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Pays-Bas

Don d'organe à la télé : un canular

Les trois malades, candidats réels à un don d'organe et complices de l'imposture, avec - à droite - le présentateur Patrick Lodiers de Nederland 3. 

		(Photo : Reuters)
Les trois malades, candidats réels à un don d'organe et complices de l'imposture, avec - à droite - le présentateur Patrick Lodiers de Nederland 3.
(Photo : Reuters)
The Big Donor Show, une émission de téléréalité au cours de laquelle une femme malade devait choisir entre trois candidats à qui donner son rein, a provoqué un tollé. Diffusé le 1er juin sur la chaîne de télévision Nederland 3, le programme n'était qu’un canular : la femme malade était une actrice. En revanche, les candidats étaient de réels malades. Pour les producteurs de l'émission, il s'agissait d’abord et avant tout de «réveiller les consciences».

Jusqu’à la fin de l’émission, le suspense a plané. Des rumeurs ont bien couru, avant la diffusion, sur la possibilité d’un canular. Mais les condamnations ont continué de pleuvoir du monde entier, classe politique néerlandaise comprise. Malgré le tollé, les producteurs s’en sont tenus à leur ligne : diffuser un programme au cours duquel une femme de 37 ans, Lisa, se sachant condamnée, allait choisir à qui donner son rein, avec l’aide du public.

Pendant plus d’une heure, à partir de 20h30, sur la chaîne publique Nederland 3, des séquences ont dressé le portrait des trois «candidats», deux femmes et un jeune homme. Charlotte, 29 ans, a le plus ému les téléspectateurs, en expliquant ne pas pouvoir boire plus d’un demi-litre de liquide par jour.

Alors que Lisa était sur le point d’annoncer son choix, quelques minutes avant la fin du programme, Patrick Lodiers, son présentateur, a lancé : «même pour nous, donner un rein va un peu trop loin». Il a alors présenté Lisa sous son vrai jour, Leonie, actrice.

Les trois candidats, d’authentiques malades en attente d’une transplantation, savaient depuis le début qu’il s’agissait d’un canular. Ils étaient d’accord pour participer à cette campagne, visant à relancer le don d’organes aux Pays-Bas.

(Source : Nederland 3)

Le véritable but de l’émission consistait en effet à «faire de chaque Néerlandais un donneur». Pas moins de 1 050 personnes sont en attente d’un rein, dans un pays où le temps d’attente moyen et de 4 ans et demi, a insisté le présentateur.

Le rire de Bart de Graaf, ancien directeur de BNN, la société de production du Big Donor Show, mort en 2002, à 35 ans, d’une insuffisance rénale, a retenti à la fin de l’émission.

Les réactions ont été de l’admiration au soulagement. Ronald Plasterk, le ministre des Médias, a parlé d’un «fantastique canular» et d’une «façon intelligente» de soulever le problème, après avoir condamné quelques jours plus tôt un programme «contraire à l’éthique». Son porte-parole a affirmé que Ronald Plasterk envisage lui-même de devenir un donneur d’organe.

Andrea Bakker, une résidente d’Amsterdam qui a reçu un rein après six ans d’attente, estime que l’enjeu, pour les malades, méritait bien une «provocation de cette envergure».

Jan Peter Balkenende, le Premier ministre, a déclaré quelques heures avant l’émission que l’image des Pays-Bas risquait d’être ternie par le Big Donor Show. À l’étranger, plusieurs ambassades des Pays-Bas ont reçu des plaintes, tout au long de la semaine.

«Nous avons travaillé pendant plus d’un an à ce canular, mais nous n’avons jamais pensé qu’il marcherait si bien», a avoué Laurens Drillich, le directeur de BNN. Même les cameramen de l’émission n’avaient pas été mis dans la confidence.

Digne d’Orson Welles, qui avait provoqué la panique aux Etats-Unis, le 30 octobre 1938, en annonçant à la radio le débarquement des martiens, le canular a aussi confirmé le goût des médias pour le sensationnel. Des agences de presse et des équipes de télévision du monde entier ont fait le déplacement jusqu’aux studios de Nerderland 3, pour couvrir l’émission en direct.

Malgré le respect scrupuleux des Pays-Bas pour la liberté des médias, BNN risque d’avoir à faire face à des critiques, dans les jours qui viennent, sur ses méthodes de promotion.



par Sabine  Cessou

Article publié le 02/06/2007 Dernière mise à jour le 02/06/2007 à 08:35 TU