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Pakistan

Mosquée Rouge: la tentation extrémiste

Les étudiants des écoles coraniques des frères Ghazi à Islamabad défient les forces de sécurité. 

		(Photo : Reuters)
Les étudiants des écoles coraniques des frères Ghazi à Islamabad défient les forces de sécurité.
(Photo : Reuters)

Depuis plusieurs mois déjà, les fondamentalistes musulmans défient le pouvoir du président Musharraf. Ils ont leur quartier général à la mosquée Rouge. Pour le chef d’Etat, allié important de l’Occident dans la lutte antiterroriste, la situation devient de plus en plus délicate.


La mosquée Rouge est la plus vielle mosquée d’Islamabad. Le complexe appartient officiellement à l’Etat, mais il est aujourd’hui le cœur même de la contestation islamique au Pakistan. Deux maulanas radicaux sont aujourd’hui les maîtres incontestables de ce quartier général fondamentaliste : les frères Abdul Aziz et Abdul Rachid Ghazi.

Leur père, le maulana Mohammad Abdullah avait fait construire le bâtiment en brique rouge au centre même de la capitale pakistanaise. C’est lui encore qui avait transformé ce lieu religieux en un haut lieu de la lutte islamique. C’était dans les années 1980, lorsque des combattants islamistes - soutenus par le Pakistan, mais aussi par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite - luttaient contre l’Union soviétique en Afghanistan.  

Abdullah et ses fils partageaient le milieu fondamentaliste avec Oussama ben Laden, auquel Abdul Aziz et Abdul Rachid Ghazi vouent toujours la même admiration, aussi irrévocable que leur soutien sans faille à la cause des talibans.

L’école déobandie : le nouveau radicalisme des ultra-traditionalistes

Abdul Aziz et Abdul Rachid Ghazi appartiennent à l’école de pensée sunnite déobandie, une école ultra traditionaliste, devenue principale matrice du nouveau radicalisme néo-fondamentaliste, très présent dans le sous-continent indien.

Cette pensée est la base des écoles coraniques - une pour filles, Hafsa, une autre pour garçons, Faridia - que les frères Ghazi ont fondées à Islamabad sur le terrain de la mosquée Rouge. Les deux madrassas comptent aujourd’hui dans leur ensemble environ 9 000 étudiants âgés de 10 à 20 ans, dont près de la moitié sont des jeunes femmes.

Imposer la charia

Depuis plusieurs mois, les radicaux de la mosquée Rouge durcissent le ton vis-à-vis des autorités et sèment l’inquiétude dans les rues d’Islamabad. Les étudiants organisent des autodafés gigantesques d’objets « non islamiques », comme des disques, cassettes et magnétoscopes. Les frères Abdul Aziz et Abdul Rachid appellent à des « cours de charia » dans la mosquée Rouge durant lesquels sont traités des cas de « personnes qui se laissent aller à des pratiques immorales ». Les étudiantes de l’école Hafsa ont occupé une bibliothèque publique pour enfants et kidnappé un bébé et trois femmes, dont une tenancière d’une maison close à Islamabad. « J’ai été frappée, traînée avec une corde, comme un chien. Cette école coranique est un nid de terroriste. Ce qu’ils font n’a rien à voir avec l’Islam ». « Si le gouvernement a échoué à nettoyer la société, c’est notre responsabilité », avait alors répondu Abdoul Rashid Ghazi justifiant l’action de son mouvement : « La vulgarité et l’obscénité détruisent notre société, mais personne n’a le courage de s’y opposer ». L’ensemble de cette agitation fondamentaliste ne sert qu’à un seul but : forcer le gouvernement à imposer immédiatement la charia, la loi islamique. 

Le président Musharraf en position difficile face aux islamistes

Pervez Musharraf, président du Pakistan depuis 1999, se trouve dans une situation particulièrement inconfortable. Huit ans après son arrivé au pouvoir, il doit désormais faire face à des critiques venues de tous les camps confondus. L’opposition s’est encore renforcée dernièrement avec l’affaire Mohamad Chaudhry, le président de la Cour suprême, suspendu de ses fonctions par le chef d’Etat. Depuis, autant le dire, Pervez Musharraf n’a plus beaucoup d’amis vers lesquels il pourrait éventuellement se tourner. Cela tombe d’autant plus mal que le président prépare actuellement l’élection parlementaire en automne prochain, une élection qui devait lui assurer la prolongation de son mandat en tant que chef d’Etat. Mais vu la situation actuelle au Pakistan, rien ne semble pour le moment moins sûr.

Manipulation politique ?

Certaines voix commencent alors à se lever, soupçonnant Pervez Musharraf de chercher délibérément l’affrontement avec les islamistes radicaux et de tirer politiquement profit des violences autour de la mosquée Rouge. Un ancien agent des services secrets a ainsi déclaré que l’action gouvernementale contre les frères radicaux de la mosquée Rouge et leurs fidèles servait uniquement à manipuler et contrôler le pouvoir : « Musharraf veut créer assez de troubles pour imposer l’état d’urgence afin de repousser les prochaines élections. Parce qu’il a besoin du soutien des Américains, le régime veut montrer aux Occidentaux que le danger islamiste est présent et qu’il faut continuer à soutenir Musharraf ».

Les Etats-Unis et l’Europe, quant à eux, observent avec une inquiétude croissante la crise que traverse leur principal « allié » de la région dans la lutte contre le terrorisme. 



par Stefanie  Schüler

Article publié le 04/07/2007 Dernière mise à jour le 06/07/2008 à 10:26 TU