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La soirée électorale sur RFI

«Nicolas Sarkozy a réussi son pari. Il s’était engagé dans cette campagne. Il avait demandé une majorité large, vaste. C’était pour lui une prise de risque politique. Il a donc réussi. On dit toujours que dans une législative, quand elle suit une présidentielle - si vraiment il y a une dynamique de présidentielle - le premier tour de la législative fait à peu près 10 points de plus que le premier tour de la présidentielle. C’est le cas : le candidat Sarkozy avait fait 31,18 % et aux législatives, selon les estimations, l’UMP fait 41,3 %, donc plus 10. C’est une réussite. Du côté du PS, c’est l’inverse : François Hollande s’était engagé. Il avait dit qu’il voulait atteindre la barre des fameux 30 %. C’est déjà arrivé en 81, en 86, en 88. C’était possible compte tenu de l’érosion permanente du Parti communiste. Mais il n’a pas réussi son pari. Il est à 27,2 %, et surtout cela devrait se traduire par une baisse très sensible du nombre de députés socialistes à l’Assemblée.»

Dominique Paillet

Député UMP

«Beaucoup se sont mobilisés - la campagne ayant été longue et l’enjeu était important - pour la présidentielle. Et certains ont considéré que les dés étaient jetés, la présidentielle avait eu lieu, les Français avaient choisi et n’ont sans doute pas mesuré l’importance qu’il y avait à donner au président de la République une vraie majorité et à partir de là, ne se sont pas mobilisés pour ce scrutin.

Nous avons dans ma circonscription un peu moins d’abstention qu’au niveau national mais néanmoins beaucoup plus que ce que nous aurions pu imaginer à la suite de l’engouement qu’avait provoqué la présidentielle.

Dominique Burg / RFI
Un président de la République, Nicolas Sarkozy, très présent, y compris pendant cette campagne des législatives, peut-être trop présent. Peut-être les gens se sont-ils dit qu’après tout c’était lui qui comptait et pas forcément les députés de l’Assemblée ?

DP
Non, je ne pense pas que ce soit ça. Je pense qu’ils avaient, au terme d’un long effort que leur a demandé la campagne présidentielle, très clairement prononcé un verdict. Et prononcé un verdict en faveur de Nicolas Sarkozy. Et pour eux - je le crois et je le crains, parce que pour le second tour il faudrait qu’il se mobilisent davantage - ces législatives étaient superfétatoires

On avait donné à Nicolas Sarkozy la confiance de la population et par conséquent certains n’ont sans doute pas vu l’importance institutionnelle d’envoyer à l’Assemblée une majorité de la couleur du président, en tout cas de se mobiliser pour qu’il en soit ainsi.

Je pense qu’au bout du compte, la majorité sera à peu près de même nature que celle qui avait pu légiférer entre 2002 et 2007

 «Je suis frappé évidemment comme tout le monde par l’ampleur de l’abstention. D’autant plus frappé que cela fait contraste avec ce qu’on avait vu à la présidentielle. Tout le monde avait trépigné d’enthousiasme, considérant que tout ce qui était dit sur la crise de la démocratie française, la démocratie de représentation, a finalement été dénié. Mais le résultat de ce premier tour des législatives en est d’autant plus cruel. Je crois que l’opération d’anesthésie générale à laquelle s’est livré le président de la République depuis un mois a fonctionné parfaitement. C’est à dire que depuis le 6 mai au soir Nicolas Sarkozy est en campagne électorale pour les législatives.

Dominique Burg / RFI
Mais précisément, ce n’est pas une anesthésie…Il a continué à animer le débat politique en France

HW
Oui, il l’a animé à sa façon. C’est-à-dire qu’il a alimenté le robinet à images constamment, envoyant des signaux, couvrant de promesses multiples toutes les catégories socioprofessionnelles, envoyant des signaux positifs à toutes les familles idéologiques quelles qu’elles soient, sans aucun souci de la cohérence. Mais tout ça c’est de la communication. On est dans la communication… Nous avons affaire à un grand communiquant et également un politique tout à fait habile.La façon dont il a orné son gouvernement de quelques personnalités de gauche a été très habile et très significative. La façon dont il a promu une femme comme Rachida Dati, ministre de la Justice, tout cela est un signal très fort également. Et puis le lendemain de sa désignation, de son élection, il a reçu les syndicats et puis ensuite les écologistes. Enfin il a donné de multiples signaux. Il a fait de la communication. Il s’est beaucoup démené, il a beaucoup couru, pas seulement dans son jogging, il a été dans les capitales.

DB / RFI
Et face à cela, on a l’impression que le Parti socialiste et la gauche n’ont pas su trouver le moyen de mettre le pied dans la porte, pour dire « nous on existe »…

HW
Oui, mais nous ne disposons pas exactement des mêmes moyens dans cette bataille. C’est le mot de Jules César à Vercingétorix qui trouve à s’illustrer « Malheur aux vaincus » Celui qui a perdu la présidentielle, lorsque la législative est à 4 semaines derrière, est en très mauvaise posture. Pourquoi ? parce que l’intérêt des médias est porté sur les vainqueurs. D’abord ils ont vaincu, et s’ils ont vaincu, c’est qu’ils étaient les plus forts. S’ils étaient les plus forts, c’est sans doute qu’ils étaient les meilleurs, donc ils bénéficient d’un préjugé favorable. Et puis on se centre sur le nouveau gouvernement, les cabinets, les secrétaires d’Etat, les premières initiatives, les projets de loi, les projets de projets, donc tout cela n’a aucune effectivité, tout cela est dans le domaine du déclaratif, mais tout cela existe déjà.. Donc il y a une inégalité de présence sur la scène médiatique qui est structurelle après une victoire à la présidentielle ou une défaite à la présidentielle.

 C’est d’ailleurs pourquoi jusqu’à présent chaque fois qu’une élection législative suivait une élection présidentielle, celui qui avait gagné l’élection présidentielle emportait la législative, quelque fois avec une grande amplitude. Je me souviens en 1981, François Mitterrand avec 51% des voix, a eu la majorité absolue à l’Assemblée Nationale, à lui tout seul pour les socialistes. Alors en 88, craignant de rééditer le même exploit, il avait mis les électeurs en garde. Il avait dit : « Il n’est pas sain qu’il y ait une majorité trop forte » Les Français l’ont très bien entendu. La majorité était de justesse

«Je trouve ce résultat vraiment très préoccupant pour le fonctionnement des institutions. Parce que si nous sommes rentrés dans un système dans lequel, lorsque le président de la République, quel qu’il soit, est élu, les Français lui donnent une majorité aussi forte et aussi considérable à l’Assemblée nationale, nous sommes dans un système dans lequel il n’y a plus de Parlement.

Plus la majorité est considérable, moins il y a de Parlement. Et c’est ce qui est en train de se passer. Nous plaidons depuis longtemps pour la proportionnelle parce que, même si le Modem ne fait ce soir qu’un peu plus de 7% si j’en crois les estimations, cela lui ferait tout de même 35 députés, si nous étions à la proportionnelle intégrale. Ou en tout cas une quinzaine ou une vingtaine si nous étions à la proportionnelle que nous proposons (c’est à dire pour 50% des sièges).

Je suis en train de dire simplement qu’on vient de fabriquer un système politique dans lequel l’élection du président de la République écrase la totalité du reste. On voit d’ailleurs le taux d’abstention. Les électeurs ont considéré que ça n’avait pas d’importance et que ce n’était pas la peine d’aller voter. Je trouve cela très préoccupant pour l’avenir.»



Article publié le 10/06/2007 Dernière mise à jour le 10/06/2007 à 18:06 TU