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Guinée

Les militaires réclament violemment leur dû

Des militaires guinéens, à Conakry, pendant les événements de janvier. 

		(Photo : AFP)
Des militaires guinéens, à Conakry, pendant les événements de janvier.
(Photo : AFP)
Les soldats guinéens mécontents ont manifesté dans toutes les bases militaires du pays. Pendant plusieurs heures, durant les soirées du 2 et du 3 mai, ils ont fait usage de leurs armes. Chaque fois, plusieurs dizaines de personnes ont été blessées par balles. Un premier bilan fait état de deux morts et de 73 blessés.

Les militaires ont manifesté leur mécontentement dans la plupart des villes qui accueillent des casernes militaires en Guinée. Conakry, Kindia, 130 km à l’est de la capitale, Labé à 400 km au nord,  Macenta à 800 km au sud, Kankan à 600 km à l’est, Faranah et Guékédou au sud-est et Nzérékoré à l’extrême est, ont connu leur lot de nuit chaude où, par endroit, les militaires sont sortis des casernes en faisant feu. Certains témoins parlent de «tirs nourris» pour décrire l’intensité des coups de feu entendus.

Dans tous les cas, les tirs ont cessé sans intervention de l’extérieur ce qui tend effectivement à accréditer la thèse de la revendication. «Les soldats entendaient attirer l’attention des autorités sur leurs arriérés de salaire», affirment certains militaires, qui toutefois gardent l’anonymat. Cependant, les revendications des soldats ont fait plus d’une vingtaine de blessés à Kindia, par balles perdues, et un mort à Nzérékoré. Dans ces deux villes, les militaires ont mené des actions hors de leur caserne, semant la panique dans les populations civiles. A Labé, un caporal aurait été tué par un autre militaire.

A Kindia, les militaires sont sortis encagoulés et ont fait une descente au domicile du général Kerfala Camara, le chef d’état-major de l’armée guinéenne. Il est originaire de cette ville et son domicile a été saccagé et pillé. A Guékédou, les militaires auraient manifesté sur l’axe routier menant à la Côte d’Ivoire et au Liberia voisins. A Nézérékoré, ville frontalière de la Côte d’Ivoire, les manifestants militaires auraient ouvert le feu sur un homme, gardien de nuit, après quelques échanges verbaux avec lui.

Les nouvelles victimes de l’ancien régime

Les militaires guinéens ont lancé sur toute l’étendue du territoire un mouvement pour réclamer le règlement de leurs arriérés de salaire. Ils réclament, au total, la somme de 300 millions de francs guinéens, soit 75 000 euros qui correspondent, selon eux, à des retenues effectuées sur leurs salaires depuis 1996. Selon les manifestants, des retenues sur salaires avaient été effectuées à cette époque pour sanctionner une mutinerie qui avait fait 300 morts.

Les manifestations des militaires surviennent au moment où le nouveau gouvernement guinéen, conduit par le Premier ministre Lansana Kouyaté, présente un rapport accablant pour l’armée qui a sévèrement réprimé les manifestations et grèves générales de janvier et février derniers. Ce rapport fait état de 137 morts et de 1 667 blessés. Les organisations syndicales, qui étaient à l’origine des protestations contre le régime du président Lansana Conté, les organisations de défense des droits de l’homme et partis politiques réclament une commission d’enquête afin d’établir les responsabilités. «Le temps de l’impunité est passé» avait déclaré, le Premier ministre laissant entendre que des sanctions allaient être prises dans «le strict cadre de ce que la loi autorise».

Les militaires, exposant leurs revendications au grand jour, estiment aussi être des victimes du régime Lansana Conté. Mais la manière de le dire, qu’on soit militaire ou civil est bien différente.

par Didier  Samson

Article publié le 04/05/2007 Dernière mise à jour le 04/05/2007 à 15:46 TU