par Stefanie Schüler
Article publié le 29/06/2007 Dernière mise à jour le 29/06/2007 à 17:17 TU
La Russie a annoncé vendredi que Caracas envisageait de lui acheter cinq sous-marins, de quoi renforcer la grogne de Washington dont les relations avec Moscou sont déjà tendues. Le président vénézuélien, Hugo Chavez, en visite en Russie, a confirmé que son pays était intéressé par une telle acquisition. Le Kremlin a estimé toutefois que cette question ne pèserait pas sur la rencontre des présidents Vladimir Poutine et George Bush les 1er et 2 juillet aux Etats-Unis. Fervent pourfendeur des Etats-Unis, le président vénézuélien a poursuivi vendredi sa tournée «anti-américaine» entamée jeudi à Moscou en se rendant pour quelques heures au Bélarus, une ex-république soviétique très isolée qualifiée de «dernière dictature d'Europe» par Washington. «L'empire nous traite de dictateurs mais ce sont eux qui veulent imposer la dictature mondiale», a-t-il ironisé à propos des Etats-Unis lors d'un entretien avec son homologue Alexandre Loukachenko. Le chef de l'Etat vénézuélien devait ensuite retourner en Russie, où il assistera ce samedi à des courses de chevaux avec le président Vladimir Poutine et visitera une usine d'hélicoptères avant de s'envoler pour l'Iran, autre membre du «front» anti-américain.
Hugo Chavez est ce qu’on appelle un bon client : l’année dernière déjà, il a acheté aux marchands d’armes russes 24 chasseur Soukhoï, 35 hélicoptères militaires et 100 000 fusils d’assaut Kalachnikov pour un prix total de 3 milliards de dollars. Cette fois-ci encore, le président vénézuélien veut renforcer l’équipement militaire de son pays.
«Des négociations ont lieu actuellement entre la Russie et le Venezuela pour la vente de cinq sous-marins du modèle 636», a annoncé vendredi Innokenti Naletov, conseiller de l'agence publique russe d'exportation d'armements Rosoboronexport. Selon ce responsable, des discussions sont également en cours pour la livraison d'équipements aux armées de terre et de l'air vénézuéliennes.
Cette course à l’armement, le leader populiste l’explique par la «menace» supposée qui pèserait sur le Venezuela : Hugo Chavez brandit le danger d’une invasion américaine dans son pays. Sous ce prétexte, le chef d’Etat a véritablement militarisé la vie politique vénézuélienne depuis son arrivée au pouvoir il y a huit ans. Lui-même ancien colonel et à la tête d’un putsch manqué en 1992, Hugo Chavez a placé ses anciens compagnons de route, gradés ou ex-gradés, dans tous les niveaux politiques du pays. S’ajoute à cela la création d’une «armée de réserve», forte de 2 millions de personnes.
L’agitation militariste du Venezuela inquiète et agasse Washington. Avec ses appels permanents à la «révolution», Hugo Chavez est devenu la véritable bête noire des Etats-Unis où l’administration Bush voit d’un très mauvais œil le tandem russo-vénézuélien. Un tandem d’ailleurs, dont un des partenaires pédale visiblement plus que l’autre.
Chavez appelle Poutine son «frère»
Dès son arrivée à Moscou, jeudi, Hugo Chavez a pratiqué ce qu'il maîtrise à merveille, à savoir, cultiver l’art de la controverse. A peine avait-il posé un pied sur le sol russe, que l’auto-déclaré «leader mondial de l’anti-impérialisme américain» lançait déjà ses attaques devenues habituelles contre les Etats-Unis, sans oublier de les adaptér au contexte de son voyage:
«L'impérialisme américain détruit les peuples, s'attaque à leurs valeurs culturelles traditionnelles», a-t-il déclaré avant d’estimer que la Russie et le Venezuela étaient du même bord : «Comme vous, nous luttons pour un monde juste fondé sur le respect de tous les peuples».
Accueilli ensuite par Vladimir Poutine dans sa résidence de campagne à Novo-Ogarevo, près de Moscou, Hugo Chavez lui a lancé «Merci, frère! Merci pour ton invitation!». Face à l’enthousiasme exubérant de son invité, le chef du Kremlin a employé un ton beaucoup plus sobre. Aux journalistes sur place, le président russe a expliqué que la «coopération économique et les liens technico-militaires» seraient au menu des discussions.
Moscou ne veut pas irriter la Maison Blanche
Si le président Poutine a choisi de calmer le jeu anti-américain du leader de la gauche en Amérique latine, c’est probablement parce qu’il juge le moment peu propice pour lancer une nouvelle polémique entre Moscou et Washington. Alors qu’il s’était fait remarquer lui-même ses dernières semaines par un discours agressif envers le gouvernement américain, Vladimir Poutine a pour l’instant intérêt à ne pas créer de nouvelles tensions. Car le chef du Kremlin sera reçu, le 1er et 2 juillet, par George W. Bush dans sa résidence familiale à Kennebunkport, dans le Maine. Un honneur qu'aucun autre dirigeant ne s'est encore jamais vu accorder.
«Il semble que le Kremlin ait décidé de ne pas irriter la Maison Blanche à l'approche de la rencontre entre les présidents américain et russe», constate donc le quotidien russe Kommersant. Et, en effet, malgré les points de friction avec Washington, notamment sur le projet américain d’étendre le bouclier antimissile en Europe de l’Est, Poutine dit qu'il tient toujours George Bush pour un partenaire et un ami.
Dans cette logique d’apaisement transatlantique, le Kremlin a tenté de rendre la visite du très bruyant Hugo Chavez la plus discrète possible. La Douma, le Parlement russe a abandonné l’idée d’inviter le président vénézuélien à s'adresser depuis la tribune à l'ensemble des députés. Au lieu de quoi, le leader populiste latino-américain a tenu un discours dans une autre salle, beaucoup plus petite.