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Chronique Médias

Polémique autour du livre sur le couple Royal-Hollande

L’ouvrage est seulement en vente dans les librairies depuis hier, 11 mai. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a déjà fait couler beaucoup d’encre. Son titre, La Femme fatale, sonne comme celui d’un polar américain. Mais c’est de la candidate à la présidentielle française, Ségolène Royal, qu’il s’agit ici. Écrit par deux journalistes du quotidien Le Monde, Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué, le livre raconte la crise conjugale traversée par Ségolène Royal et son compagnon, le Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande. D’après les auteurs du livre, dont le titre de travail était Histoires secrètes d’une élection, ce qui aurait poussé Ségolène Royal à se lancer dans la course à la présidence, serait «une blessure d’orgueil», en l’occurrence la liaison supposée de François Hollande avec une journaliste. Ségolène Royal et François Hollande ont d’ores et déjà annoncé, via leur avocat, qu’ils allaient porter plainte pour «atteinte à l’intimité de la vie privée» après avoir lu des passages du livre.

On ne peut s’empêcher de s’interroger. Pourquoi sortir ce livre précisément maintenant, même pas une semaine après la défaite de Ségolène Royal ? «Nous aurions dû publier le livre avant, mais notre enquête, commencée en septembre 2006, a été longue et nous avons pris du retard», se justifie Raphaëlle Bacqué dans les colonnes du quotidien gratuit 20 Minutes. Fort bien, mais pourquoi alors n’a-t-on pas pu lire d’articles sur le sujet dans Le Monde, employeur des deux journalistes ? Les journalistes se défendent, en rappelant que dans un article paru il y a un an et titré «Duel en duo», elles décrivaient déjà les dissensions politiques du couple Royal-Hollande. En tout cas, leur patron, Jean-Marie Colombani, le président du directoire du Monde, ne semble pas leur en tenir rigueur : «Deux jeunes femmes talentueuses ont bien le droit de se lancer dans un projet personnel», a-t-il déclaré cette semaine, lors d’une conférence avec les étudiants en journalisme de Sciences Po, à Paris.

Beaucoup de journalistes se tournent vers l’édition pour y publier leurs scoops

C’est vrai que l’on se demande parfois si les éditeurs sont devenus les nouveaux rédacteurs en chef. Avec la parution de livres ces dernières années comme Bien entendu… c’est off , de Daniel Carton ou encore La face cachée du Monde, on a l’impression que les scoops, les vrais sujets brûlants, sortent plus facilement en librairie que dans la presse. Il faut dire que l’investigation coûte cher, et que le gros des journalistes, pris dans le flux de plus en plus rapide de l’information, ne peut donner dans l’enquête au long cours.

Dans ce cas précis, l’autre problème qui se pose est le récit de la vie privée de personnalités politiques. C’est vrai que l’exercice reste délicat en France. La législation sur la vie privée y est très restrictive et où l’évocation de secrets d’alcôves de hautes personnalités de l’État est toujours considérée comme racoleuse et un peu choquante, à la différence des pays anglo-saxons. «Le livre est un récit politique», se défend Raphaëlle Bacqué, qui rappelle : «La situation était inédite : la candidate socialiste et le secrétaire du parti sont en couple. Il y a des éléments privés mais dont on parle uniquement lorsqu’ils se sont passés lors de manifestations publiques ou médiatiques». On peut en tout cas sans se tromper miser sur de bonnes ventes en librairie. Et aussi se demander : si Ségolène Royal avait été élue présidente de la République, est-ce que ce livre aurait été publié ?


par Delphine   Le Goff

[12/05/2007]

En partenariat avec l'hebdomadaire Stratégies