais cela ne lui avait pas permis de tirer les marrons du feu et de s’imposer face aux forces en présence.

Une force hétérogène

Valéry Giscard d’Estaing a, quant à lui, réussi à jouer sa carte personnelle en remportant l’élection présidentielle de 1974 avec le soutien du Centre démocrate, contre le candidat de gauche, toujours François Mitterrand, et le candidat gaulliste, Jacques Chaban-Delmas. Mais il n’a pas pu éviter la montée en puissance à droite de Jacques Chirac durant son septennat. Celui-ci, Premier ministre de 1974 à 1976, claque la porte du gouvernement et crée le Rassemblement pour la République (RPR). C’est pour essayer de le contrecarrer que VGE fonde en 1978 une nouvelle formation, l’Union pour la démocratie française (UDF), qui réunit plusieurs tendances centristes. Mais cette force politique n’a pas les moyens de concurrencer la machine de guerre de Jacques Chirac. Valéry Giscard d’Estaing paie le prix de sa rupture avec celui qu’il avait choisi comme chef du gouvernement lorsque celui-ci décide de se présenter contre lui en 1981. Le président sortant perd la présidentielle contre François Mitterrand. Les centristes prennent du plomb dans l’aile. L’UDF reste cantonnée au rôle de partenaire du RPR.

Les candidatures à la présidentielle soutenues par l’UDF, Raymond Barre en 1988, Edouard Balladur en 1995, échouent. La tentative de rapprochement engagée par Michel Rocard en 1988 lorsqu’il débauche quelques personnalités centristes pour participer à son gouvernement, reste elle aussi une initiative ponctuelle. Face au Parti socialiste ou au RPR qui ont trouvé leur base solide, l’UDF demeure une formation hétérogène. Elle doit composer entre le centre-droit et la droite non gaulliste, ménager un électorat à la fois social-démocrate, chrétien et libéral. Et surtout, l’UDF fait les frais du mode de scrutin uninominal à deux tours qui vise à dégager une majorité claire et favorise les deux principales forces politiques de gauche et de droite. Notamment aux élections législatives.

Transformer l’essai

Depuis son arrivée à la tête de l’UDF en 1998, François Bayrou a essayé de renverser la vapeur. Même s’il a été ministre dans deux gouvernements de droite (Balladur, Juppé), il a progressivement essayé de s’émanciper de cette alliance. Il a notamment refusé que son mouvement s’intègre dans l’Union pour un mouvement populaire (UMP), fondée par Jacques Chirac en 2002 pour rassembler la majorité présidentielle. Il est même allé jusqu’à demander aux députés UDF de voter la motion de censure déposée par la gauche en 2006 contre le gouvernement Villepin. 

Le résultat obtenu par le candidat centriste au premier tour de la présidentielle 2007 semble indiquer qu’il a fait jusqu’ici un choix stratégique judicieux. Près de 7 millions d’électeurs ont adhéré à sa proposition de briser les logiques partisanes. En annonçant la création d’un nouveau parti dans la foulée de l’élection du président de la République et avant les prochaines législatives, il tente de faire fructifier son capital. Ses attaques virulentes contre Nicolas Sarkozy et son positionnement par rapport à Ségolène Royal indiquent qu’il joue plutôt la carte de l’ouverture vers la gauche. Il reste maintenant à savoir s’il peut trouver au-delà de l’UDF, et notamment au Parti socialiste, des volontaires pour le suivre. Et si son Parti démocrate apportera réellement quelque chose de nouveau ou s’il ne sera qu’un parti de plus, s’il peut peser seul comme «contre-pouvoir». Bref s’il a les moyens de ses ambitions. Pour avoir une chance d’atteindre ses objectifs, il faudra dans tous les cas que François Bayrou transforme dans les urnes aux législatives l’essai de la présidentielle.



par Valérie  Gas

Article publié le 26/04/2007 Dernière mise à jour le 26/04/2007 à 15:11 TU

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