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Présidentielle 2007

Un duel à couteaux tirés

(Photo : AFP)
(Photo : AFP)
Le débat télévisé entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy s’est déroulé dans une ambiance électrique. Pendant environ deux heures trente, soit une demi-heure de plus que prévu, les adversaires ont confronté leurs points de vue sans concession. Ségolène Royal a attaqué dès la première minute. Nicolas Sarkozy ne l’a pas laissée faire. Les journalistes ont eu bien du mal à les amener à répondre aux questions. L’enjeu était important, aucun des deux n’avait l’intention de céder. Au final, le débat a été mouvementé et parfois décousu.

Si l'intérêt d’un débat, c’est l’imprévu, alors celui qui s’est déroulé entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy a été réussi. Qui aurait pu imaginer, en effet, que leur principale bataille aurait lieu autour de la question des handicapés ? Chacun des deux candidats avait, il est vrai, abordé ce problème durant sa campagne. Mais ce sujet difficile sur lequel ils avaient proposé des avancées ne semblait pas être celui qui pouvait déclencher un affrontement. C’est pourtant ce qui s’est produit.

La colère de Ségolène Royal contre Nicolas Sarkozy lors de leur débat télévisé. DR
La colère de Ségolène Royal contre Nicolas Sarkozy lors de leur débat télévisé.
DR

Ségolène Royal a estimé que Nicolas Sarkozy avait atteint «le summum de l’immoralité politique» lorsqu’il a évoqué le droit opposable à la garde des enfants, et notamment des enfants handicapés. La candidate socialiste a pris la parole pendant plusieurs minutes pour dénoncer avec virulence «l’écart entre le discours et les actes» puisque la droite avait stoppé le programme «Handiscol». Cela a donné l’occasion à son concurrent de l’UMP de lui répondre : «Je ne vois pas pourquoi Madame Royal s’énerve», d’affirmer qu’elle avait «perdu ses nerfs». Puis de poursuivre : «Je ne mets pas cause votre sincérité, ne mettez pas en cause ma moralité».  Elle a, quant à elle, continué en revendiquant le droit de se mettre «en colère».

Et voilà l’un de ces moments où la tension monte, où l’on sent les deux adversaires près du dérapage, où l’on attend pour savoir si l’un ou l’autre va finalement en tirer avantage. Dans le cas présent, pas facile de savoir si Ségolène Royal aura convaincu les Français de la sincérité de sa colère. Ni d’évaluer si la réponse de Nicolas Sarkozy aura réussi à démontrer que la candidate socialiste n’était pas à la hauteur du débat.

Deux stratégies

Ce qui est sûr, c’est que chacun des deux compétiteurs avait choisi une stratégie très différente. Nicolas Sarkozy qui a pris la parole en premier, a essayé de répondre clairement et calmement aux questions posées par les journalistes -Patrick Poivre d’Arvor et Arlette Chabot. Ségolène Royal a cherché, dès le départ, à coincer son adversaire. Elle l’a coupé systématiquement, alors que lui n’a pas osé procéder de la même manière. Très vite, l’enchaînement des questions prévues a été bouleversé. Et un jeu de ping-pong s’est engagé entre les deux candidats, dans lequel les animateurs n’ont pu que contrôler, plus ou moins d’ailleurs, le temps de parole.

Le thème des 35 heures a fait partie des sujets les plus conflictuels. Pour Nicolas Sarkozy, la logique du partage du travail que veulent les socialistes est une «erreur monumentale». Pour Ségolène Royal, au contraire, la proposition de supprimer les charges sociales sur les heures supplémentaires faite par son adversaire aboutira à «empêcher l’embauche». La question des retraites a, elle aussi, donné lieu à des échanges très vifs. Nicolas Sarkozy a joué la carte du pragmatisme. Il faut, selon lui, financer le système des retraites par répartition et mettre tous les salariés sur le même plan. Ségolène Royal a préféré le terrain des principes. Il faut, à l’entendre, tenir compte de la pénibilité et mettre fin aux injustices.

Attaque et contre-attaque

Globalement, Ségolène Royal a essayé de pousser Nicolas Sarkozy à la faute en le mettant sous pression, en le coupant et en le fixant d’un regard perçant, souvent teinté d’ironie. Lui a joué la carte de la sérénité coûte que coûte. On sentait tout de même une tension lorsqu’il préférait répondre en regardant les journalistes plutôt que sa rivale. Ségolène Royal a souvent pointé le fait qu’il était le candidat sortant en ramenant le débat sur sa responsabilité dans la politique menée ces cinq dernières années. Nicolas Sarkozy a saisi toutes les occasions pour la coincer sur le fond des dossiers. Sur le nucléaire et l’entrée de la Turquie dans l’Europe, Nicolas Sarkozy a, de cette manière, marqué quelques points en plaçant Ségolène Royal dans la position d’une candidate qui ne tranche pas. Il a dit qu’il était sans ambiguïté pour le nucléaire. Elle a dit qu’elle renoncerait à la nouvelle génération de centrales (EPR) mais ne mettrait pas un terme au programme d’énergie nucléaire. Nicolas Sarkozy a affirmé qu’il s’opposerait à l’entrée de la Turquie en Europe. Ségolène Royal a ménagé toutes les options en parlant d’une «pause» et en laissant envisager qu’elle pouvait modifier son point de vue en fonction de l’évolution des négociations en cours.

Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont, en fait, été tels qu’on pouvait les attendre. Elle, en position d’outsider un peu vindicative car jouant le tout pour le tout. Lui, en favori conscient du fait qu’il lui fallait tenir sans faiblir et jouer la contre-attaque. Plus qu’à un duel, ils se sont donc livrés à un match, dans un studio qui ressemblait d’ailleurs à un ring.



par Valérie  Gas

Article publié le 03/05/2007 Dernière mise à jour le 03/05/2007 à 23:55 TU

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(Photo : AFP)
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