par Monique Mas
Article publié le 19/07/2007 Dernière mise à jour le 19/07/2007 à 17:14 TU
Les chiffres livrés ce jeudi par le Bureau national des statistiques (BNS) chinois donnent le tournis. Ils reflètent une croissance qui se maintient au galop avec une augmentation annuelle du produit intérieur brut chinois (PIB) de 11,9% au deuxième trimestre 2007, soit déjà 11,5% de mieux par rapport à 2006 pour l’ensemble du premier semestre qui vient de s’achever. A ce rythme, d’ici la fin de l’année, la Chine va détrôner l’Allemagne qui occupe la place de troisième puissance mondiale avec un PIB de 2 900 milliards de dollars fin 2006 et un taux de croissance estimé à 3%. Au premier semestre 2007, celui de la Chine est déjà officiellement de 10 680 milliards de yuans (1 390 milliards de dollars). Il devrait dépasser les 3 000 milliards dans six mois. Aucune décélération de la croissance n’est en effet en vue.
Déjà passée devant la France et le Royaume-Uni en 2005, la Chine continue de faire la course économique en tête, à une courte encablure des Etats-Unis ou du Japon. Et cela avec plus ou moins 7 points de croissance de mieux que ces derniers, en pourcentage annuel. Ce n’est pas vraiment nouveau, comme se plait à le souligner le ministre chinois du Développement national, Ma Kai, sur le site gouvernemental China.org, puisque, avec un taux de croissance annuel de 9,67% entre 1978 et 2006, la Chine a connu une évolution économique «plus forte que l’ensemble de l’économie mondiale qui était en moyenne de 3,3% pendant la même période».
Industrialisation rapide
En 2007, la Chine a encore battu d’un demi point (en pourcentage) son taux de croissance 2006. Et l’avalanche de performances en valeur ajoutée publiées le 19 juillet par le BNS manifeste un développement tous azimuts. C'est le secteur secondaire (industrie de transformation, mines et construction) qui avançe le plus vite (+13,6% en base annuelle) en réalisant 5 550 milliards de yuans au premier semestre. Dans la même période, le secteur tertiaire s’est envolé de 10,6 % (+4 180 milliards de yuans), témoignant de l’essor des transports et des télécommunications, de la restauration et du tourisme, mais aussi des activités bancaires et d’assurances.
De fait, en une trentaine d’année, la Chine a parcouru des distances économiques que les pays industrialisés avaient mis un ou deux siècles à franchir. Mais le grand bond en avant le plus spectaculaire remonte à la dernière décennie. A moins qu’il ne soit encore à venir, comme semblent le prophétiser les chiffres époustouflants d’une économie chinoise chauffée à blanc. Mais cette fois, la place économique investie par la Chine en fait un compétiteur de premier rang.
Pays continent abritant 1,3 milliard de consommateurs et des centaines de millions de travailleurs, la Chine est aussi le plus grand détenteur du monde de réserves de change avec un magot de plus de 1 330 milliards de dollars. Une réserve qui «dépasse largement ce qui peut être justifié par des motifs d'assurance» avait grincé la Banque de France dans son bulletin d'information de juin dernier, en lançant que «la richesse d'une nation ne se mesure pas tant par le montant de ses réserves de change que par sa capacité à acheter des biens étrangers grâce à l'amélioration de ses termes de l'échange, à la faveur d'une croissance équilibrée et soutenable».
Excédent commercial record
Dans l’immédiat, la Chine achète surtout des quantités industrielles de matières premières, en Afrique notamment, faisant monter leurs cours et ceux du fret, au grand dam de certains fabricants occidentaux. Pour la technologie à haute valeur ajoutée, Pékin est encore au milieu du gué mais table visiblement davantage sur le savoir-copier de ses propres ingénieurs que sur ses réserves de change. En tout cas, en juin, comme les mois précédents, elle a davantage vendu qu'acheté, son excédent commercial battant un nouveau record mensuel de 26, 91 milliards de dollars.
Au premier semestre 2007, la production industrielle de l’atelier du monde s’est accrue de 18,5 %. Ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle pour les principaux destinataires des marchandises chinoises, Etats-Unis et Europe. Pour sa part la France a perdu une manche dans la bataille du textile. Le 17 juillet dernier, le porte-parole de l'Association de l'industrie textile chinoise, Sun Weibin, s’est félicité de l’issue des négociations avec l’Union européenne. Contrairement aux espoirs français, le 1er janvier 2008 verra la fin des quotas imposés à l’entrée en Europe de 10 catégories de produits textiles chinois, une mesure introduite en 2005 pour contrer la déferlante.
Inquiétudes occidentales
Les experts de la Banque de France relèvent qu’une «croissance déséquilibrée contribue à alimenter des déséquilibres mondiaux dont le dénouement désordonné serait coûteux pour tous» et que «l'appréciation du taux de change peut être un signe, voire un facteur, d'enrichissement». Pour sa part, le commissaire européen au Commerce extérieur, Peter Mandelson, souhaite «que la devise chinoise [le Yuan] soit accrochée à une corbeille de devises, y compris l'euro». De cette manière, dit-il, «on ne dirait pas que la Chine utilise sa devise pour bénéficier d'avantages, déloyaux en quelque sorte, dans l'économie mondiale».
A défaut d’être entendus par Pékin sur le terrain de la «libre» concurrence, les pays les plus industrialisés font valoir les risques de surchauffe économique pour lui prédire un avenir explosif. En présentant les premiers résultats d'une année du Cochon qui s'annonce prospère, le porte-parole du BNS, Li Xiaochao leur a répondu que la Chine est parfaitement capable de ralentir la hausse des investissements en capitaux fixes et que ces derniers ont d’ailleurs augmenté de 25,9 % «seulement» au premier semestre 2007, soit une hausse moins vive de …3,9 points (en pourcentage) par rapport à la même période 2006.
La loi du marché en réponse
Entre autres mesures de refroidissement économique, Pékin a aussi augmenté plusieurs fois les taux d’intérêt et les taux de réserve obligatoire des banques, pour freiner le crédit, et les taxes sur les matières premières ont été augmentées, pour décourager les entreprises dévoreuses d’énergie et de ressources naturelles. Pékin admet toutefois les risques de grogne sociale face à l’augmentation des prix à la consommation.
Ce sont les denrées alimentaires qui ont le plus renchéri, avec une augmentation moyenne de 7,6% en juin, le prix des œufs grimpant de près de 28% et ceux de la viande de quelque 21%. De leur côté, les prix de gros du porc ont augmenté de 74,6% sur un an et de 30% ces deux derniers mois. Epizootie et augmentations du prix de la pâture expliquerait cette hausse faramineuse d’un produit de consommation courante en Chine. Mais au total, selon la BNS «après 30 ans de réformes économiques et de politique d'ouverture, la Chine peut utiliser à la fois les marchés nationaux et étrangers pour absorber sa capacité de production afin de doper sa croissance économique».