Article publié le 22/07/2007 Dernière mise à jour le 22/07/2007 à 11:30 TU
Après l’assaut contre la mosquée Rouge, le président Musharraf a annoncé une réforme des écoles coraniques (madrassas) pour lutter contre l’enseignement radical. Mais la plupart des chefs religieux ont condamné l’opération militaire et sont, pour l’instant, hostiles à toute ingérence du gouvernement.
De notre correspondante à Islamabad, Jeanne Grimaud
« Nous devons nous unir pour lutter contre toute ingérence du gouvernement dans les écoles coraniques. Si on laisse faire Musharraf, c’est la mort des madrassas », a annoncé Qazi Hussain, le leader du MMA (fédération de plusieurs partis islamistes). « Musharraf obéit à Bush et leur but est de détruire les madrassas » poursuit un autre membre du MMA.
Une semaine après l’assaut contre la mosquée Rouge qui abritait de nombreux fondamentalistes, l’hostilité à l’égard du président général est à son summum. Et toute réforme voulue par le régime est pour l’instant inenvisageable pour une majorité de mollahs (chefs religieux). Même le ministère des Affaires religieuses en convient : « Il va nous falloir un peu de temps pour essayer de convaincre les mollahs de moderniser leur enseignement car la situation actuelle nous dessert », explique le secrétaire du ministère.
Enregistrement auprès de la Wafaq-ul-Madaris (fédération des madrassas du Pakistan, reconnue par le gouvernement), bilan financier annuel et intégration des sciences, de l’anglais et de l’informatique : tels sont les trois principaux axes de ces réformes.
Les madrassas sont totalement indépendantes
« Seule l’éducation générale peut ouvrir les esprits. La plupart des madrassas sont déobandi*. Elles enseignent une idéologie et non pas l’islam », condamne pour sa part Aqeel, un diplomate en poste à Islamabad. « Ces réformes, Musharraf les a initiées en 2005 et elles n’ont pas fait barrage au fondamentalisme ! ». Ce qui inquiète précisément le gouvernement. « On aimerait créer un ‘Inter Madrassa Board’, un organe qui dépendrait du gouvernement et où seraient représentées à la fois les madrassas et les autorités. Il n’y a qu’à cette condition que l’on pourra avoir un droit de regard sur l’idéologie enseignée », concède Vakil Khan.
Les madrassas vivent de dons et, pour cette raison, sont totalement indépendantes. Le gouvernement propose de moderniser l’enseignement en y incluant des matières générales et de prendre en charge le salaire des professeurs qui en seraient chargés. « Cela ne veut rien dire ! », s’insurge un mollah qui dirige une madrassa à Islamabad. « Cela fait des années qu’on enseigne l’anglais, les sciences et d’autres matières ».
Dans le salon de l’école coranique où ce mollah reçoit ses invités, cinq autres religieux assistent à la discussion. L’un d’eux prend la parole : « Notre problème est que Musharraf veut retirer l’enseignement de la philosophie du jihad [guerre sainte]. Or c’est l’un des cinq piliers de l’Islam. C’est totalement abject ! ».Le jihad, et le militantisme qui peut en découler, ont transformé de nombreuses madrassas du pays en foyers de l’islamisme radical. Mais pour les étudiants, il est hors de question de prononcer le mot de « fondamentalisme » ou « d’extrémisme ». « Il n’y a jamais eu d’extrémisme dans les madrassas. L’islam est une religion de paix. Maintenant, quand certains étudiants se défendent parce que le gouvernement et les militaires attaquent l’islam et tuent des innocents, il est dans notre devoir de nous défendre ! », répond avec colère Kosha, une étudiante de la Jamia Fatima Zehra d’Islamabad… la seule des dix écoles affiliées à la mosquée Rouge à être restée ouverte.
* L'école de Deobandi prône le retour à « un islam pur »