par Stefanie Schüler
Article publié le 13/07/2007 Dernière mise à jour le 13/07/2007 à 16:46 TU
Les investigateurs de l'ONU ont pu révéler que la camionnette piégée avait été volée au Japon.
(Photo : AFP)
Le chef de la Commission d’enquête internationale pour le Liban, Serge Brammertz, affirme avoir identifié des suspects impliqués dans l’assassinat contre l’ancien Premier ministre libanais – mais s’abstient de révéler des noms. Tel est le principal enseignement du dernier rapport des enquêteurs, publié jeudi. Dans ce document, la Commission de l’Onu s’inquiète également de l’avenir de sa mission au Liban. Selon elle, les investigations pour retrouver et juger les meurtriers de Rafic Hariri pourraient se trouver entravées par la grave crise politique et sécuritaire qui déstabilise depuis plusieurs mois le pays du Cèdre.
Le dernier rapport du magistrat belge Serge Brammertz comporte 20 pages. Bien que ce soit le huitième bilan intermédiaire de la commission d’enquête depuis la mort de l’ancien chef du gouvernement libanais, Rafic Hariri, en février 2005, la publication de ce document a été particulièrement attendue : en effet, il s’agit du premier rapport des enquêteurs onusiens après la décision du Conseil de sécurité de mettre en place un tribunal international pour le Liban.
Et la publication du rapport marque une avance significative : M. Brammertz y indique avoir identifié des suspects qui pourraient être impliqués dans la mort de Rafic Hariri. L’ancien Premier ministre libanais a été tué le 14 février 2005 à Beyrouth dans un attentat à la camionnette piégée – attentat lors duquel 22 autres personnes avaient également péri. Deux pistes principales ont permis aux enquêteurs d’identifier les personnes impliqués dans l’attentat ou sa préparation.
Camionnette et téléphones portables : les pistes des enquêteurs
En remontant la trace de la camionnette, qui avait explosé en plein centre de Beyrouth, bourrée de 1 800 kilos d’explosifs, les investigateurs de l’Onu ont pu révéler que le véhicule avait été volé au Japon avant de transiter à travers les Emirats arabes unis, puis d’être vendu dans un magasin de Tripoli dans le nord du Liban. Serge Brammertz indique, dans son bilan d’étape, que la commission d’enquête avait « récemment obtenu des informations sur les acquéreurs de la camionnette qui pourraient être impliqués dans la phase de préparation du véhicule piégé ».
Deuxième piste des spécialistes onusiens : six téléphones portables, qui avaient été utilisés pour suivre tout déplacement de Rafic Hariri pendant plusieurs semaines avant sa mort. Selon le chef de la commission d’enquête, ces portables « ont joué un rôle important dans l’étape de préparation et de planification de l’attentat. La commission a établi l’origine des cartes SIM des téléphones mobiles et entend faire la lumière sur les circonstances qui ont entouré la vente de ces dernières et déterminer le nombre exact de personnes les ayant utilisées ».
Concernant le motif de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, les enquêteurs confirment la thèse, avancée depuis les premières heures qui ont suivi l’attentat : il s’agirait bien des positions anti-syriennes de Rafic Hariri.
Mehlis - Brammertz : une différence de méthode
Et pourtant, Serge Brammertz ne donne encore aucun nom. Il ne pointe pas non plus du doigt les responsables syriens, comme l’avait fait son prédécesseur à la tête de la commission d’enquête onusienne, Detlev Mehlis. Ce juge allemand avait évoqué l’implication de hauts responsables de la sécurité syrienne dans l’attentat de février 2005 et avait, de plus, accusé Damas de « faire obstruction à l’enquête ». Son successeur Serge Brammertz, lui, a jugé au contraire que la coopération de la Syrie avec les enquêteurs « a été généralement satisfaisante ».
Il existe indiscutablement, entre les deux hommes, une différence de méthode concernant l’action et la révélation des données. L’actuel chef des enquêteurs onusiens préfère visiblement la discrétion tant que son rapport n’a pas été examiné par le Conseil de sécurité. Ce dernier doit d’ailleurs se pencher sur le bilan d’étape des investigations la semaine prochaine, le jeudi 19 juillet.
La crise actuelle du Liban inquiète les enquêteurs de l’Onu
Mais un autre point inquiète les membres de la commission indépendante : des combats incessants entre l’armée libanaise et islamistes radicaux en passant par les assassinats répétés de leaders politiques appartenant au camp anti-syrien jusqu’à l’attaque contre des soldats de la Force internationale pour la paix dans le sud du Liban – le pays traverse aujourd’hui une de ses pires crises depuis la fin de la guerre civile en 1990. Face à cette situation instable, Serge Brammertz craint pour l’avenir de sa mission : « La dégradation du climat politique et sécuritaire aura probablement un impact négatif sur le travail de la commission d’enquête dans les mois à venir ».