Article publié le 07/07/2007 Dernière mise à jour le 07/07/2007 à 06:42 TU
Par notre correspondante à Nouakchott, Manon Rivière
« Avant, c’était le sable de Mauritanie qui atterrissait aux Açores. Maintenant, ce sont les émigrés sub-sahariens qui s’y échouent »… Cette déclaration du porte-parole de la Convention pour la lutte contre la désertification est éloquente. En Mauritanie, comme dans toute la zone sahélienne, il existe en effet un cercle vicieux qui lie directement le changement climatique à la pauvreté, qui elle-même débouche sur l’exode rural et ouvre la voie à l’émigration.
Victime dans les années 70 et 80 de plusieurs vagues de sécheresse sévères, la Mauritanie a littéralement changé de visage en trente ans. Autrefois majoritairement nomade, la population a aujourd’hui adopté un mode de vie sédentaire et Nouakchott, la capitale, est au bord de l’explosion. Au moment de l’indépendance, en 1960, la ville abritait 5.000 habitants. Aujourd’hui, selon les estimations, elle en compte entre 600.000 et 1 million, avec les problèmes d’adduction d’eau ou encore de collecte des déchets que cela pose. « La sécheresse a eu pour conséquence le départ massif des populations rurales à destination des grandes concentrations urbaines. Elles sont venues y chercher un emploi et un mieux-être, mais n’ont fait que grossir les rangs des déshérités, concède Moustapha Ould Dié, le représentant de l’ADEN, l’Association pour la défense de l’environnement. Pour freiner cette migration massive vers les centres urbains, il s’avère indispensable de mettre en place des projets centrés sur la création d’activités génératrices de revenus. « Nous appuyons 25 coopératives dans la région du Gorgol, dans le sud du pays, afin d’inciter les gens à rester sur leurs terres », explique ainsi M. Ould Dié.
Déficit pluviométrique et facteurs aggravants
Sur la route qui mène de Nouakchott à Akjoujt, la capitale de l’Inchiri, les dunes s’étalent à perte de vue.
« Avant, ici, il y avait beaucoup d’eau, des animaux, des pâturages », se souvient Ahmed Vall Boumouzouna, le président d’Agir en Faveur de l’environnement. Mais aujourd’hui 90% de notre pays est devenu du désert ». L’association mène des campagnes de reboisement et de construction de puits dans différentes régions sinistrées et implique notamment des coopératives féminines. « L’idée est de montrer aux populations que la dégradation est faite par l’homme, mais que la régénération peut aussi être faite par l’homme », affirme avec enthousiasme M. Boumouzouna, tout en montrant du doigt un périmètre expérimental de 10ha, planté d’arbres naturels.
Avec un climat désertique au nord et sahélien au sud, la Mauritanie souffre d’un déficit pluviométrique structurel. Aux faibles précipitations s’ajoutent les questions du déboisement sauvage, d’érosion des sols et de stabilisation des dunes. Conséquence : les terres cultivables ne représentent que 1% de la surface du pays. Elles se situent le long du fleuve Sénégal et à la frontière avec le Mali, ainsi qu’au nord, dans l’Adrar, qui compte quelques oasis.
Reconnue en 1999 comme membre observateur auprès de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification, l’ONG SOS-Oasis a initié un site pilote à Atar (nord) pour promouvoir la réimplantation du palmier dattier. Un arbre qui s’était raréfié, en raison de la sécheresse et de la détérioration des sols. « Tout est utile dans le palmier, explique Mohamed Ould Souleymane, président du bureau exécutif de l’association. Tout d’abord, les racines servent à stabiliser les sols. Ensuite, avec le bois on construit des abris et on fait du bois de chauffe. Les feuilles constituent du fourrage pour les bêtes et le cœur même des dattes est moulu pour le bétail. SOS-oasis s’est donné pour mission de vulgariser les techniques agricoles en Mauritanie, et notamment la culture sous palmiers. « L’idée est aussi d’introduire de nouveaux aliments, comme les betteraves ou les navets, afin d’améliorer les conditions nutritives des habitants des oasis. »
Les initiatives, locales ou étrangères, ne manquent pas pour tenter de freiner la dégradation environnementale qui frappe toute la zone sahélienne et par conséquent la Mauritanie. Mais elles s’inscrivent souvent dans une logique de court terme. « L’Etat doit mener des investissements lourds pour restaurer le couvert végétal et lutter contre la pauvreté, estime Wilfried Kremer, qui travaille dans le cadre de la coopération allemande. Mais je suis optimiste, car à travers les différents projets de décentralisation, l’Etat commence à investir dans les régions excentrées. En créant l’an passé un secrétariat d’Etat chargé de l’environnement, les autorités ont fait un geste encourageant. Reste aujourd’hui à confirmer l’essai.