par Valérie Gas
Article publié le 20/06/2007 Dernière mise à jour le 20/06/2007 à 19:48 TU
Le président français Nicolas Sarkozy interviewé par des journalistes de TF1 au palais de l'Elysée.
(Photo : Reuters)
A entendre Nicolas Sarkozy répondre à Patrick Poivre d’Arvor et Claire Chazal, les deux journalistes de TF1 qui l’interviewaient mercredi 20 juin à l’Elysée, on avait l’impression qu’il lui en avait coûté de se mettre un peu en retrait pendant la campagne pour les élections législatives. Non pas qu’il le regrette : il a bien expliqué qu’il avait agi en conscience après avoir «hésité». Mais son tempérament le porte naturellement à s’impliquer, l’envie était donc là. On l’a bien sentie. Et le fait que la campagne ait un peu tourné à l’aigre pour l’UMP, entre les deux tours des législatives, pour cause de polémique sur la TVA sociale, a dû rajouter une dose de tentation.
Pour autant, Nicolas Sarkozy n’a pas voulu laisser courir les attaques contre Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Economie, qui avait participé à mettre ce sujet sensible sur la table à un moment jugé inopportun par certains membres de l’UMP. Le chef de l’Etat a d’abord estimé qu’il n’y avait pas de bon ou de mauvais moment pour «dire la vérité aux Français». Il a ensuite affirmé que s’il y avait un responsable, cela ne pouvait être que lui. Pas question de laisser l’ombre d’un doute sur la valeur et les qualités d’un membre de son gouvernement, qui est d’ailleurs le numéro deux derrière François Fillon. Fin de l’épisode.
Un gouvernement qui ressemble aux Français
Un gouvernement dont Nicolas Sarkozy s’est d’ailleurs montré fort satisfait. Bien sûr, Alain Juppé n’en fait plus partie. Et le chef de l’Etat a jugé que c’était là un «appauvrissement». Mais c’était bien la règle : un ministre battu aux législatives devait renoncer à son portefeuille. Nicolas Sarkozy n’a pas laissé d’ambiguïté sur le fait qu’il était impensable qu’Alain Juppé reste ministre de l’Ecologie.
Mais pour ce qui concerne les autres membres de l’équipe, le président de la République a affirmé qu’ils avaient toutes les qualités requises. Et d’abord, celle de «ressembler à la diversité des Français». Ce qu’il a présenté comme une véritable avancée. Il s’est défendu d’avoir négligé la part laissée aux femmes en insistant sur le niveau des ministères qu’elles occupent : l’Intérieur, la Justice, l’Economie… Rien que de l’inédit. Et pour l’ouverture confirmée dans le remaniement post-législatives, elle correspond, semble-t-il, à une volonté profonde de casser les frontières partisanes et de gouverner en associant tout le monde. Nicolas Sarkozy a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’un «coup».
«Faire le mieux possible»
Car c’est bien là, encore une fois, le message fort de Nicolas Sarkozy devenu chef de l’Etat : il n’est pas l’homme d’un clan, d’un parti, d’une famille, il est le président de tous les Français. Il gouverne donc avec une seule idée en tête : «l’intérêt général». Il n’a qu’une ambition : «faire le mieux possible». Il a aussi essayé de se présenter comme un homme comme les autres, avec ses faiblesses et ses doutes. Mais un homme plein de bonne volonté et convaincu de la nécessité de faire bouger les choses. Le président a voulu donner une image moderne et dynamique.
Le choix de répondre aux questions de deux journalistes, plutôt que de prononcer une allocution, va dans le même sens. Même si l’entrevue s’est déroulée à l’Elysée, dans le bureau du chef de l’Etat, le ton était détendu et les sièges étaient disposés de manière à ce qu’il y ait une certaine proximité. Nicolas Sarkozy a expliqué : «Je ne pense pas que les Français veulent un président glacé qui devienne glaçant».
Il veut donc être un chef de l’Etat proche mais néanmoins déterminé à mener à bien toutes les réformes dont la France a besoin et qu’il s’est engagé à mettre en oeuvre. Le fil conducteur de l’action gouvernementale est sans conteste la volonté d’innover. Dans le domaine du fonctionnement des institutions, Nicolas Sarkozy veut «dès l’été» faire des propositions destinées à rendre la démocratie française «exemplaire» et permettre de mieux «encadrer le pouvoir du président de la République» : création d’un statut de l’opposition, augmentation du nombre de commissions au Parlement, réforme des procédures des nominations, modification de la règle en vertu de laquelle le président ne peut s’adresser directement aux députés. Le chef de l’Etat s’est engagé à consulter toutes les formations politiques dans l’espoir «de rassembler sur ces idées une majorité qui ira au-delà de (sa) propre majorité». Une nécessité car de telles modifications institutionnelles ne peuvent être obtenues qu’en réunissant une majorité des trois cinquièmes au Parlement.
Relever le défi européen
Sur la TVA sociale, Nicolas Sarkozy n’a pas fait marche arrière. Il a expliqué en quoi cette mesure pouvait permettre de lutter contre les délocalisations en même temps que de financer la sécurité sociale. Il a justifié ce choix par les expériences menées dans d’autres pays qui semblent avoir donné des résultats. Il a garanti qu’il y aurait une étude de faisabilité, puis une expérimentation dans un secteur limité. Il a pris acte des craintes des Français concernant leur pouvoir d’achat. Et surtout, il a mis la polémique sur le compte des manœuvres politiciennes menées par les socialistes.
Dans d’autres domaines, Nicolas Sarkozy n’a pas laissé la place au doute. Les franchises médicales seront appliquées. Le service minimum dans les transports aussi. La réforme des universités sera menée. Il a été élu sur ces projets, il les fera aboutir. Les négociations engagées avec les différents partenaires impliqués dans ces dossiers doivent décider des modalités de mise en œuvre, pas de l’objectif final.
A la veille du Sommet européen de Bruxelles, Nicolas Sarkozy a aussi évoqué l’Europe. Le président français a plaidé ces dernières semaines auprès des principaux chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union pour les rallier à son idée de «Traité simplifié». Il s’est félicité d’avoir réussi à les convaincre que la Constitution était «morte» et qu’il fallait donc rédiger un autre texte différent pour sortir l’Europe de l’impasse et lui permettre de fonctionner. A Bruxelles, il va devoir relever un autre défi : tenter de faire en sorte que les Européens se mettent d’accord sur le contenu du texte. Et ça, Nicolas Sarkozy l’a reconnu, ce ne sera pas le plus simple.