par RFI
Article publié le 12/07/2007 Dernière mise à jour le 12/07/2007 à 17:45 TU
Selon des informations publiées par l’hebdomadaire L’Express, Mehdi Ben Barka a été rémunéré par le StB, les services secrets tchécoslovaques, au début des années 1960. Le journaliste et historien Petr Zidek, 36 ans, spécialiste des services secrets, a pu éplucher un dossier de plus de 1 500 pages contenant des renseignements au sujet des activités de l’opposant marocain, qui avait le nom de code « Cheik ». Il aurait ainsi fourni des renseignements à divers responsables de la centrale d’espionnage tchèque, très liée au KGB soviétique. La famille de Ben Barka a considéré que ces révélations sont diffamatoires. Interviewé par RFI, Petr Zidek maintient que Ben Barka a bien été un agent des services secrets de Prague, depuis 1961, jusqu’à sa disparition à Paris en 1965. Le chercher affirme, également, qu’Amilcar Cabral, qui dirigea la lutte pour l’indépendance de la Guinée Bissau, a également bénéficie de l’aide des Tchèques.
Dans son entretien, diffusé le 12 juillet sur RFI, Petr Zidek affirme que le « très volumineux » dossier concernant Mehdi Ben Barka révèle en détail sa collaboration avec les services secrets tchèques, mais que l’opposant marocain a refusé, « par précaution », de rédiger des notes manuscrites pour le compte du StB. Le chercheur tchèque considère que Ben Barka a pu se rendre facilement compte que les diplomates qu’il fréquentait étaient bien des agents secrets, car ils lui demandaient des informations confidentielles, en provenance notamment du ministère français des Affaires étrangères.
Le KGB sous-traitait à travers le StB en Afrique
Ben Barka aurait ainsi « vendu » aux services tchèques des documents présentés comme provenant des services secrets français. Pourtant, les sommes reçues pour ses services « n’étaient pas immenses ». Ainsi, il avait empoché 3 500 francs pour un voyage en Guinée. Cette collaboration avec les Tchèques avait des raisons surtout idéologiques. Elle s’inscrivait dans la « logique de la Guerre froide », étant donné que Ben Barka luttait « contre un régime pro-occidental et pro- américain ».
«Chercher des contacts au niveau politique ne veut pas dire devenir un agent de ces pays.»
Petr Zidek souligne que, dans les années 1950 et 1960, la Tchécoslovaquie était très active en Afrique, « dans tous les domaines : commercial, diplomatique, culturel et même dans l’espionnage, car les Tchèques étaient utilisés par les Soviétiques comme agents d’influence ». Toutes les informations obtenues par Ben Barka étaient immédiatement transmises à Moscou.
Révélations au sujet d’Amilcar Cabral
Outre l’opposant marocain, d’autres révolutionnaires et héros de mouvements de libération africains ont pu travailler également avec les services tchèques. Mais Petr Zidek affirme qu’il ne connait que le cas d’Amilcar Cabral qui a dirigé la lutte pour l’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap Vert, de 1963 jusqu’à sa disparition, en janvier 1973, assassiné par des éléments de son parti, probablement manipulés par les services secrets portugais, la Pide/DGS.
Le chercheur admet que Cabral était fiché comme agent des services secrets tchèques, mais il ne croit pas que le fondateur du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap Vert (PAIGC) ait reçu de l’argent de la part du StB. Les services tchèques lui ont surtout fourni « des munitions et des armes ». Selon Petr Zidek, « Ben Barka était plutôt un politicien, tandis que Cabral était aussi le chef de la guérilla. Près de la frontière avec la Guinée Conakry, il y avait des conseillers tchèques qui travaillaient officiellement pour le régime de Sékou Touré, mais qui ont aidé Amilcar Cabral à faire la guérilla contre l’armée portugaise ».
Les services secrets tchèques ont également soutenu les nationalistes d’Afrique du Sud : « Des gens de l’ANC ont été entrainés pour le combat partisan de guérilla ». Mais Petr Zidek n’a pas pu confirmer si ces personnes exercent encore des fonctions au sein de l’ANC.
«Il était un agent des services secrets tchécoslovaques depuis 1961, jusqu'à sa disparition en 1965.»