par Stefanie Schüler
Article publié le 28/06/2007 Dernière mise à jour le 28/06/2007 à 16:24 TU
Le drapeau de la République populaire de Chine hissé dans le ciel de Hong-Kong a beaucoup inquiété la communauté internationale, il y a 10 ans. «La mort de Hong-Kong» titrait par exemple le magazine américain Fortune, au moment même où la Chine prenait le contrôle de l’île, après 156 ans de colonisation britannique. Depuis, cette inquiétude a cessé : du point de vue économique, la «perle d’Asie» se porte mieux que jamais. La démocratisation promise se fait, en revanche, toujours attendre.
A l’occasion du dixième anniversaire de la rétrocession de Hong-Kong à la république populaire de Chine, Donald Tsang a voulu marquer la dimension historique de cette date. Le chef de l’exécutif de la région administrative spéciale de Hong-Kong a donc écrit une lettre à ses quelque sept millions de concitoyens, dans laquelle figurait la phrase suivante : «Notre identité nationale n’a jamais été aussi forte».
Une décennie après le départ des derniers administrateurs britanniques de leur colonie asiatique, les dirigeants chinois à Pékin sont rassurés : leurs efforts semblent porter leurs fruits pour ramener les Hong-kongais, «égarés» par 156 ans d’influence occidentale, au sein de la grande famille chinoise. Selon une étude de l'université de Hong-Kong, le nombre de jeunes se sentant «Chinois d'abord, Hong-Kongais ensuite» est passé de 16% en 1996 à 22% aujourd'hui. Le nombre de ceux qui se sentent seulement «Hongkongais» a reculé de 34 à 29%. «De plus en plus s'attribuent une double identité : Chinois-Hong-Kongais», résume Lam Shui-fong, professeur responsable de l'enquête, qui a questionné plus de 4 000 adolescents de l’île.
L’influence du Royaume-Uni n’a certes pas encore disparu, mais elle diminue de mois en mois. Ainsi, en 1996, Hong-Kong comptait encore 175 000 citoyens anglais ; il n’en reste plus aujourd’hui que quelque 25 000. Au fur et à mesure que les Britanniques quittent l’île à laquelle ils étaient tant attachés, les Chinois du continent s’y installent. En dix ans, un demi-million de ressortissants de la République populaire ont élu domicile à Hong-Kong.
"Un pays, deux systèmes" |
Le 19 décembre 1984, le Premier ministre britannique Margaret Thatcher et le numéro un chinois Deng Xiaoping signaient la déclaration commune sino-britannique. Ce traité international fixait les conditions de la rétrocession de Hong-Kong (l’île de Hong Kong, Kowloon et les New Territories) à la République populaire de Chine (RPC). Dans cette déclaration commune, la Grande-Bretagne déclare remettre son ancienne colonie de Hong Kong à la RPC le 1er juillet 1997. De son côté, Pékin s’engage à ne pas étendre le socialisme pratiqué en RPC à Hong-Kong. Pendant cinquante ans, le territoire doit conserver son système capitaliste, son Parlement, son «chef de l'exécutif» et son système judiciaire hérité des Anglais, ainsi que l'ensemble de ses libertés fondamentales. |
Du point de vue économique, non seulement Hong-Kong n’est pas devenue communiste, mais c’est bien la Chine qui est devenue capitaliste. C’est la mère patrie qui a dopé la croissance de l’ancienne colonie, mise à mal par la crise asiatique en 1997. Aujourd’hui, la bourse est à son zénith, l’économie croît en moyenne de 5 % par an, et le chômage a atteint, à 4,3%, son plus faible niveau depuis huit ans. Dans ce contexte florissant, il n’est pas étonnant que presque neuf Hong-Kongais sur dix n’aient pas d’inquiétude sur le plan économique.
Espoirs démocratiques repoussés
Hong-Kong a réussi à maintenir pendant cete décennie son statut d’autonomie vis-à-vis de la Chine continentale. Tout le monde s’accorde sur le fait que le principe d’«un pays, deux systèmes» a été couronné de succès. «Nos inquiétudes se sont largement avérées injustifiées» a dernièrement reconnu Margaret Thatcher sur les ondes de la BBC. Même son de cloche chez le dernier gouverneur britannique à Hong-Kong, Chris Patten : «Hong-Kong est libre et libéral», a-t-il confirmé dans une interview avec le quotidien South China Morning Post.
Il est vrai qu'à Hong-Kong, la presse et la justice jouissent toujours d’une indépendance incomparable avec ce qui se passe en République populaire de la Chine. Il est vrai aussi qu’on peut manifester à Hong-Kong, et exercer ainsi son droit fondamental à exprimer son opinion. Mais il reste aujourd’hui un problème, qui constitue une véritable épine dans le pied du camp des démocrates : l’instauration du suffrage universel.
Londres avait obtenu que ce point important soit enchâssé dans la loi fondamentale de Hong-Kong, mais seulement comme un «but ultime». Pékin pour l’instant refuse toujours tout échéancier. Aujourd'hui, seule la moitié des députés hongkongais sont élus au suffrage universel. Les autres sont désignés par le pouvoir central. Hong-Kong n'est «pas mûr» pour le suffrage universel, a décrété en 2004 le Parlement chinois.
Leung Kwok Hung, député du Conseil législatif de Hong-Kong, a une lecture toute autre : «Pékin ne veut pas de démocratie pour nous, car Hong-Kong est devenu un modèle pour la Chine. Si nous obtenions de vraies élections, toute la Chine voudrait la même chose».