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Australie

Les aborigènes interdits d'alcool et de pornographie

La communauté aborigène présente aujourd'hui environ 2% de la population australienne. 

		(Photo : AFP)
La communauté aborigène présente aujourd'hui environ 2% de la population australienne.
(Photo : AFP)

Le gouvernement fédéral australien veut prendre le contrôle des communautés indigènes. Son but : lutter contre une pédophilie largement répandue dans les communautés aborigènes des Territoires du Nord et causée, selon un rapport, par l’alcoolisme d’une grande partie de ses habitants. Cette mesure drastique met une nouvelle fois en évidence les conditions sociales misérables des autochtones australiens, dans un contexte politique, déjà particulièrement tendu depuis quelques semaines.


La semaine dernière, le rapport d’une commission gouvernementale sur les communautés aborigènes avait alarmé l’opinion publique australienne. Dans ce texte, la très renommée spécialiste de la santé aborigène, Pat Anderson, avait dénoncé la multiplication des agressions sexuelles sur mineurs, provoquées par «un fleuve d'alcool. Que ce soit au niveau spirituel, social ou psychologique, nous assistons à un effondrement total des familles où des gens sont ivres la plus part du temps. Leurs enfants ne sont pas en sécurité».

La réponse du Premier ministre John Howard ne s’est pas fait attendre : interdiction de l’alcool et de la pornographie pour les aborigènes pendant six mois, tel était le verdict. Pour appliquer cette mesure drastique, le gouvernement fédéral compte prendre le contrôle des communautés indigènes et de remplacer de ce fait les autorités locales des Territoires du Nord.

«Nous faisons face à un groupe de jeunes Australiens pour qui le concept de l'innocence enfantine n'a jamais existé», a justifié M. Howard l’action de son gouvernement devant le Parlement, avant de qualifier le sort des enfants aborigènes d’«urgence nationale».

Contexte politique tendu

L’annonce du Premier ministre conservateur intervient dans un contexte social et juridique particulièrement tendu cette semaine. Pas plus tard que mercredi, 20 juin, un verdict de la Cour suprême de Townsville a suscité la colère des autochtones : un officier de police australien, accusé d’avoir tué par coups et blessures un aborigène du Queensland, a été acquitté «faute de preuve». Et ceci malgré une autopsie sans équivoque, montrant que Camerin Doomadgee était décédé suite à une hémorragie interne, son foie ayant été sectionné. Le jury, composé exclusivement des jurés blancs, en a décidé autrement. Ce procès était le premier dans l’histoire de l’Australie contre un policier poursuivi pour la mort d'un aborigène pendant sa garde à vue. David Camroux, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales, et spécialiste de la région Asie-Pacifique, explique que la population carcérale des aborigènes est nettement supérieure à leur pourcentage dans la population australienne. Il est interrogé par Nathalie Tourret :

Un verdict qui va faire du bruit dans la communauté aborigène d'Australie

«C’était un peu le procès «test» pour savoir s’il y avait une véritable justice pour les Aborigènes.»


Le refus d’une excuse officielle

Qu’il s’agisse de l’annonce de l’interdiction de l’alcool ou de l’acquittement de l’officier, les deux cas mettent une nouvelle fois en lumière la condition misérable des Aborigènes en Australie. Plus de 200 ans après l’installation des premiers colons anglais sur cette île-continent, les autochtones restent aujourd’hui des citoyens de deuxième rang : des taux très élevés de chômage, d’alcoolisme, de toxicomanie et de violences conjugales et familiales sont responsables d'une espérance de vie de 17 ans inférieure à celle des autres Australiens. Les associations d’Aborigènes sont convaincues qu’il existe une seule façon de sortir de cette situation indigne : la réconciliation nationale et la reconnaissance des abominations dont ils ont été victimes au cours des siècles derniers. 

Lors de son discours d’investiture en 1996, le Premier ministre, John Howard, avait fait de la réconciliation entre les communautés aborigène et blanche, une de ses priorités politiques. Le chef du gouvernement se donnait jusqu’à la fin de l’an 2000 pour aboutir à un document de réconciliation nationale. Seulement voilà, sept ans plus tard, ce document n’existe toujours pas. Car sur ce point crucial de la question des excuses officielles de l’Etat australien auprès des Aborigènes, les opinions divergent. John Howard refuse de reconnaître officiellement la responsabilité des gouvernements antérieurs. La classe politique craint en effet les demandes de compensations financières des victimes de la politique de l’assimilation forcée.       



par Stefanie  Schüler

Article publié le 21/06/2007 Dernière mise à jour le 21/06/2007 à 15:13 TU