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Niger

L'université de Niamey en décomposition

À l'université Abdou Moumouni de Niamey. 

		(Photo : Afric@ction - <a href="http://franco-allemand.sciences-po.fr/africaction/LeVoyage.htm" target="_blank">lien</a>)
À l'université Abdou Moumouni de Niamey.
(Photo : Afric@ction - lien)
L'année universitaire a été fortement perturbée par des grèves et des manifestations d'étudiants, à Niamey. Les autorités ont décidé de repousser les dates des examens.
Les dernières revendications portent sur le retrait des militaires du campus de l'université Abdou Moumouni, la démission du directeur des oeuvres universitaires et la réintégration de six étudiants, exclus en mars dernier.

Depuis le début de l’année, les étudiants de l’université Abdou Moumouni de Niamey ont du mal à suivre leurs cours en raison d’une succession de grèves, de manifestations et de violences.

Les autorités ont décidé pour l’instant de repousser les dates des examens, en espérant que la crise actuelle se résorbera d’elle-même.

Les étudiants réclament la démission du directeur du Centre national des œuvres universitaires (CNOU), Djibril Abarchi, le retrait des militaires du campus, la réintégration de six de leurs camarades et la libération du secrétaire général de l’Union des étudiants nigériens à l’université de Niamey (UENUN), emprisonné depuis le 21 mars.

L’université Abdou Moumouni, le principal établissement d’enseignement supérieur du Niger, compte officiellement 8 000 étudiants inscrits.

Des bus en panne

C’est parce que Djibril Abarchi, responsable du CNOU, a voulu confier le transport des étudiants à une société privée de bus (les bus de l’université sont «en panne»), que la crise a éclaté cette fois-ci sur le campus.

Le 17 mars dernier, les étudiants ont pris violemment à partie l’administrateur l’accusant de vouloir «privatiser» les activités du centre, de rationner l’eau, l’électricité et les repas. L’altercation a dégénéré en violences et les forces de l’ordre qui campent depuis plusieurs mois dans l’enceinte de l’université sont intervenues. Les incidents ont duré trois jours, faisant, selon l’UENUN, 17 blessés côté étudiant et causant d’importants dégâts matériels.

Au lendemain des incidents, le conseil de l’université a décidé de radier définitivement six étudiants, pour avoir «depuis novembre 2006, développé une culture de violences menaçant la stabilité sociale et le fonctionnement de l’université». Le secrétaire de l’UENUN, Diori Ibrahim, a été arrêté et écroué dans une prison, en dehors de Niamey.

Les étudiants ont répliqué par un boycott des cours qui n’a été levé qu’un mois plus tard, grâce à la médiation d’associations religieuses et de défense des droits de l’homme.

La trêve n’aura duré qu’une semaine puisque le 25 avril, les étudiants construisaient des barricades aux alentours de l’université, dénonçant la surdité du gouvernement à leurs revendications.

Année blanche, année noire

L’université Abdou Moumouni de Niamey est un établissement autonome, créé en 1971. Depuis une dizaine d’années, elle semble être tombée dans un coma profond. La politique de désengagement de l’Etat à son égard soulève l’amertume des enseignants et des étudiants.

Alors que les subventions du gouvernement diminuent, les droits d’inscription augmentent : du simple au double en 2002. Le nombre de bourses d’études s’affaissent : entre 1993 et 2006, elles ont été réduites de moitié. Les bâtiments et les résidences universitaires se délabrent. Chaque rentrée voit son lot de promesses de la part du rectorat et chaque année académique voit s’enchaîner les grèves et les manifestations.

Désormais, une année académique se décline soit en «année blanche», en année «invalidée» ou «absorbée». Il arrive que les étudiants d’une des cinq facultés soient en train de finir une année pendant que d’autres la commencent.

«Une année blanche sur trois», notent dans leur rapport 2006 sur leur action de coopération, les étudiants franco-allemands de Sciences Politiques, à Nancy, à propos de l’université de Niamey.  Suit un résumé de la vie estudiantine : «1 100 places d’hébergement pour 8 000 inscrits (…) 1 000 couverts seulement au restaurant universitaire». Les étudiants doivent trouver des logements en ville, souvent éloignés du campus.

«Les bons livres de la bibliothèque sont peu nombreux et datent souvent des années 50 et 60, ce qui est très alarmant non seulement pour les sciences naturelles mais aussi pour les sciences sociales (…) il n’y a pas d’accès gratuit aux ordinateurs pour les étudiants sauf ceux qui sont en informatique ou en année de doctorat».

L’éducation en crise

La crise n’agite pas seulement l’université. Le pays est également traversé par une série de grèves des enseignants du primaire et secondaire.

En cause : des augmentations salaires, mais aussi la réforme du BEPC, le retard du paiement des allocations scolaires, la pauvreté des équipements et du matériel. Des raisons qui ont conduit les lycéens et collégiens à manifester dans les rues de la capitale et à s’opposer aux forces de l’ordre.

En dépit des assurances du ministre qui aurait signé un protocole d’accord avec les syndicats, les mouvements ne sont pas prêts de s’éteindre. Une partie des enseignants a refusé les propositions du gouvernement.

Selon le classement 2006 du Programme des Nations unies pour le développement en ce qui concerne les dépenses publiques de l’éducation, le Niger est le dernier de la classe. 8 adultes sur 10 sont analphabètes.



par Marion  Urban

Article publié le 30/04/2007 Dernière mise à jour le 30/04/2007 à 12:03 TU

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Niger

Moussa Kaka, correspondant de RFI.

«Dans leur grande majorité, les étudiants ont opté pour la violence afin de demander la libération de leurs camarades»

[30/04/2007]